Une Assemblée citoyenne pour imaginer un futur souhaitable

Assemblée Citoyenne des Imaginaires
Films catastrophes, dystopies numériques ou post-apocalyptiques, les fictions qui envisagent notre futur ne font pas envie. C’est le point de départ de l’Assemblée Citoyenne des Imaginaires.
©DR
Le 3 août 2023

Depuis le 28 mars, les Français et Françaises sont invités à participer à une initiative d’un genre nouveau. Derrière leurs claviers ou lors d’ateliers d’écriture, ils envisagent des futurs désirables pour la France de demain. À l’origine de cette Assemblée des imaginaires, l’autrice et réalisatrice, Valérie Zoydo, l’ADEME, le festival Atmosphères et la société de conseil et de technologies en intelligence collective bluenove, dont l’un des directeurs associés, Antoine Brachet a créé le mouvement Brightmirror.

"Et si l’on imaginait une fiction sans héros ou héroïne pour une fois ? Ces héros ou héroïnes sont toujours des personnes solitaires...Nous sommes interdépendants, l'héroïne est notre capacité à être ensemble et à faire société. À l'image des jeux de coopération. C’est tout le monde gagne ou tout le monde perd et sans distinction individuelle » écrit ainsi l’une des participantes à cet exercice d’écriture des possibles à l’échelle de l’Hexagone.

Le concept nait dans l’esprit de l’autrice et réalisatrice Valérie Zoydo. Elle vient de mener pendant un an une enquête pour le compte de l’ADEME, commandée par Valérie Martin, cheffe du service mobilisation citoyenne et médias de l’organisation. Elle prend la forme d’un rapport « Quel storytelling des enjeux actuels dans l’industrie du cinéma et de la télévision ? » publié en 2020. Après échange avec le cabinet bluenove, expert de la consultation citoyenne et le festival Atmosphères, spécialisé dans le storytelling et l’accompagnement de l’écriture scénaristique, un projet en trois temps voit le jour. Une première phase de consultation a lieu entre le 28 mars et le 30 mai. S’ensuit un temps de rédaction proposé aux citoyens, de façon individuelle ou collective initialement prévu jusqu’au 30 juin, repoussé jusqu’à la fin de l’été.

 

Enfin des scénaristes travailleront du 17 au 23 septembre 2023 sur les récits citoyens pour créer quatre synopsis qui pourront devenir des films.

Près de 2000 personnes ont répondu au questionnaire proposé lors de la première phase de consultation citoyenne. Le panel se compose de 70% de femmes ; 2/5 ont moins de 35 ans, 1/3 entre 36 et 50 ans; 30% proviennent de communes de moins de 20 000 habitants, 22% de moins de 100 000, 1/3 de grandes métropoles. Au total 80% des départements français sont représentés. Quant aux catégories professionnelles, 50% se déclarent cadres, 20% artisans, commerçants ou employés, 10% étudiants et 7% chômeurs.

Des questions regroupées dans quatre catégories leurs étaient adressées, elles portaient sur leurs préoccupations, leurs sources d’inspiration, ce qui les mettaient en mouvement, ce qu’ils souhaitaient retrouver dans les fictions.

Après analyse des réponses apportées, plusieurs grandes tendances se dégagent.

« Par rapport aux consultations citoyennes précédentes, comme le Grand débat national ou la Convention citoyenne pour le climat, on ressent une plus grande sensibilisation aux enjeux notamment climatiques. Les participants partagent un même constat : « le bateau Terre ne va pas dans la bonne direction » et la question se pose de savoir comment agir au niveau individuel et collectif » précise Antoine Brachet.

À travers toutes les contributions se dessine un portrait-robot d’un personnage inspiré des citoyens. Il s’agit d’un individu en quête de joie et d’optimisme, attaché aux bonheurs simples, à la coopération et l’altruisme, engagé et motivé à passer à l’action face aux enjeux écologiques actuels. Il valorise les actions concrètes et locales, vit en harmonie avec la nature, prône un usage modéré de la technologie. Préoccupé par les enjeux sociaux, il remet en question la société de consommation actuelle et aspire à une vie plus simple, axée sur des valeurs essentielles plutôt que sur l'accumulation matérielle.

20 propositions concrètes pour aller vers de nouveaux récits

Les citoyens ont même formulé 20 propositions concrètes pour aller vers de nouveaux récits. Elles concernent quatre grands thèmes : la gouvernance, la transformation du travail par le sens, la naissance de modèles économiques basés sur la coopération et au service du vivant, une organisation sociale plus communautaire et moins anthropocentrée. Citons parmi les propositions, la création d’une gouvernance horizontale, la revalorisation des métiers agricoles, le remplacement de la notion de croissance par la notion de bien-être, l’équilibrage de la répartition de la population en redynamisant les territoires.

La notion de Communs revient aussi dans les différents témoignages. L’une des personnes évoque notamment un Etat et des pouvoirs publics qui se mettraient non plus au service du marché mais des Communs.

On mentionne aussi le travail en entreprises coopératives et à but non lucratives, davantage de temps consacré « au faire », moins à la consommation. Le modèle social se veut plus respectueux de l’environnement. Quant au territoire, il semble être l’échelle la plus pertinente pour agir que ce soit en matière de biodiversité, de gestion de l’eau, d’alimentation, de santé ou de mobilité.

Lors de la deuxième phase, les citoyens et citoyennes ont été conviés à rédiger des récits et à les déposer sur la plateforme de l’Assemblée citoyenne des imaginaires. Près de 20 ateliers d’écriture ont eu lieu dans toute la France ; certains ont pris la plume individuellement. Au total, au 17 juillet l’on recense 79 récits divers dans leurs formes et leurs horizons : poésie, fictions, histoires à la première personne, récits collectifs etc.

En septembre démarrera la troisième étape de l’Assemblée citoyenne des imaginaires. Quatre binômes de deux scénaristes plancheront chacun sur un synopsis en se saisissant des résultats de la consultation ainsi que des récits conçus par les participants et participantes.

« L’objectif c’est de faire converger la participation citoyenne et l’objet cinématographique » explique Antoine Brachet. Les 4 scénarios produits seront proposés d’abord à TF1, l’un des principaux partenaires de l’opération qui décidera de les adapter sous la forme qu’il souhaite. En deuxième intention, si la chaine ne souhaite pas s’en emparer, des sociétés de production pourront s’en saisir. Le cofondateur de Bluenove envisage une dernière phase pour permettre aux citoyens d’enrichir les récits voire de voter pour leur version favorite, à l’automne. « Tout se construit au fil de l’eau, nous verrons si cette étape fait sens, à laune de la matière recueillie et de la progression du projet » conclut-il.

Une démarche pionnière pour imaginer d'autres récits du futur

Films catastrophes, dystopies numériques ou post-apocalyptiques, les fictions qui envisagent notre futur ne font pas envie. C’est le point de départ de l’Assemblée Citoyenne des Imaginaires, une démarche pionnière et expérimentale d’écriture collective des récits du monde à venir. Son but est de permettre au grand public de participer à la création de films, séries, programmes courts, BD…

Des histoires imaginées par les citoyens pour les citoyens. Vous avez envie de participer à l’aventure ?

Pour Valérie Zoydo, experte dans le storytelling du changement individuel et collectif, à l'initiative du projet, « Un nouveau récit serait un récit qui décrypterait les enjeux majeurs de l’époque tout en épousant les codes du storytelling. Il porterait un regard sur le monde actuel et à venir, à mi-chemin entre fiction et réel. Un bon récit part de faits lucides qui le rendent crédibles et qui permettent d’entrer en empathie avec les personnages pour ensuite ouvrir le champ de possibles, inviter au rêve, à l’extraordinaire, et offrir une expérience immersive, esthétique et émotionnelle.»

https://www.assemblee-des-imaginaires.org/

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