Élu local, mission impossible ?

Le 24 mai 2019

Plus de cinquante personnes (agents publics, urbanistes, élus locaux, militants, étudiants, consultants...) ont participé à la soirée-débat "Élu local, mission impossible ?" organisée par la revue Horizons publics à l'occasion de la parution de son numéro sur "Le printemps des maires" le 15 mai dernier aux Halles civiques à Paris. Durant plus de 2 heures, cette assemblée citoyenne pas comme les autres, animée par Manon Loisel (Acadie) et Nicolas Rio (Partie Prenante), a imaginé la fiche de poste de l'élu local de demain en mode participatif et ouvert. L'occasion de se poser collectivement la question, un an avant les municipales de 2020 : De quel.les élu.e.s avons nous besoin ?

Soirée débat Quel élu local demain?

À moins d’un an des élections municipales, tous les élus locaux en poste ne sont pas forcément partants pour briguer un nouveau mandat. Il y a certes, pour nombre d’entre eux le souhait de « passer la main » ou de ne pas s’engager dans le combat de trop. Mais ce ne sont, pour autant, pas les seules raisons de vouloir en « rester là », comme l’ont montré quelques démissions, parfois fracassantes, de maires de petites et de moyennes villes : pression locale, raison de santé, manque de moyens…

Y aller ou pas

À l’inverse, de nombreux (et nombreuses) « aspirants » continuent de vouloir se lancer dans l’aventure d’un mandat local. Mais ils ne connaissent sans doute pas véritablement tous les tenants et aboutissants, les risques et les contraintes, inhérents à la charge pour laquelle ils se présentent devant les électeurs. D’où l’utilité de revenir sur la singularité et la complexité de cette responsabilité si particulière, dévolue à plus de 500 000 élus locaux, ainsi que l’ont récemment fait plusieurs acteurs et spécialistes de terrain, à l’initiative de la revue « Horizons publics », sur le thème « Élu local, mission impossible ? ». Une rencontre – animée par Manon Loisel (Acadie) et Nicolas Rio (Partie Prenante), avec le soutien de l’AMRF (Association des maires ruraux de France), Vraiment Vraiment et La 27e Région - où il fut question d’examiner, indépendamment de l’engagement politique, quelques unes des difficultés liées à cette fonction mais aussi, par le biais d’ateliers collectifs, d’esquisser / dessiner la « fiche de poste de l’élu local de demain ».

Un contexte en mouvement permanent

Définir les contours et les incontournables de la mission oblige au préalable à s’intéresser à l’environnement dans lequel agit l’élu local aujourd’hui, comme l’ont rappelé Manon Loisel et Nicolas Rio, consultants en stratégies territoriales et co-animateurs de l’événement. L’ère du « notable Troisième République » est bien révolue, et cela pour deux raisons au moins. D’abord, la société a considérablement bougé, les populations se fragmentent (vie quotidienne, sociologie, métiers…) et sont de plus en plus mobiles, ayant un rapport au territoire totalement différent de celui d’autrefois : pour résumer, on peut aujourd’hui dormir tous les soirs dans telle ou telle ou telle commune mais n’y vivre que le week-end ou à l’inverse y passer l’essentiel de son temps - pour des raisons professionnelles - sans véritablement faire partie de la collectivité (impôts locaux, liste électorale…). Autre élément de différenciation pour l’élu d’aujourd’hui au regard de ses prédécesseurs, la mission elle-même s’est considérablement complexifiée : la technicité souvent très forte des décisions à prendre, une gouvernance parfois « floue » entre ce qui relève du secteur public, du privé ou du tiers secteur (les associations, les citoyens impliqués…).

Soirée débat Quel élu local demain?

Le tout et son contraire

À ces préoccupations, s’ajoute également celle que les élus locaux sont régulièrement confrontés à des « injonctions contradictoires » (le fameux « tout et son contraire ») au nombre de huit selon les animateurs de cette réunion. Y figure notamment la question des « cibles » de l’action des élus qui peuvent être en opposition : les usagers d’une part, les habitants d’autre part lorsqu’il s’agit, par exemple, d’implanter des antennes relais pour la téléphonie mobile. Quant au rapport de l’élu avec le collectif, autre illustration de possibles dichotomies, il n’est pas toujours évident de conjuguer le « discours commun » et les « discours différenciés ».  On peut aussi mentionner dans cet ensemble de contradictions potentielles, les relations qu’entretient l’élu avec son administration : est-il un arbitre ou un manager ?

Soirée débat Quel élu local demain?

À l’écoute du public

Pour sa part, commente Fabrice Roussel, maire de La Chapelle-sur-Erdre (44 ; 19 000 habitants) et vice-président de Nantes Métropole, beaucoup d’élus peuvent avoir un « sentiment de perte de pouvoir » (au regard de leur projet politique), confrontés à des moyens financiers contraints et à la réorganisation des collectivités : phénomène de l’intercommunalité, fusion de communes… Constat identique de la part de Sylvain Lambert, maire de Rochefort-en-Yvelines (78 900habitants).

Face à tous ces défis, il importe pour l’élu de disposer d’une compétence sur les dossiers traités (« connaître les sujets »), sachant que les administrations gagnent en technicité et que des citoyens peuvent dans le même temps s’estimer compétents sur certains sujets les touchant personnellement. Dans tous ces cas, insiste François Roussel, « l’écoute du citoyen est essentielle… le vrai enjeu est de définir les attentes ». À Champagne-sur-Seine (77 6 000 habitants), par exemple, le maire Michel Gonord explique avoir mis en place des comités de quartier pour prévenir la possible évolution de la ville actuelle en cité dortoir, pour conserver « une vie dans la ville ».

Des compétences qui s’acquièrent

Quant à la « fiche de poste de l’élu local de demain », les trois ateliers mis en place - sur les thématiques « cibles », « compétences », « critères dévaluation » - ont permis de constater que le talent personnel de tel ou tel élu local sur le terrain n’excluait pas la nécessité de disposer aussi de « compétences », c’est-à-dire de ce qui « s’acquiert » et peut s’améliorer. La communication étant un sujet essentiel, il s’agira ici de savoir « écouter », « traduire », « faire adhérer à un projet ». L’élu doit également apparaître comme un « facilitateur » (c’est ce qu’on attend de lui), un « animateur de réseau » apte à travailler en équipe, ayant en outre les capacités de « faire émerger une vision ». On attend également d’un élu qu’il « pilote ». Autant de compétences qui relèvent de la gestion, laquelle inclut la capacité de « trancher ». Enfin, autre qualité à développer chez l’élu de demain, celle « d’apprendre à apprendre ». Et, bonne nouvelle, il s’agit d’une compétence stricto sensu, c’est-à-dire qu’elle peut aussi s’acquérir !

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