Elysée 2027 : À quoi ressemblera la démocratie en 2027 ?

Élysée 2027 : Imaginez le visage idéal du pouvoir
Adrien Rivière, auteur et cofondateur du design fiction studio partage quelques recommandations aux écrivains du jour, en compagnie d'Antoine Brachet, directeur associé de Bluenove, fondateur du projet Bright Mirror et Julia Lemarchand, rédactrice en chef des Echos Start, durant la soirée Bright Mirror Présidentielle 2027.
©Bluenove - DR
Le 30 mars 2022

Un robot, un groupe d’enfants, une intelligence artificielle, le vote liquide, voici quelques-unes des alternatives imaginées par le public lors de la soirée Bright Mirror Présidentielle du 11 mars 2022 au siège des Echos.

 

Pour les participants et participantes, cet exercice de design fiction consistait à rédiger un récit imaginaire en 45 minutes pour se projeter à la veille des élections présidentielles de 2027. Qui seront les candidats et candidates ? Comment seront-ils désignés et choisis ? À quels défis répondront-ils ? De quelle manière ? Chaque groupe de trois ou quatre participants a inventé sa propre histoire, donnant à voir des aspirations différentes.

 

Stéphanie Chemla a embarqué pour Horizons publics au cœur de cette soirée pas comme les autres conçue par Bluenove, société spécialisée dans les méthodologies et technologies d'intelligence collective et en partenariat avec les Echos Start, média du groupe Les Echos destiné aux jeunes, et la participation d'Ashoka, ONG et réseau d’acteurs de changement qui agit en faveur de l’innovation sociale.

Élysée 2027 : Imaginez le visage idéal du pouvoir

Élysée 2027 : Imaginez le visage idéal du pouvoir, c'est l'atelier de design fiction organisé en partenariat avec Les Echos Start et bluenove pour imaginer à quoi ressemblera le pouvoir en 2027.

Vendredi 11 mars, 18h. Je rejoins l’imposant siège des Echos où m’attend une soirée Bright Mirror. Confortablement installée dans l’amphithéâtre j’apprécie la présence de prises électriques, ordinateur oblige. J’ai déjà assisté à un événement similaire à la Halle Civique. À l’époque, en février 2019 nous échangions déjà sur le grand débat national, la démocratie et la citoyenneté de demain. Cette fois le thème, c’est la vision du pouvoir en 2027. La salle se remplit peu à peu mais elle n’affichera pas complet ce soir. Sur les 120 inscrits, seule une soixantaine de personnes assisteront en définitive à la soirée. La moyenne d’âge doit se situer aux alentours des 30 ans. Avec mes cheveux poivre et sel je fais figure d’exception aux côtés de quelques journalistes de la Maison, venus expérimenter ce format innovant. La soirée démarre par une introduction d’Antoine Brachet, directeur associé de Bluenove, fondateur du projet Bright Mirror et Julia Lemarchand, rédactrice en chef des Echos Start.

Bright Mirror, ce sont près de 3000 histoires écrites reposant sur trois paris: l’intelligence de chacun, la pensée performative, l’optimisme. Les Echos Start, c’est « la verticale jeune » du groupe les Echos comme l’explique Julia Lemarchand, sa rédactrice en chef.

S’ensuivent plusieurs interventions analysant les attentes des jeunes et quelques conseils pratiques pour la rédaction des futurs textes.

Les jeunes, l’engagement et le désir d’une autre manière de faire société

Pour Elsa da Costa Grangier, directrice générale d’Ashoka France, ONG regroupant un réseau d’acteurs œuvrant en faveur de l’innovation sociale, la démocratie n’a jamais été aussi vivante et en lutte. Tout l’enjeu consiste à aller vers une démocratie plus « oxygénée », à casser les représentations d’une jeunesse inopérante et à considérer les jeunes, non pas comme les bénéficiaires d’aides publiques mais plutôt comme des parties prenantes de ce processus de changement. Selon elle, une phrase transcrit bien cette ambition : « ce que tu fais pour moi sans moi, tu le fais contre moi ».  Elle cite le projet « Ta Voix Compte » réunissant les propositions que les jeunes souhaiteraient inscrire au débat public et présidentiel. Une manière de lutter, selon elle, contre l’invisibilisation de cette jeunesse, qui représente 30% de la population française et compte seulement deux députés à l’Assemblée nationale.

Fondateur de l’association marseillaise Conscience, Amine Kessaci, 18 ans, affirme se sentir concerné par le site lancé par Ashoka. « Nous ne voulons pas suivre le chemin que l’on a tracé pour nous mais écrire nous-mêmes les initiatives que nous souhaitons porter ». Son association milite pour améliorer les conditions de vie dans son quartier de Frais-Vallon, un quartier nord de Marseille et au-delà, dans toute la France. Pour Amine Kessaci, l’action doit se baser sur le collectif, certains jeunes sont engagés pour l’écologie, la démocratie ou l’accompagnement des jeunes placés en foyers.

« Il n’y a pas qu’une seule lutte. Le monde politique devrait s’organiser autour d’un collectif qui porte des actions communes » ajoute Amine Kessaci, fondateur de l’association marseillaise Conscience.

Julia Lemarchand, rédactrice en chef des Echos Start, affirme découvrir chaque jour de multiples initiatives et formes d’engagement des jeunes, et interroge les invités sur la traduction politique de cet engagement. La directrice d’Ashoka rappelle l’inquiétant niveau d’abstention des jeunes tout en indiquant le niveau d’engagement associatif des 15-25 ans qui atteint les 75%. Les propositions recueillies sur le site « Ta voix compte » ont d’ailleurs fait l’objet d’échanges avec plusieurs candidats à l’élection présidentielle, Yannick Jadot, Valérie Pécresse et Anne Hidalgo.

Partir d’une idée absurde pour dynamiter les imaginaires

Après l’introduction, Adrien Rivierre, auteur et cofondateur du design fiction studio partage quelques recommandations aux écrivains du jour. Il propose aux participants de dynamiter les imaginaires, de concevoir un autre pouvoir, une autre manière de s’impliquer en politique. Une politique de la demande pourrait ainsi remplacer la politique de l’offre, un programme se faisant l’écho des demandes d’une population donnée. Le tirage au sort aurait toute sa place dans une démocratie renouvelée. Adrien Rivierre suggère de partir d’une idée loufoque, absurde. Un pouvoir supranational, en écho au pouvoir intergalactique de Star Wars, un triumvirat, un collectif de jeunes, des animaux…Dans ce processus, l’imaginaire a toute sa place. Comme tout récit, il repose sur le diptyque « solution-problème » et commence par une phrase d’amorce. Pour permettre au lecteur de visualiser, il est recommandé d’émailler son récit de détails, de descriptions. Autant d’images suscitant l’appropriation par le lecteur, enrichies par des dialogues vivants et des contrastes forts. L’auteur recommande enfin de jouer sur le suspense, les défis et épreuves à surmonter créent une tension et ont le mérite de tenir le lecteur en haleine.

Article les Echos

Les 8 idées venues du futur pour réenchanter la démocratie, l'article publié dans les Echos le 28 mars 2022, reprenant les micronouvelles positives écrites durant la soirée Bright Mirror spéciale présidentielle.

45 minutes pour imaginer un futur désirable

Munis de ces conseils, il est temps pour nous de passer à la pratique. Un rapide regard dans la salle : à droite un groupe de messieurs, à gauche un groupe de jeunes, tout juste trentenaires. Je choisis de m’approcher du second. Ils m’intègrent à leur équipe. Les groupes se dispersent dans la salle et les pièces attenantes. Tandis que William nous invite à nous asseoir, je suggère de nous installer sur un mange-debout. C’est à cette option que notre groupe de quatre se range. Parmi les six options d’accroches proposées, nous choisissons la suivante :« Dernière intervention au débat de l’entre-deux tours pour notre collectif candidat à l’élection présidentielle. Nous avons décidé d’adopter la désormais célèbre maxime… »

Les idées fusent ; je prends des notes, sans discontinuer, à une cadence effrénée, sur le clavier de mon ordinateur. Il s’agit de s’organiser très vite, 45 minutes pour imaginer un futur désirable c’est court, très court. Faire collectif devient une nécessité. Heureusement l’alchimie opère. J’interviens pour défendre une idée qui me tient à cœur, imaginer un collectif d’enfants au pouvoir. Puis volontairement je me mets légèrement en retrait.

  • « Il faudrait que cela se déroule dans un milieu rural » annonce Marianne.
  • « À quoi cela ressemblerait à ton avis? » lui réponds-je.
  • « Ce serait vert, cela sentirait les prés, il y aurait des vaches du Saint Nectaire, de la Fourme. Oui le Cantal, c’est bien cela ! » s’exclament à l’unisson Marianne, Damien et William.

Après ce consensus sur le Cantal, nous devons construire notre histoire. Nous avons les personnages, le lieu. Quelle intrigue camper ? Marianne regorge d’idées, ses acolytes ne sont pas en reste. Nous partons sur une classe de CM2, qui souhaite se présenter aux élections présidentielles, puis surgit cette idée d’un jeu vidéo à la mode consistant à gérer la vie sur une petite île. Ce jeu, on l’appellerait Cyclades, s’exclame l’un des participants.

À intervalles réguliers, une animatrice s’approche de notre table pour nous donner le tempo. « Pensez à commencer la rédaction. Vous avez déterminé l’intrigue ? Le problème, la solution ? ».

Nous abandonnons l’idée de la classe de CM2 pour imaginer un groupe de jeunes joueurs unis par le jeu Cyclades, seul lien à la modernité dans leur environnement rural. Isolés car l’essence coûte cher, ils ne disposent pas de mobylette ni de moyen de transport. Leur façon de se connecter au monde, ce sont des lunettes connectées à l’Interface, l’héritier d’Internet.

Grâce à Cyclades, ils inventent quatre commandements, une ébauche des commandements qu’ils proposent d’appliquer s’ils sont élus :

« 1. Un soir par semaine avec des inconnus d’autres communautés tu devras jouer pour partager des connaissances, des envies, des passions.

2. Deux savoirs techniques et un savoir artistique tu devras apprendre, enseigner et transmettre.

3.  L’empathie radicale, tu devras mettre en pratique. Une fois par an à l’interface tu te connecteras et tu vivras la grande métamorphose du changement de sexe.

4. Trois jours par mois tu consacreras à l’embellissement et à la propreté de ta communauté ».

L’heure tourne. Il nous reste 15 minutes pour trouver un titre, la chute et bien sûr relire. Nous allons appeler notre récit « Clash of Cyclades », un titre fort pour accrocher le lecteur. Et il nous faut un problème, une situation à résoudre.

C’est à ce moment là qu’interviennent les martiens. Chassés de leur planète par le désastre écologique, ils vivent dans des abris de fortune et peinent à se nourrir. S’inspirant de cet exemple tragique, notre collectif d’enfants veut construire un nouvel ordre matériel et un contrat social fondé sur le collectif. L’avenir dira. Point final.

Les animateurs et animatrices nous invitent à regagner la salle pour entendre certains des récits.

Pour en savoir plus :

Les 19 histoires imaginées (certaines après la séance) témoignent d’une grande richesse et diversité des points de vue.
Pour les lire : Elysée 2027 : Imaginez le visage idéal du pouvoir

 

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