Revue
Ils nous étonnentNancy adopte sa constitution municipale de démocratie locale
Nancy est la première ville de plus de 100 000 habitants à s’être dotée d’un tel texte, révisable chaque année. Une démarche inédite de collaboration entre élus et citoyens pour permettre à tous de participer à la prise de décision et à la mise en œuvre des politiques de la municipalité.
« Actuellement nous sommes la seule ville française de plus de 100 000 habitants à s’être dotée d’un tel texte, souligne ainsi Laurent Watrin, adjoint à la démocratie coopérative, à l’innovation des politiques publiques et à la ville numérique. Il faut refaire le lien entre les élus, les agents et les habitants. Un tryptique essentiel au bon fonctionnement de la démocratie locale où les premiers et les deuxièmes sont présents et les troisièmes sont impliqués dans les politiques publiques, estime-t-il. »
Mais l’existence d’un lien entre ces trois catégories d’acteurs ne doit pas non plus signifier la multiplication des pains. « La faiblesse fondamentale de la démocratie participative c’est sa dispersion. Les initiatives fleurissent de partout. Mais si les citoyens n’obtiennent pas de retour sur engagement sous forme de prise en compte concrète et durable de leurs souhaits sur l’amélioration de leurs quotidiens, ce mouvement se transformera en un accélérateur de défiance ce qui serait fort grave », analyse Dominique Valck, président du conseil de développement durable du Grand Nancy.
Faire de la pédagogie auprès des citoyens
C’est précisément ce que semble vouloir éviter Nancy avec sa Constitution vue comme un règlement de travail de la démocratie locale et révisable chaque année. Pour y parvenir il a tout d’abord été mis sur pied une assemblée citoyenne composée de 130 personnes à la fois volontaires et tirées au sort sur les listes électorales (100 titulaires et 30 suppléants). Ces « constituants » – au sens de ceux qui sont chargés d’élaborer une loi fondamentale et sans référence à ceux de 1789 – ont eu pour mission de rédiger cette constitution municipale, dont l’objet a été d’organiser formellement l’articulation entre les instances de démocratie représentative et les outils de la coopération citoyenne, selon trois objectifs à savoir : le redéploiement et le renforcement des conseils de quartier ; la méthode du budget participatif qui affecte jusqu’à 1,5 million du budget d’investissement dédié à des projets construits et décidés par les citoyens ; la création d’outils nouveaux de la participation citoyenne.
« Beaucoup de citoyens sont très éloignés de la démocratie locale même s’ils sont intéressés par la vie locale, observe Laurent Watrin. » L’initiative nancéenne a donc eu pour vertu première de faire de la pédagogie auprès des citoyens en les confrontant avec la réalité à savoir un cadre réglementaire qui impose beaucoup de choses à l’échelon local tels que les conseils de quartier : « Faire de la pédagogie fait partie du travail de l’élu. Il nous faut montrer tout à la fois que nous comprenons les frustrations et que nous agissons avec des marges de manœuvre plutôt courtes tout en invitant les citoyens à réfléchir à ce que nous pouvons imaginer et construire ensemble, explique Laurent Watrin. »
L’intelligence collective mise en œuvre pour l’élaboration de sa constitution municipale de démocratie locale a débouché sur la création de onze ateliers de vie de quartier qui ont pour objectif d’animer la vie des quartiers de toute la ville, en prenant en compte les besoins de tous les publics. Quant au budget participatif – dont c’est la première édition – une plateforme a recueilli les projets des citoyens. Après le vote des habitants et des analyses techniques, vingt-cinq projets1 ont ainsi été retenus pour une enveloppe de 800 000 euros et seront mis en œuvre à partir du second semestre 2021.
L’initiative nancéenne a pour vertu première de faire de la pédagogie auprès des citoyens en les confrontant avec la réalité.
« Je suis un peu mitigé sur les budgets participatifs car cela concerne des périmètres et des budgets spécifiques qui de plus relèvent souvent des compétences des métropoles ce qui est le cas à Nancy très intégrée de ce point de vue. Ces budgets sont donc un peu comme des apéritifs : ils créent des envies, ironise Dominique Valck. » Ce dernier estime que le véritable enjeu pour les citoyens et leurs participations aux politiques publiques est d’instaurer un processus de consultation des citoyens sur la vision du projet métropolitain lui-même afin d’aboutir via le conseil de développement durable à une réécriture de ce projet.
Enfin, le troisième étage de la « fusée constitutionnelle » nancéenne, est constitué par l’expression des citoyens à travers un vœu de référendum local et le droit d’interpellation. « Notre initiative de constitution municipale qui n’est que le commencement d’un processus et notre volonté de pédagogie vis-à-vis des habitants inscrivent résolument notre démarche dans le temps long. Quant à la posture de l’élu je pense que le pouvoir n’existe pas. Nous sommes des facilitateurs dans un univers réglementaire complexe parfois utile, parfois inutile et nous devons nous abstenir de mentir sur des objectifs ou des sujets, conclut Laurent Watrin. » C’est d’autant plus judicieux lorsque l’on n’est pas souverain en matière fiscale comme cela est le cas pour les collectivités territoriales.
- Il s’agit essentiellement de projets portant sur l’aménagement urbain tels que la création de mini forêts urbaines, l’installation de points d’eau potable dans la ville ou encore le développement de l’offre de stationnement sécurisé pour vélos et trottinettes et non de sujets de fond comme les transports, l’énergie, l’économie ou l’emploi.