Souviens-toi l’été d'après

Le 18 septembre 2020

Depuis la fin du confinement et des autres mesures restreignant la liberté de circulation (fameuse distance maximum des 100 km ou interdiction de changer de département), chacun peut ressentir la petite part d’étrange dans cette nouvelle normalité.

Les déplacements libres, qui ont été l’exception pendant près de trois mois, sont redevenus le principe et seules quelques règles de distanciation sociale subsistent, dans un contexte de crise sanitaire largement ralentie, mais toujours réelle.

On peut donc retrouver ses amis au restaurant, mais sans s’embrasser. On peut aller voir un film au cinéma, mais en portant un masque et en s’espaçant des autres spectateurs. On peut aller acheter une nouvelle chemisette, mais sans l’essayer en cabine.

À ces quelques « mais » près, aurions-nous déjà retrouvé l’ancienne normalité en oubliant tous ces idéaux d’un « monde d’après » résilient ?

Ça ne semble pas être l’intention des associations et ONG qui ont récemment décidé d’unir leurs forces pour nous permettre d’« inventer le monde d’après » 1.

C’est ainsi, en plein confinement, que la Croix-rouge française, le WWF France, Make.org, le Groupe SOS, MOUVEMENT UP et Unis-cité ont coordonné la consultation citoyenne ouverte intitulée « Inventons le monde d’après ».

Qu’il s’agisse du « consommer local », du « zéro déchet », de la relocalisation de secteurs économiques essentiels, du renforcement de la transparence publique et de la démocratie, toutes ces propositions portées par les citoyens ayant participé à la consultation laissent à ces associations une belle feuille de route.

Pour espérer changer les choses, la mise en œuvre de ces différentes grandes idées requiert une action transversale de divers acteurs.

Pourtant, côté exécutif, on constate pour le moment que le ministre de l’Économie est devenu celui de la Relance tandis qu’aucun ministre n’est chargé du Numérique qui a pourtant été un vecteur majeur (pour ne pas dire essentiel) de la continuité de l’État, du service public, de l’éducation, du travail et des relations sociales (pour ne citer que ces domaines).

Côté société civile, la crise sanitaire et tout particulièrement la période de confinement a vu naître de nombreuses initiatives solidaires sur l’intégralité du territoire. Là encore, le numérique a souvent aidé à mettre en relation les acteurs de ces solidarités ; qu’il s’agisse de garder l’enfant d’un soignant, ou de faire des courses pour une personne âgée du voisinage.

Entre deux, les collectivités territoriales semblent vouloir encourager l’élan de solidarité et de bénévolat de ces derniers mois. C’est en ce sens qu’une dizaine de conseils départementaux viennent de lancer le programme « Département solidaire », en partenariat avec l’association Les voisins solidaires2.

Le but premier est de transformer ponctuellement les bonnes volontés en bonnes actions pour tous ceux qui ne sont pas tout à fait prêts à s’investir pleinement dans l’associatif solidaire. Initiative qui ne peut qu’être encouragée. Affaire à suivre.

Si on peut être nostalgiques du confinement pour la solidarité que cela a entraîné, on peut l’être tout autant pour l’insouciance du temps qui a pu être passé à la maison, notamment à cuisiner. En effet, la crise sanitaire laissait planer un sacré flou sur l’été 2020. Un brouillard assez dense pour permettre d’oublier le « summer body » et de lui préférer la confection de brioches et autres douceurs. La preuve : en moyenne, les Français ont pris 2,5 kg pendant le confinement3. Mais maintenant que le Gouvernement nous annonce que l’on peut avoir un vrai été4… Pour ma part, c’est la panique !

Du coup, pour cette chronique, je me suis un peu intéressé aux vacances, au tourisme et à la culture. Et dans un premier temps, j’ai découvert un drôle d’article qui a retenu mon attention et que je partage avec ici avec vous.

Cela vous est-il déjà arrivé de perdre un bagage à l’aéroport ? À un ami ou un membre de la famille sinon ? Dans ce cas, deux issues : le bagage est retrouvé et rendu à son propriétaire ou le bagage est perdu. Dans ce second cas de figure, bien sûr, le bagage ne s’est pas volatilisé. Il est perdu, mais n’a pas disparu pour autant. Alors, que devient-il ?

Eh bien, figurez-vous que lorsque des bagages sont retrouvés par des aéroports ou des compagnies aériennes et qu’ils ne sont jamais réclamés… ils sont vendus ! C’est l’étrange histoire de la seconde vie des bagages abandonnés qui est racontée dans un article intitulé « Meet the company that sells your lost airplane luggage » 5. Pouvait-on faire meilleure lecture d’été ?

Pour en revenir à nos moutons, solidarité et chauvinisme obligent, beaucoup de Français optent cette année pour le tourisme « bleu blanc rouge » ; choix à la fois encouragé et exprimé par le hashtag #CetÉtéJeVisiteLaFrance6.

Vous le savez sûrement, la France est le pays le plus visité au monde avec plus de 82 millions de touristes (en 2019)7. Devinette : savez-vous quel est le site touristique qui accueille le plus de visiteurs en France sur une année ? 8

Pour en revenir à la période estivale, ce sont majoritairement les côtes qui sont préférées par les vacanciers, notamment français. Mais qui dit « côte » dit « maillot de bain » et pour ceux qui, comme moi, ne rentrent plus dedans, voici une petite sélection d’activités tantôt sportives tantôt gastronomiques (la gastronomie ne peut-elle pas être un sport dans certaines circonstances ? 9), mais qui ne nécessitent pas de se mettre à nu. Prenez des notes pour profiter jusqu’au bout de l’été, voire de l’été indien (croisons les doigts !) et des beaux week-ends.

Vélo & fromages, la France sur un plateau

Cette récente initiative représente déjà quatre-vingt-sept itinéraires labellisés dans quarante-cinq départements pour découvrir, à vélo, le patrimoine fromager et de toute la richesse gastronomique des territoires.

Les itinéraires « Vélo & fromages » font la promesse de près de 6 800 kilomètres de routes à sillonner en pédalant, avec plus de 1 000 sites fromagers à découvrir des visites de fermes, de caves d’affinage, des rencontres avec des éleveurs passionnés, des pauses dans les marchés, et d’autres activités sont proposées tout au long des routes, pour un moment de convivialité et de plaisir.

Dans le même esprit terroir et gastronomie : l’œnotourisme

Pour n’importe quel étranger, le Français de base porte un béret, une marinière et tient à la main une bouteille de rouge sans oublier la baguette sous le bras (pour accompagner le fromage acheté pendant la balade à vélo).

À peine caricaturé, le cliché français implique forcément le vin. Non négligeable d’un point de vue économique10, le vin a aussi sa dimension touristique puisque chaque année, c’est plus de 10 millions de touristes dont 42 % d’étrangers11 qui parcourent nos régions viticoles.

Lancé par le ministère des Affaires étrangères en 2016, le site www.visitfrenchwine.com a pour objectif d’améliorer la promotion de l’ensemble des destinations et marques œnotouristiques françaises.

Qu’on soit plutôt, rouge, blanc, rosé, vins tranquilles ou effervescents, vins du sud ou vins du nord, ce site regorge d’itinéraires pour découvrir le plus vaste et le plus beau patrimoine viticole du monde (j’en fais un peu trop ou juste assez ?).

Pour allier sport et patrimoine : l’appli Runnin’City

Cette application de course à pied permet de faire sortir les runners de leur petit parcours habituel pour découvrir des curiosités sur leur chemin. En pratique, l’appli guide oralement l’utilisateur d’un point d’intérêt à un autre sur plus de 450 courses de 5, 10 ou 15 kilomètres à travers le monde.

Pour l’instant, ce sont surtout les grandes villes et quelques moyennes qui proposent la majorité des « smart runs ».

Néanmoins, le succès rencontré par l’application devrait amener de plus en plus de petites villes à jouer le jeu comme l’a récemment fait la commune de Fontaines Saint-Martin12 (environ 3 000 habitants dans le Rhône).

Au-delà de ses paysages et de son patrimoine matériel, la culture française elle-même, du moins sa « gastronomie », est d’ailleurs classée au patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Il ne s’agit pas seulement du contenu de l’assiette, mais bien du rituel du repas qui est associé à l’identité culturelle française et qui est alors mis en exergue, dans toutes ses composantes. Pour l’UNESCO, sont alors constitutifs du patrimoine culturel immatériel de l’Humanité « l’achat de bons produits, de préférence locaux, dont les saveurs s’accordent bien ensemble ; le choix attentif des mets, parmi un recueil de recettes qui ne cessent de s’enrichir ; le mariage entre mets et vins ; l’esthétisme de la table ; les conversations.

Le repas gastronomique doit aussi respecter un schéma bien particulier : il commence par un apéritif et se termine par un digestif, avec entre les deux au moins quatre plats, à savoir une entrée, du poisson et/ou de la viande, du fromage et un dessert. » 13

C’est notamment dans ce cadre qu’à l’école, les repas pris par les petits Français sont conçus comme un moment éducatif à part entière. Ils sont aussi éduqués à la gastronomie pendant la fameuse « semaine du goût ».

Parce qu’en effet, on ne le dira jamais assez : l’accès à la culture (entendu au sens le plus large possible) est un élément essentiel de l’éducation.

Justement, comme nous en avons déjà très rapidement parlé dans la dernière chronique14, pendant le confinement, les musées et autres établissements culturels ont fait un grand bond dans leur transformation numérique en proposant, par exemple, des visites numériques15 ou en renforçant leur présence sur les réseaux sociaux, en ouvrant une chaîne YouTube (intitulée « Paris Musées ») de reportages d’expo.

Pour les moins initiés à la présence des musées en ligne, le blog Culturez-vous a conçu un petit guide pratique pour « aller au musée ou au théâtre tout en restant chez soi » 16. Rédigé spécialement pour la période de confinement, cet article n’en perd pas moins son intérêt pour celles et ceux qui souhaiteraient continuer à accéder à la culture en ligne, pratique s’il faut un jour refaire l’école à la maison !

Autre initiative remarquable, le musée du Pont-Aven (Finistère) a lancé une expérience intitulée « Réserve, ouvre-toi ! » 17. Cette démarche participative permet au public de s’impliquer dès la constitution de l’exposition. Ainsi, du 1er mai au 7 juin, les internautes ont été appelés à voter en ligne ; pour leur œuvre préférée parmi une sélection de cinquante pièces (peintures, dessins, estampes, etc.) peu connues, rarement ou jamais publiées ni même montrées. Les cinq œuvres ayant recueilli le plus de votes seront dévoilées le 19 septembre 2020, juste avant que toute la sélection ne fasse l’objet d’une exposition à partir d’octobre de la même année.

Autre solution qui semble prôner l’équilibre entre expérience matérielle et humaine, augmentée par le numérique : les micro-folies. Ce projet s’articule autour d’un musée numérique en collaboration avec douze établissements culturels nationaux fondateurs. En fonction du lieu choisi pour accueillir la micro-folie et du projet conçu pour et avec les habitants, plusieurs modules complémentaires peuvent compléter le musée numérique : un fablab, un espace de réalité virtuelle, une scène, une bibliothèque/ludothèque ou encore un espace de convivialité. L’objectif est de créer un espace multiple d’activités accessible et chaleureux. Ça ne vous semble pas très clair ? Allez donc voir leur vidéo de présentation ! 18

Enfin, à force de vous parler de visites et de vacances, j’en oublie qu’il est temps que je prenne les miennes… Je vous souhaite un bel été et on se retrouve bientôt !

  1. https://www.inventonslemondedapres.org/
  2. Voir aussi les autres actions mises en place par les départements dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, http://www.departements.fr/mesures-mises-place-departements-cadre-de-letat-durgence-sanitaire-liee-a-lepidemie-de-covid-19/
  3. Largement repris par de nombreux médias, ce chiffre est issu d’une étude réalisée par l’IFOP pour Darwin nutrition, sur l’impact du confinement sur le poids et l’équilibre de l’alimentation, en 2020, https://www.darwin-nutrition.fr/actualites/alimentation-francais/
  4. Pour savoir quelles restrictions peuvent être rencontrées du fait de la crise sanitaire, se rapporter au site dédié du Gouvernement très clair et régulièrement mis à jour, https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus/vacances
  5. “Meet the company that sells your lost airplane langage”, The Hustle 11 juill. 2020, https://thehustle.co/unclaimed-baggage-store-that-sells-lost-luggage/
  6. https://www.france.fr/fr/campagne/cetetejevisitelafrance
  7. Chiffres de l’OMT pour 2019 : après la France, les pays les plus visités sont, dans l’ordre, les États-Unis, l’Espagne, la Chine et l’Italie.
  8. Réponse : Disneyland Paris ! Avec plus de 14,5 millions de visites en 2019, le parc de Mickey est le grand gagnant devant le musée du Louvre (7,5 millions de visiteurs) puis le domaine du château de Versailles (7,3 millions de visiteurs).
  9. Ça n’est pas à Mortagne-au-Perche que l’on dira le contraire : « Concours du plus gros mangeur : des records parfois… indigestes », Ouest-France, mars 2018
  10. Cougard M.-J., « Vins et spiritueux : la France a réalisé des exportations records en 2019 », Les Échos févr. 2020 : « Les exportations françaises de vins et spiritueux ont atteint un niveau exceptionnel en 2019, à 14 milliards d’euros, en hausse de 5,9 % sur un an. »
  11. Chiffres de 2016 issus de la page « œnotourisme » du site atout-France, http://www.atout-france.fr/content/oenotourisme
  12. Commune du Rhône qui compte environ 3 000 habitants.
  13. « La gastronomie française inscrite au patrimoine de l’Humanité », Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères juin 2020, https://tn.ambafrance.org/La-gastronomie-francaise-entre
  14. Cnudde A., « The elephant in the room », Horizons publics mars-avr. 2020, n14, p. 101 à 106.
  15. https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr
  16. Vitek A., « Confinement : comment aller au musée ou au théâtre tout en restant chez soi ? », Culturez-vous mars 2020, https://culturezvous.com/confinement-comment-aller-musee-theatre-chez-soi/
  17. « Réserve, ouvre-toi ! Exposition participative 2020 », https://www.museepontaven.fr/fr/content_page/item/141
  18. Youtube, « Présentation de la micro-folie », La Villette 9 mai 2019.
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