Xavier Durand : « La capacité à détecter plus vite que les autres les changements qui arrivent est l'un des principes d'action pour tout dirigeant en temps de crises »

Quel message avez-vous souhaité faire passer dans votre ouvrage ?

Ma carrière m’a conduit en trente ans et trente pays à traverser, dans le cadre de mon activité, de très nombreuses crises : crise immobilière en 1991, crise asiatique de 1998, explosion de la bulle Internet en 2000, attentats du 11 septembre 2001, crise financière de 2007-2008, catastrophe de Fukushima, et plus récemment la crise sanitaire du covid-19. J’ai souhaité résumer dans ce petit essai quelques principes d’action pour les dirigeants en temps de crises. Ces épisodes m’ont amené à penser que les entreprises qui créent de la valeur sont celles qui parviennent à maîtriser les risques tout en sortant de leur domaine de confort.

N’oublions pas que les grandes inventions humaines (aviation, nucléaire, etc.) sont toutes liées à la prise de risques puis à leur maîtrise.

Comment diriger et gouverner dans notre univers de risque ? De crises sanitaires en bulles financières à répétition, de tensions géopolitiques en catastrophes climatiques, de bouleversements sociétaux en ruptures technologiques, les décideurs sont aujourd’hui confrontés à des chocs permanents qui rendent l’environnement moins prévisible qu’autrefois.

Avec la crise du covid-19, sommes-nous entrés dans un nouvel âge du risque ?

Loin d’être un « cygne noir » selon la théorie du statisticien Nassim Nicholas Taleb¹, le covid-19 fait plutôt figure de « rhinocéros gris » : une menace que nul n’ignorait mais qui a tout de même engendré une crise digne d’un cataclysme imprévisible. Quand la pandémie frappe, on sait à quoi s’attendre : soit un virus très létal mais moins contagieux, soit un virus très contagieux mais moins létal… Les gouvernements ont été pris de court alors même qu’ils étaient prévenus des risques imminents de pandémie et du potentiel de la maladie qui sévissait en Chine.

Je ne crois pas à un nouvel âge du risque, le covid-19 s’inscrit dans le contexte VUCA² bien connu des stratèges, un monde volatil, incertain, ambigu et complexe.

Comment se prémunir ou maîtriser un risque comme celui du covid-19 lorsqu’on est chef d’entreprise ou décideur public ?

Il faut s’appuyer sur une culture de l’agilité, développer la responsabilisation à tous les niveaux de l’entreprise et passer du temps à imaginer des scénarios alternatifs. Ce que je crois, c’est que beaucoup d’entreprises se sont acharnées à tout prévoir avec des business plan très détaillés… On le voit avec une crise comme celle du covid-19, une stratégie est peut-être vraie aujourd’hui mais elle pourrait changer demain. Quand je parle agilité, c’est une culture à acquérir, celle de la capacité à détecter plus vite que les autres les changements qui arrivent pour transformer des risques en opportunités.

Le dirigeant doit abandonner le costume du chef d’orchestre, qui joue une partition déjà écrite à l’avance, mais plutôt porter celui du jazzman qui compose sa partition en temps réel, avec une prise de risque maîtrisé. Des principes qui peuvent aussi s’appliquer à la sphère publique.

1. La théorie du cygne noir, développée par le statisticien Nassim Nicholas Taleb, dans son essai Le Cygne noir : la puissance de l’imprévisible, est une théorie selon laquelle on appelle cygne noir un certain événement imprévisible qui a une faible probabilité de se dérouler (appelé « événement rare » en théorie des probabilités) et qui, s’il se réalise, a des conséquences d’une portée considérable et exceptionnelle (source : Wikipédia).
2. Volatility, uncertainty, complexity et ambiguity.