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Daniel Kaplan : «Seule l’imagination peut nous permettre de dépasser le mur de la singularité technologique et de l’effondrement»

Le 10 novembre 2020

Il arrive que des intellectuels, des hommes politiques, après avoir longtemps expérimenté sur le terrain et accompagné les processus d’innovation, finissent par faire un même constat : la transformation de nos modèles de société dépendrait moins d’un sursaut technologique ou décisionnel que d’un travail volontaire et plus affirmé sur nos imaginaires.

 

Aux côtés de Rob Hopkins, dont les thèses ont été à plusieurs reprises abordées dans ce numéro, c’est le cas de Daniel Kaplan, co-fondateur de la Fondation Internet nouvelle génération (FING) au début des années 2000 et de l’Université de la pluralité en 2019, dédiée à cet enjeu. Nous avons ainsi souhaité conclure ce numéro par ce grand entretien à propos de l’enjeu à la fois critique et déterminant du développement de nouveaux imaginaires pour les générations actuelles et au sein même de l’action publique.

Daniel Kaplan

Entrepreneur, chercheur et citoyen engagé, Daniel Kaplan explore le futur sous l’angle de l’innovation d’une part, des imaginaires d’autre part. Il a créé, en 1986, l’une des premières agences de communication numérique au monde, JKLM. Dans les années 1990, il a fait partie des pionniers du numérique et de l’Internet en France et dans le monde. En 2000, il a cofondé la FING, qui « produit et partage des idées neuves et actionnables pour anticiper les transformations numériques ». Il l’a dirigée jusqu’à la fin 2016, avant de prendre du champ pour se concentrer autour d’une obsession : le renouvellement et la diversité des imaginaires du futur. Il est à l’initiative en 2019 du réseau Université de la pluralité.

Quel chemin vous mène de la direction de la FING à la création de l’Université de la pluralité dédiée aux imaginaires ?

À la FING, on s’est aperçu vers 2010 qu’il y avait un certain nombre d’angles morts dans la prospective que l’approche par le numérique aidait à explorer : par exemple, l’idée de ruptures systémiques rapides et délibérées, ce qu’on nomme aujourd’hui « disruption ». Mais au fond, le numérique était devenu pour moi un prétexte pour aborder toutes sortes de sujets en partant d’un principe de mouvement. Et puis il y a cette question du « désir d’avenir », qui m’habite depuis un moment. Que se passe-t-il dans une société, ou bien chez les gens, s’il n’y a pas cette capacité à désirer l’avenir ? Ce qui rencontrait la question de l’imaginaire. C’est de là que, petit à petit, est venue cette idée du réseau Université de la pluralité1. Il fallait créer des dispositifs pour que ceux·lles qui jouent un rôle dans l’imaginaire et les questions d’avenir puissent se rencontrer dans des collectifs, des débats et des projets communs. Cela recouvre la famille des artistes au sens large : la famille du design est au croisement de la production, de l’usage et de l’imaginaire. Il y a aussi le champ des utopies qui ne relèvent pas nécessairement de l’art ; et tous ceux qui, pour une raison ou une autre, acquièrent la conscience que ce qui coince se situe du côté de l’imaginaire, en d’autres termes, de la possibilité de se figurer que les choses pourraient être autrement.

Et puis il y a cette question du « désir d’avenir », qui m’habite depuis un moment. Que se passe-t-il dans une société, ou bien chez les gens, s’il n’y a pas cette capacité à désirer l’avenir ? Ce qui rencontrait la question de l’imaginaire. 

Peut-on considérer que nous ne disposons pas réellement de sciences des imaginaires politiques et publics à ce jour, et que cela explique une forme d’aveuglement collectif ?

C’est un sujet compliqué car il y a plusieurs imaginaires. L’imaginaire dans lequel on naît, on ne le voit pas. C’est notre réalité. Il faut des crises pour que cet imaginaire se révèle comme tel. Un exemple typique est notre relation à ce que l’on appelle « la nature ». En Occident tout du moins, nous sommes constitués de manière millénaire autour de l’idée que les animaux, les plantes, etc., sont là comme des ressources pour nous. Nous sommes là pour les dominer et nous en servir. L’humanisme se fonde sur cette idée que nous sommes absolument différents des autres espèces de la nature. Or, nous sommes en train de nous apercevoir que notre interdépendance avec le reste du vivant est infiniment plus profonde que ce que l’on croyait.

Ça, c’est imaginaire au sens anthropologique du terme, notre système de production de sens, le filtre par lequel on donne sens à tout ce que l’on vit. Il y a aussi un imaginaire au sens de la production de discours aspirationnels, récits, images, qui nous disent : « On va (ou devrait aller) dans telle direction. » Nous sommes sortis d’une période, courte dans l’histoire de notre espèce, où il y existait de grands imaginaires du futur autour desquels convergeaient des portions importantes de l’Humanité, au moins occidentales : le communisme, le progrès assis sur la technologie, etc. Nous ne sommes pas obligés de regretter cette période, cependant ces imaginaires finalisés et orientés, qui décrivent un état futur du monde considéré comme désirable, capables par leur simplicité de mobiliser des millions de personnes, montrent au passage que l’imaginaire n’est pas séparé du réel.

Le dernier aspect concerne la capacité que nous avons de mobiliser notre imaginaire, l’imagination. Je parle de notre capacité en tant qu’individu ou collectif, à produire de nouvelles images, à se figurer que les choses peuvent être différentes ou à faire surgir dans notre esprit des choses qui n’existent pas – mais qui, ayant été imaginées, pourraient désormais exister. La « personne morale », par exemple, est une construction imaginaire qui créé des objets collectifs à partir de rien et leur donne une vraie existence, une agentivité.

En quoi serions-nous confrontés aujourd’hui à un mur imaginaire et sommes-nous réellement dans une construction alternative ?

Aujourd’hui nous sommes capables de voir que l’imaginaire « moderne » ne fonctionne plus, mais pas encore de construire de nouveaux imaginaires. Quelque chose de profond est cassé. Et ce n’est pas de l’ordre d’une série de problèmes politiques ou techniques que l’on va pouvoir résoudre avec les leviers et les mécanismes délibératifs dont on dispose. La capacité à produire des alternatives, c’est une tout autre affaire.

En mathématique ou physique, un point au-delà duquel on ne sait rien dire à partir des connaissances existantes, cela s’appelle une singularité. Il y a la singularité technologique : son émergence vient de l’auteur de science-fiction Vernor Vinge, qui est aussi mathématicien. La singularité décrit le moment où le développement exponentiel des machines dépassera à la fois notre entendement et nos capacités à les rattraper. La thèse de « l’effondrement » est une autre forme de singularité. Ici, l’ensemble des mécanismes sociaux, économiques, institutionnels et infrastructurels cessent de fonctionner. Or, au-delà, il n’y a pas grand-chose non plus. La raison peut nous aider à voir le mur venir, mais pas à voir de l’autre côté. Pour aller de l’autre côté, on a besoin de l’imagination.

Il faut du temps pour revitaliser le muscle atrophié de l’imagination, ce qui est difficile à trouver dans les organisations.

J’ai participé à de nombreuses initiatives de productions de récits du futur. Aujourd’hui, tout le monde raconte à peu près la même chose : « Nous allons vivre en communauté, en se partageant les tâches, en produisant de la nourriture près de chez nous. » Comme si nous savions uniquement nous ramener à une image (fantasmée) du village d’autrefois. La question est de savoir pourquoi nous avons autant de mal à imaginer que les choses pourraient être fondamentalement différentes. La tâche dans le cadre du réseau de l’Université de la pluralité est de retrouver cette capacité à imaginer. Elle ne consiste pas à produire un « bon » imaginaire qui pourra entraîner tout monde dans la « bonne direction ». Cet imaginaire unique n’est pas très souhaitable. Il faut bien voir l’usage historique que l’Europe chrétienne en a fait. On est dans un moment où la domination de l’Occident est en train de s’achever, y compris dans les têtes. On peut voir dans les pays africains un travail en cours consistant à dire : « À présent c’est à nous de mettre nos mots sur nos réalités et nos histoires », « ne plus être les objets de l’histoire des autres, mais les sujets de leur propre histoire », comme le dit Felwine Sarr. Les imaginaires féconds du futur seront pluriels.

La question est de savoir pourquoi nous avons autant de mal à imaginer que les choses pourraient être fondamentalement différentes. La tâche dans le cadre du réseau de l’Université de la pluralité est de retrouver cette capacité à imaginer.

Cette transition n’est-elle pas particulièrement difficile en France, où nous avons surtout délégué la construction des visions et de l’imaginaire, aux élites politiques et intellectuelles ?

Cette question de la délégation existe plus en France qu’ailleurs. Il y a beaucoup de sociétés, mêmes occidentales, dans lesquelles les choses se font plus à la base, dans des collectifs, des discussions. Mais nous avons aussi dévalorisé l’imaginaire des « décideurs ». Un décideur aujourd’hui doit se glorifier de ne faire que du mesurable, de résoudre des problèmes quotidiens, de ne pas faire d’idéologie ou des plans sur la comète. C’est l’idée que l’imaginaire est l’endroit du pas sérieux, du pas fiable, du déconnecté du « réel ». Mais au nom de quoi, un élu a-t-il choisi de devenir élu ? Si l’on va chercher profondément, il y a bien un imaginaire, par exemple, l’idée de « mission ». Mais les élus ne vont surtout pas développer cette partie-là, au point souvent de l’oublier.

Parmi les initiatives sur la relation entre science et société, au Royaume-Uni notamment, un travail a été fait sur le moment où l’on définit une question de recherche. « Pourquoi je vais faire de la biologie synthétique, ou travailler sur le microbiome, ou sur des tests ADN pas chers ? » Ils ont essayé d’extraire ces raisons et dans celles-ci, il y a l’imaginaire du chercheur, ce qui le meut. Cela aboutit à un dialogue avec les non-scientifiques, plus intéressant, plus fécond que lorsque l’on dialogue uniquement sur l’impact d’une recherche.

Il y a un nœud essentiel par ce chemin, car la raison ne suffira pas à nous engager dans les transitions dont nous avons besoin. Cela ne peut se faire que par la reconnexion à notre système de production de sens personnel et collectif et à notre capacité à imaginer. S’il n’y a pas cela, le recours est d’aller vers un imaginaire bien simple, consommable immédiatement, qui est souvent celui de l’identité, du passé fantasmé, du « roman national », par exemple. Ou alors, la rage.

À ce titre, le mouvement des villes en transition peut nous apparaître comme bizarre dans la culture française, mais il est vraiment intéressant. Il démarre d’une façon hyper-pragmatique dans la ville de Totnes où vit Rob Hopkins. Ensuite cela devient un réseau international avec des pratiques très diverses. Mais dans les rencontres du réseau, on se retrouve aussi autour de moments de médiation, de théâtre d’improvisation, de jeu, qui servent à remettre en perspective ce que chacun fait dans le quotidien. Et cela finit par produire un bouquin sur l’imagination : Et si… on libérait l’imagination pour créer le futur que nous voulons ? 2

Quel progrès pourrait-on voir entre les anciennes « techniques de créativité » et de design et cette nouvelle approche de la mise en récit au sein des politiques publiques ?

Je vais forcément caricaturer, mais les méthodes de créativité s’inscrivent dans un espace étroitement délimité, d’autant qu’elles ont généralement pour fonction de produire des innovations et non de questionner le cadre. Le design des politiques publiques produit des choses passionnantes, mais qui se situent également dans l’espace des problèmes qu’on sait identifier aujourd’hui et que l’on peut espérer résoudre. Pour changer de problèmes, pour faire bouger le cadre, on a besoin d’autres approches. Il ne suffit pas non plus de choquer : les pionniers du « design fiction » s’interrogent aujourd’hui sur les limites de leur approche, quand le prototype destiné à créer un choc ne s’accompagne pas de dispositifs d’appropriation et de débat.

Cette idée du futur invite à travailler sur le devenir, le pouvoir d’agir, les aspirations. Cela permet, par exemple, de se distinguer du « storytelling », la mise en récit consommable des idées des puissants. Le futur est par définition une construction imaginaire, mais qui ne prend de sens que si elle est partagée, discutée, et si elle développe un pouvoir d’agir. C’est en tout cas notre approche.

Il faut du temps pour revitaliser le muscle atrophié de l’imagination, ce qui est difficile à trouver dans les organisations. Il faut aussi des méthodes : pour exposer les gens à d’autres imaginaires d’une manière qui les invite à interpréter par eux-mêmes, pour créer ensemble des images ou des histoires suffisamment fortes, que l’on pourra partager avec d’autres et pour préparer la suite. Des gens comme Max Mollon, le créateur du Design Fiction Club, travaillent sur le protocole de débat, davantage que sur l’objet produit par le design fiction. Il insiste sur le fait que les moyens de la mise en œuvre sont aussi importants que la méthode de design3.

Si on s’engage sur le chemin des imaginaires c’est parce que cela peut permettre de penser l’impensable, d’aller de l’autre côté des « singularités ». Mais aussi pour améliorer la qualité de l’espace public, au sens de la délibération, pour redonner du sens à ce que les gens font, et rendre alors des transformations possibles. Évidemment, si les gens n’ont pas la ressource d’agir, et si on coupe la discussion tout de suite, cela ne peut pas fonctionner. Mais les protocoles ne sont pas évidents. Le passage entre l’imaginaire et le réel n’est forcément pas linéaire ; c’est pour moi une vraie question de recherche.

On commence à voir des expériences notamment chez les écrivains de science-fiction en France. Ketty Steward, présidente de l’Université de la pluralité a travaillé avec Emmaüs. Dans ses ateliers, les gens retrouvent leur capacité à faire du récit, à solliciter ce muscle. Une fois que cela remarche, d’autres choses vont se mettre en place. On peut travailler sur ce qu’il se passe après la production d’images ou de récits, se demander si l’on peut franchir une étape de plus, consistant, par exemple, à prolonger le récit par des simulations ou des expérimentations, sachant que l’on ne sait pas, à ce moment, quels sont les indicateurs. Sur le plan institutionnel, cela suppose de créer des espaces un peu protégés, qui ne sont pas enserrés dans les exigences de productivité, d’évaluabilité, de mesurabilité dans lesquelles l’action publique est confinée à ce jour. Il faut accepter qu’il y ait forcément une indirection entre l’imaginaire, le réel et l’action qui s’ensuit.

Il y a des expériences qui marchent. Je pense à Benoît Verjat et Boris Nordmann4, qui travaillent sur le retour du loup en Limousin. Grâce à un travail de « fiction corporelle » lors duquel les gens deviennent loup, brebis, chien, les participants arrivent à reconstituer des relations dans lesquelles ils comprennent un peu mieux comment fonctionne le loup, comment créer des relations avec lui, lui montrer qu’un certain nombre de zones ne sont pas pour lui, ou dans la manière d’accompagner les brebis, etc. Mais on ne ressort pas de ce travail avec la check-list de ce qu’il faut faire !

Quelles seraient les étapes pour faire entrer cette nouvelle culture de l’imaginaire dans les politiques publiques ?

Les acteurs publics doivent créer des espaces dans lesquels on travaille autrement. Sachant que c’est très loin de la culture publique française mais aussi de la culture anglo-saxonne récente de l’hyper-mesurabilité. Bien sûr, il se produit tout le temps plein de choses sur le terrain. Elles s’interrompent souvent car il n’y a pas de suite pour les promoteurs de l’action, et comme ils n’ont pas été reconnus, voire même ont été dévalorisés, ils abandonnent. Il y a donc une attention systématique à avoir aux initiatives concrètes, sans chercher à les remettre dans des carcans pour que cela soit mesurable.

Dans un autre ordre d’idées, les territoires mènent des exercices de prospective qui ont des côtés intéressants, qui associent souvent beaucoup de monde, soulèvent des espoirs. C’est entre autres choses un travail sur l’imaginaire, mais qui essaye de ne pas trop le montrer pour rester dans le « sérieux ». Or, la prospective pourrait aussi assumer son côté imaginaire pour faire surgir des morceaux de territoire demain, créer des conversations, des envies d’agir ou pas, en maintenant cet espace ouvert assez longtemps, et que cela peut ensuite donner naissance à de petites expérimentations, des prolongations capillaires.

L’humanisme se fonde sur cette idée que nous sommes absolument différents des autres espèces de la nature. Or, nous sommes en train de nous apercevoir que notre interdépendance avec le reste du vivant est infiniment plus profonde que ce que l’on croyait.

Sous l’impulsion de Riel Miller5, l’UNESCO promeut aujourd’hui la « littératie du futur » (« futures literacy »). Il s’agit de comprendre pourquoi et comment on « utilise le futur » et cela commence par la prise de conscience de la manière dont nous anticipons, dont nous imaginons des choses à venir. C’est d’abord un travail sur soi, en tant qu’individu ou qu’organisation, puis un travail sur les différentes formes « conscientes » d’anticipation : certains ont pour objet de structurer l’action à court terme, mais d’autres visent au contraire à produire de nouveaux possibles en élargissant le champ, de « changer les conditions de changement ».

Il n’y a pas de transition sans une redéfinition des termes du débat, des problèmes, des collectifs, des acteurs, ou encore des notions de territoire. Ce chemin passe par le changement des mots, des métaphores et des récits.

L’Université de la pluralité se situe clairement du côté des nouveaux possibles. Dans le réseau, certains membres se demandent s’il faut continuer à parler de futur ou si la référence à l’imaginaire suffit. C’est une question légitime. Je pense cependant que cette idée du futur invite à travailler sur le devenir, le pouvoir d’agir, les aspirations. Cela permet, par exemple, de se distinguer du « storytelling », la mise en récit consommable des idées des puissants. Le futur est par définition une construction imaginaire, mais qui ne prend de sens que si elle est partagée, discutée, et si elle développe un pouvoir d’agir. C’est en tout cas notre approche.

Il y a ici un enjeu de changement de culture des élus et de la société, en acceptant que les choses sont hors de contrôle. Il n’y a pas de transition sans une redéfinition des termes du débat, des problèmes, des collectifs, des acteurs, ou encore des notions de territoire. Ce chemin passe par le changement des mots, des métaphores et des récits.

En quoi la crise sanitaire pourrait avoir déjà changé la donne par rapport aux imaginaires préalables ?

Je ne sais pas si cela va bouleverser les choses. Ce que je vois c’est qu’actuellement les gens se disent : « Je ne peux pas revenir exactement comme avant. » La figure du sens est extrêmement présente. Je ne suis pas sûr que la crise ait produit des imaginaires d’une immense richesse, mais c’est bien un moment supplémentaire de questionnement sur le sens, sur le rythme de vie. Les questionnaires de Bruno Latour en ce sens sont intéressants. Ils posent, par exemple la question de ce qu’il ne faudrait pas redémarrer, de ce que l’on pourrait faire (ou ne pas faire) à la place. Autour de cet événement, on sent des choses plus sombres aussi. Par exemple, sur le télétravail, où certains se disent : « Si seulement on pouvait continuer comme cela, avec des employés qui ne perdent plus de temps à la machine à café, en aboutissant à des relations purement fonctionnelles. » Il y a un article glaçant de Naomi Klein, qui montre comment la Silicon Valley voit son moment arriver : « On va pouvoir numériser l’éducation à fond, faire du télétravail à fond, mettre partout des machines qui ne tombent pas malades. » 6 Pour le bien collectif, naturellement. Un peu comme Mosanto qui nourrit la planète. Il faut garder à l’esprit qu’avec la crise sanitaire, on rentre aussi avec ça.

La singularité décrit le moment où le développement exponentiel des machines dépassera à la fois notre entendement et nos capacités à les rattraper. 

L’Université de la pluralité, une mission originale

Face aux défis de l’avenir, il ne suffit pas de savoir : il faut pouvoir imaginer des futurs vraiment différents du présent, et les chemins qui pourraient y conduire. Le Réseau Université de la pluralité (U+) est une organisation en réseau, ouverte et internationale, dont la mission est de détecter, connecter et faire agir ensemble les personnes et les organisations qui mobilisent les ressources de l’imaginaire pour explorer d’autres futurs : artistes, écrivains de science-fiction, designers spéculatifs, utopistes, etc.

Ce réseau s’est constitué début 2019 autour de trois objectifs partagés :

  • changer nos représentations pour changer la réalité ;
  • s’enrichir des futurs des autres ;
  • développer les capacités des individus comme des organisations à penser au futur.

En 2019, année fondatrice, beaucoup a déjà été accompli. En 2020, le Réseau U+ déploie tout son potentiel au travers d’explorations thématiques ; ainsi que de la production de matériaux et outils originaux.

https://www.plurality-university.org/accueil/

  1. https://www.plurality-university.org/accueil/
  2. Nessi J., « Rob Hopkins : « Toute l’imagination vient des populations, des communautés et des organisations », Horizons publics juill.-août 2020, n16, p. 36.
  3. Mollon B. et Kerspern B., « Design fiction : du design des politiques publiques au design des polémiques publiques », Horizons publics mars-avr. 2018, n2, p. 82-87.
  4. « Boris Nordmann imagine une fiction corporelle sur le retour du loup sur la Montagne limousine », La Montagne 16 juill. 2019.
  5. UNESCO, “Global Futures Literacy Design Forum – an Introduction by Dr Riel Miller”, Youtube 30 mars 2020.
  6. Klein N., « Ne laissons pas les géants du web prendre le contrôle de nos vies ! », The Intercept 25 juin 2020, https://www.courrierinternational.com/long-format/long-format-naomi-klein-ne-laissons-pas-les-geants-du-web-prendre-le-controle-de-nos
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