Comment l'État et les opérateurs publics soutiennent l'innovation en France ?  

Le 11 janvier 2021

L’édition 2020 de l’Indice mondial de l’innovation a montré que la France était passée à la 12e place mondiale en la matière, dépassant même la Chine.  Afin de favoriser le processus d’innovation et l’esprit d’entreprise en France, une politique publique de l’innovation est mise en œuvre activement. L’Etat agit par divers moyens pour participer à cet effort, aussi bien par des investissements que par le biais des opérateurs publics dont la mission est spécifiquement liée à la recherche et l’innovation.

Le Manuel d'Oslo de l'OCDE (rassemblant les principes directeurs pour le recueil et l'interprétation des données sur l'innovation) a rappelé que « les entreprises innovent pour préserver leur position concurrentielle et aussi pour se procurer un avantage compétitif » (p. 21). Mais innover n’est pas seulement stratégique pour l’entreprise, car le secteur public a tout aussi intérêt à œuvrer sur le sujet.

L’innovation joue un rôle central dans « l’économie du savoir », en tant que facteur dominant de la croissance économique nationale.

Cette logique a été comprise par l’État français qui, par le biais du ministère de l’Économie dans son Rapport sur l’économie de l’immatériel (2006), avait déjà indiqué que la logique innovation devait être vue comme en toute logique comme un impératif « dans laquelle il ne suffit plus de refaire ce qui s'est fait de mieux dans le passé ou ailleurs, mais où il est nécessaire d'innover, toujours plus et toujours plus vite, pour continuer à croître ». Et l’État peut apporter ici sa pierre à l’édifice de manière non négligeable.

Les investissements conséquents de l’État

L’investissement de l’État en matière d’innovation peut s’observer de deux manières différentes. En premier lieu, il peut directement financer des opérateurs publics (que nous verrons ensuite) afin que ces établissements de recherche puissent mener à bien les projets de recherche dans leur domaine d’action, mais aussi en subventionnant directement les entreprises, pour aider à innover. Exemple : 110 projets dans l’automobile et l’aéronautique ont été soutenus par l’État pour un investissement productif total de 190 millions d’euros.

En second lieu, les investissements de l’État dans l’innovation peuvent aussi être le fruit d’appels à projets (AAP), avec l’Agence nationale de recherche (ANR), acteur essentiel dans le financement de la recherche publique. Créée en 2006, cette Agence agit dans le cadre de la stratégie nationale de recherche telle que définie par le Gouvernement. Parmi ses nombreuses attributions, elle doit notamment financer et promouvoir le développement des recherches fondamentales et finalisées, l'innovation technique et le transfert de technologie ainsi que le partenariat entre le secteur public et le secteur privé.

En lien direct avec les établissements publics de recherche mais aussi les entreprises, l’ANR sélectionne, finance et suit les projets résultant des appels publics à projets (AAP) annuels.  Elle a ainsi retenu 1110 projets financés à la suite de son Appel à projets génériques (APG) 2020, avec un soutien spécifique de 30,3 millions d’euros au total.

Divers opérateurs publics agissant pour l’innovation

Comme pour les financements pouvant avoir lieu sans passer par des intermédiaires, l’État a aussi la possibilité d’œuvrer directement pour l’innovation par le biais de ses ministères. Tel le ministère des Armées, qui a ainsi préparé une feuille de route pour investir 100 millions d’euros par an de 2019 à 2025. Une cellule de coordination de l’intelligence artificielle de défense a ainsi été créée, pour être logée au sein de l’Agence innovation de défense (AID). L’idée ici est de s’appuyer sur la recherche académique d’excellence dans le domaine de l’intelligence artificielle, avec des partenariats ciblés : Délégation générale à l’armement (DGA), Commissariat à l’énergie atomique (CEA), Agence de l’innovation de défense (AID), ou encore Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA).

Mais il n’y a pas que l’État en tant qu’administration centrale qui agit en faveur de l’innovation. À l’échelon territorial, des regroupements de structures sont aussi visibles.

Ainsi, le pôle de compétitivité Lyonbiopole et le Cluster i-Care Auvergne-Rhône-Alpes se sont unis pour lancer le i-Care LAB. Le but ? Favoriser la création de nouvelles solutions pour accélérer la transformation des industries de santé.

Surtout, plusieurs établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) travaillent spécifiquement à la recherche publique et aux partenariats public-privé.

Sans dresser une liste à la Prévert, ces opérateurs dédiés à l’innovation sont l’Institut de recherche pour le développement (IRD), l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), ou l’Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE).

Plus connu encore, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Récemment, ce Centre et l’Agence d’innovation de défense (AID) ont signé un accord-cadre pour les appels à projets conjoints sur des défis scientifiques, mais encore valoriser les résultats de recherche et les innovations.

Enfin, et dans le cadre de la crise sanitaire, l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) a piloté l’équipe-projet (par ailleurs composée de l’Inserm, l’Anssi, Santé publique France, Capgemini, Dassault Systèmes, Lunabee Studio, Orange et Withings) de R&D « Stopcovid » devenue aujourd’hui « Tousanticovid », afin de mettre à disposition des autorités de santé françaises le suivi des contacts de proximité des citoyens français avec le coronavirus.   

En tout état de cause, les établissements publics jouent un rôle prédominant dans la participation à la valorisation de la recherche.

Favoriser la recherche : acculturer et aider les chercheurs

Pour aider à la recherche et à l’innovation, il est essentiel de motiver les chercheurs, désireux non seulement de faire progresser la connaissance à l’échelle mondiale (publications, communications et prix), mais aussi de mettre au point des produits et services, supposant in fine l’ouverture vers les brevets et licences, voire une coopération avec le secteur privé.

C’est la raison pour laquelle l’ État est aujourd’hui dans la logique d’acculturer ses chercheurs à l’esprit d’entreprise, et d’encourager à la création de start-up par ces mêmes scientifiques.

A plus forte raison, l’idée est d’accompagner les chercheurs vers l’entreprenariat, dans le but de mieux les préparer au transfert de technologie et à la création d’entreprise, ce que prévoit déjà le Code de la recherche (articles L. 531-1 et suivants) mais aussi la toute récente loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR).  

Au final, et comme dans le secteur privé, l’innovation dans le secteur public permet d’aboutir à une valorisation économique, sur deux niveaux. 

Au niveau micro-économique d’abord, l’innovation est un investissement rentable, source d’une rente de monopole pour les scientifiques innovants. Cela s’explique en toute logique par le fait que l’innovation échappe à la concurrence, tout au moins au début, et devient une incitation à innover pour les autres structures publiques ou privées. Au niveau macro-économique ensuite, l’innovation ne peut être que bénéfique puisqu’elle contribue à la croissance économique nationale.

L’action du secteur public dans l’innovation doit être saluée et n’est pas de trop, surtout dans un environnement très concurrentiel, de telle sorte que « l’enjeu principal de l’innovation est d’inventer du radicalement nouveau, avec une logique d’exploration, d’expérimentation, de foisonnement »[1].

 

[1]P. Bitard, « L’innovation dans les services et ses politiques », in J. Lesourne et D. Randet, La Recherche et l’Innovation en France, Odile Jacob, Paris, 2010, p. 270.

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