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Frédéric bordage : « La sobriété numérique implique pour les collectivités locales de faire des choix et d’agir »

Frederic Bordage
Frédéric Bordage
Le 29 juin 2020

Fondateur et animateur de GreenIT.fr, la communauté des acteurs du numérique responsable, Frédéric Bordage est l’un des meilleurs connaisseurs de l’impact du numérique sur l’environnement. La formation, le recyclage/la réutilisation des terminaux et l’écoconception des services numériques sont des pistes concrètes sur lesquelles il est d’ores et déjà possible d’agir pour les collectivités locales. Auteur de Sobriété numérique. Les clefs pour agir1 Frédéric Bordage s’est confié à Horizons publics en mars 2020, avant le confinement et la crise liée à la pandémie de covid-19.

Vous avez été entendu en février 2020 par le Sénat qui vient de créer une mission d’information relative à l’empreinte environnementale du numérique. Les pouvoirs publics s’emparent-ils enfin sérieusement du sujet ?

Comme Hervé Maurey, qui préside la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, l’a précisé à l’ouverture de la table ronde intitulée « L’empreinte carbone du numérique », ce sujet n’avait, jusqu’alors, été l’objet d’aucuns travaux parlementaires. La création de cette mission, qui rendra ses conclusions en 2020, est donc un point positif et un signal envoyé à la société et notamment aux collectivités territoriales compte tenu de « l’ADN » du Sénat. Attendons toutefois les conclusions de cette mission pour nous prononcer davantage.

Qu’avez-vous présenté aux sénateurs ?

Des constats très simples s’appuyant sur des travaux conséquents menés notamment à l’échelle mondiale quant à l’empreinte environnementale du numérique2 : les impacts environnementaux de l’univers numérique représentent déjà un septième continent ! Comme la première source d’impacts est constituée par les terminaux des utilisateurs, nous avons fait observer aux sénateurs qu’au rythme où nous consommons les principaux minerais qui permettent de fabriquer le monde moderne, dans trente ans, il n’y aura plus de stock ! Sur le déploiement de la 5G, nous avons fait remarquer que cette technologie n’était pas nécessaire pour 98 % des usages numériques. Concernant le climat, rappelons qu’en 2018, 4,2 % des émissions anthropiques de gaz à effet de serre étaient directement liées au numérique. C’est plus que l’aviation civile ! En outre la tendance n’est pas à la baisse : ces émissions auront triplé entre 2010 et 2025, passant de 2,1 % à 5,8 %.

Au rythme où nous consommons les principaux minerais qui permettent de fabriquer le monde moderne, dans trente ans, il n’y aura plus de stock !

C’est pourquoi, depuis quinze ans, nous plaidons pour une forme de sobriété en matière numérique3, ce qui implique, notamment pour les collectivités locales, qui ont un rôle très important à jouer dans le développement durable au sein des territoires, de faire des choix et d’agir.

Outre l’initiative sénatoriale, il semble que, depuis un an environ, le numérique responsable est dans les têtes, sur les lèvres, dans les agendas et dans les programmes de diverses conférences, comme l’édition 2020 du hacking de l’Hôtel de ville de Paris qui a pu se tenir le 6 mars 2020 juste avant les mesures de confinement. Vous devriez vous réjouir de voir vos efforts enfin aboutir. Pourtant vous semblez avoir quelques réserves…

Après quinze ans d’efforts pour mettre ce sujet sur la table, l’engouement généralisé est réjouissant. En effet, je n’ai jamais rien connu de comparable en vingt-cinq ans d’activités dans le secteur du numérique : l’engouement est réel. Il convient toutefois de mettre des bémols par rapport à ce tsunami. Certes j’apprécie cette évolution dans les esprits mais nous avons perdu beaucoup de temps. En outre, un intense travail de lobbying de certains acteurs du numérique produit quantité de « greenwashing », brouillant la réalité de la situation avec des discours faussement rassurants, ou incitant à des actions peu significatives comme la suppression des e-mails. Le degré d’urgence et l’ampleur des actions à mener pour construire un numérique responsable qui puisse aider la transition écologique n’est pas encore vraiment perçu.

Les visions déformées que l’on trouve souvent sur le web n’aident pas ceux qui veulent agir car, en général, ils ne savent pas par où commencer pour réduire l’empreinte environnementale du numérique au sein de leurs organisations. Un travail de formation de base des responsables métier et informatique dans le secteur privé comme dans le secteur public me semble constituer un pré-requis.

Pourquoi cette formation ? L’informatique est en place dans les organisations depuis une quarantaine d’années…

Lorsque l’on parle de sobriété numérique, il est question d’une autre vision des technologies de l’information, d’adopter d’autres pratiques, d’autres comportements. Par exemple, si une collectivité décide d’introduire dans ses pratiques d’achats le réemploi des équipements numériques, pour éviter les mauvaises surprises, ses collaborateurs devront être en mesure de faire le tri entre des fournisseurs qu’elle ne connaît pas pour sélectionner des prestataires compétents. Par ailleurs, il faudra prendre des précautions relatives aux données contenues dans les matériels si une collectivité souhaite les revendre à un reconditionneur. La problématique est la même pour éco-concevoir les services en ligne de la collectivité ou procéder à l’analyse du cycle de vie de son système d’information, sans oublier le recrutement de personnel compétent en matière de numérique responsable. Tout cela ne s’improvise pas ! Se former permet de gagner du temps, d’éviter de nombreux écueils, et de faire plus facilement le tri entre les solutions et le greenwashing.

Vous évoquiez le rôle des collectivités dans la réduction des impacts environnementaux du numérique. Même si, au niveau national, « l’écologie cela suffi(sait) » selon la célèbre phrase (voir encadré, p. 43), est-ce qu’au niveau local des initiatives ont néanmoins été prises…

Malgré cette ambiance politique peu favorable au numérique responsable depuis 2010, certaines collectivités territoriales ne sont, en effet, pas restées inactives en la matière. Des réflexions et des actions sont menées un peu partout en France, en premier lieu pour tenter de quantifier les impacts environnementaux du numérique des collectivités puis autour du réemploi des équipements et de l’écoconception des services en ligne. Je pense, par exemple, au Grand Paris, à la région Bretagne, au GreenConcept menée par la CCI de l’Hérault, à Dijon, etc. Cette dynamique n’est pas seulement présente au sein des grandes entités. La communauté de communes Maremne-Adour-Côte-Sud4 travaille sur ce sujet dans la région Aquitaine pour réduire l’empreinte numérique de ce territoire.

Concrètement quels types d’initiatives les collectivités peuvent-elles prendre à court terme pour réduire leur empreinte environnementale numérique ?

Les collectivités qui souhaitent réduire cette empreinte peuvent se tourner vers le réemploi des équipements et notamment des terminaux des utilisateurs (ordinateurs, écrans, smartphones, etc.). Leur fabrication et leur fin de vie concentrent les impacts car on ne sait toujours pas bien aujourd’hui recycler les métaux qui les composent. Il faut donc allonger au maximum leur durée d’utilisation en acquérant du matériel reconditionné mais aussi en revendant du matériel aux acteurs du reconditionnement. Les avantages sont évidents : réalisation d’économies substantielles à l’acquisition (un matériel reconditionné est en général entre 30 et 70 % moins cher qu’un neuf), baisse de l’empreinte environnementale du système d’information, action concrète en faveur du développement durable, soutien à l’emploi local car le reconditionnement nécessite de la main-d’œuvre pour contrôler les matériels, les remettre en état, etc. Cela vaut pour les grandes collectivités comme pour les petites.

Le degré d’urgence et l’ampleur des actions à mener pour construire un numérique responsable qui puisse aider la transition écologique n’est pas encore vraiment perçu.

Malgré les avantages que vous mentionnez, il semble qu’opter pour du matériel reconditionné n’est pas encore devenu, dans le monde professionnel, un réflexe, une démarche évidente. Pour quelles raisons ?

Le temps sociologique et le temps politique ne sont pas du tout alignés sur le temps technique ! La culture de l’objet neuf, rassurant, efficace que l’on nous a inculquée depuis des décennies ne va pas disparaître du jour au lendemain. Tout comme pour la location versus la possession. Il faut du temps pour faire évoluer les mentalités. Toutefois, je constate que l’envolée du marché des smartphones reconditionnés chez les particuliers est un signe très positif pour le marché de l’équipement reconditionné en général, tout simplement parce qu’il ne peut pas y avoir d’appréhension de la société numérique en tant que professionnel qui ne passe pas par une appréhension de la société numérique à titre personnel. Autrement dit, il faut réfléchir autant à ses pratiques numériques personnelles que professionnelles. Si un directeur des systèmes d’information, des achats ou un secrétaire général d’une collectivité achète pour son équipement personnel un smartphone et un ordinateur reconditionnés, il est très probable qu’il en ira de même pour le matériel de la collectivité. Ce sera même plus simple pour la collectivité territoriale, notamment les petites, car ce responsable aura ainsi pu tester, à titre personnel, le processus d’achat, la qualité du service, la fiabilité des matériels proposés et, au total, celle du fournisseur.

À ce propos, outre la question de la barrière psychologique, il semble que l’offre de matériels reconditionnés explose comme c’est le cas pour tout nouveau marché. Mais comment s’y retrouver et séparer le bon grain de l’ivraie pour ne pas être pris en défaut ?

Effectivement l’information sur les appareils reconditionnés et les offres sont pléthoriques, ce qui pose la question de la véracité de ces informations et de la fiabilité des acteurs qui se ruent sur ce nouvel eldorado. Survient alors le problème de la confiance. Le matériel reconditionné doit fonctionner aussi bien que du neuf et les équipements revendus à un reconditionneur ne doivent pas servir à alimenter les trafics ou terminer dans les décharges sauvages d’autres pays. Comme le réemploi doit devenir une pratique d’achat courante tout comme la revente à des reconditionneurs, le réflexe en la matière est, en premier lieu, d’aller s’informer sur la qualité des fournisseurs auprès de communautés indépendantes d’experts qui renseignent et conseillent en toute neutralité et/ou des décideurs publics – ou privés – qui font régulièrement appel à ce type de fournisseurs. On peut trouver des informations sur le site du programme Ordi 3.05.

Le bouche-à-oreille et le relationnel numérique. Mais quid d’un label sous contrôle de l’État comme cela existe pour nombre de produits, d’un contrôle technique comme pour les voitures… Comment l’État régule-t-il ce nouveau marché ?

Pour l’instant, il ne régule rien du tout. La technique et le business vont toujours bien plus vite que la politique et le droit. Néanmoins devant l’ampleur des enjeux et la croissance du marché du reconditionnement, il est urgent pour l’État de jouer son rôle d’arbitre et d’encadrer ce marché. Nous avons d’ailleurs fait des propositions pour professionnaliser le réemploi et le reconditionnement des équipements numériques, par exemple, en donnant des définitions claires, en créant une plateforme d’information sur les acteurs afin de recenser ceux qui sont sérieux, ou encore en développant un label officiel du type IGP, AB, etc. qui permettrait la traçabilité des matériels. L’encadrement du marché sera le signal fort qui permettra aux collectivités territoriales de pratiquer, en toute confiance, le réemploi des équipements numériques à grande échelle car aujourd’hui l’absence de garanties comme celles que je viens d’évoquer freine le recours à ce marché.

En attendant que ce signal soit envoyé, est-il au moins possible de donner quelques conseils pour éviter les mauvaises surprises ?

Il existe évidemment des acteurs sérieux, bien établis sur ce marché, dont les noms reviennent très souvent. On peut, par exemple, citer Nodixia, Trade discount, les Ateliers du bocage qui sont membres du mouvement Emmaüs, Ateliers sans frontières, ou encore ATF Gaia. Bien évidemment cette liste de fournisseurs n’est pas exhaustive ! De tels acteurs opèrent souvent depuis une dizaine d’années ou plus et, possèdent donc de nombreuses références clients auprès desquels il est possible de se renseigner. Pratiquement tous revendiquent une appartenance à l’économie sociale et solidaire. Certains se font d’ailleurs auditer par des agences de notations indépendantes sur leurs démarches sociétales auprès de leurs parties prenantes notamment les collectivités locales. Cela permet, par exemple, de connaître quel pourcentage de l’activité de l’entreprise est redistribué sur le territoire à partir duquel elle opère.

Outre le réemploi des équipements, vous avez mentionné un deuxième domaine d’action, à savoir l’écoconception des services numériques, où les collectivités peuvent agir pour diminuer leur empreinte environnementale numérique. Pouvez-vous le détailler ?

Avant même de parler d’empreinte environnementale, le premier devoir d’un acteur public, État ou collectivités locales, est de ne pas exclure des citoyens d’un service qu’il met à leur disposition ; exclusion qui peut avoir lieu via le numérique. En effet, une personne qui est équipée d’un téléphone mobile simple, comme c’est le cas pour 14 % des Français6, et d’un PC qui date ne doit pas être exclue du paiement en ligne de l’impôt local, de la cantine scolaire de ses enfants ou de la consultation d’informations sur le site web de la mairie. N’oublions pas qu’aujourd’hui il y aurait en France entre 5 et 18 millions de personnes exclues du numérique. Tous ces services doivent pouvoir fonctionner aussi sur des technologies anciennes, du type e-mail et SMS, qui ont par ailleurs fait leurs preuves ! C’est le plus petit dénominateur commun qui doit prévaloir et non l’artificialisation de l’obsolescence par un recours systématique et unique aux technologies high-tech dernier cri, par essence excluantes. Celles-ci obligent à changer d’équipements trop fréquemment afin de pouvoir accéder à des sites web devenus « lourds » en raison de l’appel automatique à l’image, à la navigation et aux fonctionnalités complexes et à des changements trop fréquents de versions de logiciels. Si on poursuit dans cette voie, on oblige les citoyens à se rééquiper en permanence ce qui ne contribue pas à faire baisser l’empreinte environnementale du numérique.

Sans entrer dans les détails techniques, comment fonctionne l’ecoconception et avec quels résultats ?

Prenons l’exemple de la CCI de l’Hérault. Elle a souhaité développer, dans le cadre de son projet Greenconcept7, avec l’appui de l’Ademe, un savoir-faire local autour de l’écoconception afin de créer une dynamique territoriale sur ce sujet qui puisse être reconnue au niveau national et européen. Nous avons été sollicités, avec trois autres partenaires, pour aider trente PME du numérique faisant partie du cluster local à écoconcevoir leurs services en ligne. Nous sommes parvenus, en associant high-tech et low-tech, à réduire de manière très significative, parfois de plus de 80 %, l’empreinte environnementale de ces services tout en multipliant leurs nombres de clients. N’oublions pas que, techniquement, un service en ligne peut très bien fonctionner mais ne pas retenir l’internaute car trop de minutes seront perdues à comprendre un cheminement à travers un site mal conçu, encombré d’images, de vidéos inutiles, etc. Malheureusement, comme le constatait un ancien président de la CNIL, nous ne savons pas résister à la tentation technologique. C’est un changement de mentalité vers la sobriété numérique qu’il nous faut opérer. Par chance, cette sobriété est gage d’une plus grande efficacité et est bonne pour la planète.

Tout de même, ces entreprises avaient investi dans le développement de leurs services numériques. Qu’avez-vous fait de l’existant ?

Lorsque c’était possible, nous n’y avons pas touché ! Nous avons simplement rajouté des éléments low-tech pour fluidifier les processus de leurs sites high-tech : pour un service de comparateur de prix, un système d’alerte par e-mail lorsque le prix d’un produit atteint un certain seuil, ou encore, pour un service de données météo à destination de pays africains, de la technologie mobile couplée avec un affichage… au tableau noir de l’école du village pour éviter à chaque paysan de devoir s’équiper en smartphone ! Or, les trente services en ligne écoconçus dans le cadre du projet de la CCI de l’Hérault sont parfaitement transposables aux services en ligne d’une collectivité territoriale pour, je le répète, ne pas créer de fractures numériques ou de fractures supplémentaires tout en réduisant l’empreinte environnementale numérique de la collectivité.

Que peuvent faire les collectivités pour aller vers l’écoconception ?

Deux possibilités s’offrent à elles. Si la collectivité conçoit et réalise ses services en ligne, il faut former en priorité les chefs de projets et les responsables produits (product owner) à l’écoconception8. Viser les développeurs pour les aspects techniques ne suffit pas et ne doit pas être la priorité. En effet, ce sont d’abord les dimensions métier et fonctionnelle qu’il faut adresser pour réduire l’empreinte environnementale d’un service numérique. Raisons pour lesquelles l’écoconception doit être enseignée non seulement dans les écoles d’ingénieurs mais également dans les écoles de commerce. L’autre option, dans le cas où la collectivité fait appel à des prestataires, c’est de demander à ces derniers des gages de son savoir-faire en matière d’écoconception à savoir des références, du personnel et des entreprises certifiées. Mais il est possible d’aller plus loin. Ainsi, récemment, la ville de Paris a exigé dans un appel d’offres que les prestataires s’engagent contractuellement sur un niveau de performance environnementale. En s’appuyant sur un outil d’évaluation disponible gratuitement sur Internet qui mesure les performances environnementales absolues et relatives des sites web, la collectivité territoriale pourra demander que le prestataire conçoive et réalise un service en ligne garantissant une performance de niveau C, par exemple, l’échelle proposée par l’outil EcoIndex7 allant de A à G.

Dans les deux possibilités que vous venez d’évoquer, il faut du personnel formé tout comme pour la pratique du réemploi des équipements. Où en est-on aujourd’hui dans ce domaine ?

Très loin du compte ! Certes les consciences ont fini par se réveiller mais il ne faut pas agir dans toutes les directions. L’action prioritaire est de se former, qu’il s’agisse du maire, du directeur général des services, du chef de service « métier », ou du développeur ! La formation, c’est la clé, si l’on veut atteindre une masse critique de personnes compétentes qui essaiment à leur tour dans un très grand nombre de collectivités territoriales qui souhaitent, ou vont souhaiter, agir pour réduire leur empreinte environnementale numérique, réaliser des économies sur le poste équipements et veiller à ne pas créer ou augmenter la fracture numérique. En outre, plus il y aura de personnel compétent, plus il sera possible pour les collectivités de créer des postes à temps plein de responsable green IT, souvent directement rattachés au maire ou au DGS plutôt que les « bricolages » actuels à temps partiel, etc.

Les communautés indépendantes d’experts ne peuvent pas structurer les organisations, ni imposer quoi que ce soit. Elles sont là pour informer, former, conseiller, contribuer à une réduction significative de l’empreinte environnementale du numérique dans notre pays et à créer une société plus inclusive et plus sobre. Nous avons aidé à faire émerger une prise de conscience, nous accompagnons une dynamique, aux décideurs publics de créer les conditions favorables au développement du numérique responsable dans les territoires et au niveau national !

Réduire son empreinte environnementale numérique, quelques bonnes pratiques :

  • en formant les décideurs et développeurs IT de la collectivité territoriale sur ce sujet ;
  • en mesurant l’impact environnemental du numérique de la collectivité ;
  • en s’informant sur les acteurs, les pratiques et les techniques du numérique responsable auprès de communautés d’experts indépendants et de pairs ;
  • en changeant ses pratiques d’achats pour aller vers le réemploi des équipements numériques ;
  • en incluant l’écoconception des services en ligne dans la stratégie numérique du territoire ;
  • en faisant remonter la nécessité d’un encadrement législatif du numérique responsable. 

Empreinte environnementale du numérique : quinze ans d'attente pour une prise de conscience

La communauté GreenIT.fr a été lancée en 2004, mais pendant quatre ans, c’est la traversée du désert. En 2008, émerge une prise de conscience à la suite de travaux de Gartner, influent cabinet de conseil américain, auprès des directions informatiques des grandes entreprises, permettant de populariser le terme « green IT ». Et non pas « green computing » car n’oublions pas que la computer science ou computing science ou encore informatique et sciences numériques, à savoir la version académique des technologies de l’information, ne s’est jamais souciée de son empreinte environnementale.

Entre 2008 et 2010, le thème de l’empreinte environnementale du numérique rencontre un écho favorable auprès de certains directeurs des services informatiques de grandes entreprises du CAC 40 qui s’y intéressent à titre personnel. Dans le secteur public des entreprises telles que la Poste et des services tels que Pôle emploi y prêtent également attention, précisément en raison de leur mission de service public et de la gestion du bien commun. Toutefois cet élan va être stoppé net par la fameuse phrase « l’écologie ça suffit » 9. Après ce « signal fort » le monde politique va se désintéresser du sujet du numérique responsable. Durant les huit années qui suivront, il n’y aura plus de véritables signaux politiques témoignant d’une prise de conscience au niveau national, ce qui ne signifie pas l’absence d’initiatives au niveau local, par exemple.

En 2018, nouveau retournement. Quatre acteurs, à savoir l’Iddri, la Fing, le WWF et GreenIT.fr, avec la contribution du Conseil national du numérique, élaborent un livre blanc10 à destination des pouvoirs publics nationaux et territoriaux avec pour objectif de concrétiser enfin la rencontre entre le numérique et l’environnement. Vingt-six propositions en ce sens ont été faites qui portent, par exemple, sur la durée de garantie des équipements numériques, l’incitation à leur réemploi, les démarches green IT dans les administrations et les collectivités locales, tant sur les matériels que sur l’écoconception des services numériques, la transparence des systèmes de calcul dans la ville intelligente, la création de territoires d’expérimentation numérique ou encore la coopération entre les collectivités et les acteurs numériques détenant des données privées essentielles pour la bonne mise en œuvre d’un objectif de politique écologique. Ce livre blanc a bénéficié d’une large couverture médiatique, et a suscité un nouvel intérêt pour le numérique responsable tant de la part de politiciens que d’économistes. Mais à ce jour les propositions élaborées sont quasiment toutes restées sans suite. Il y a pourtant urgence.

  1. Bordage F., Sobriété numérique. Les clefs pour agir, 2019, Édition Buchet-Chastel.
  2. www.greenit.fr/empreinte-environnementale-du-numerique-mondial/
  3. www.greenit.fr/2019/09/10/sobriete-numerique-les-cles-pour-agir/
  4. www.cc-macs.org
  5. Ordi 3.0 est un « un projet national de territoire », à dimension collective, participative et sociale, développé avec le soutien de l’ensemble de la collectivité territoriale (citoyens, porteurs de projets associatifs et entrepreneuriaux, opérateurs de la collecte, de la réparation, du réemploi d’équipements électriques et électroniques et de sa réutilisation), pour développer une filière nationale de collecte, de rénovation et de redistribution de matériels informatiques permettant les usages du numérique par le plus grand nombre de personnes physiques et morales, dans une démarche d’économie solidaire, circulaire et de qualité environnementale, www.ordi3-0.fr/
  6. Volet national de l’enquête CAPUNI 2019, réalisée en partenariat avec la mission société numérique : https://www.marsouin.org/article1186.html
  7. www.herault.cci.fr/actualites/greenconcept-comment-reduire-limpact-environnemental-des-produits-et-services-numeriques
  8. https://ecoconceptionweb.com/
  9. Prononcée par Nicolas Sarkozy, alors président de la République, lors du Salon de l’agriculture, en 2010.
  10. Iddri, Fing, GreenIT.fr et WWF France, Numérique et environnement – Faire de la transition numérique un accélérateur de la transition écologique, livre blanc, mars 2018, https://www.greenit.fr/2018/03/19/26-actions-concretes-faire-converger-numerique-ecologie/
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