Jacky Benhamou : « Nous sommes en interdépendance avec le monde de l’entreprise et de la recherche »

Le 12 mars 2020

Le Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDGCT) a invité des acteurs du privé et de la sphère universitaire à se joindre à lui pour mettre en place un partenariat des savoirs. Une démarche de coconstruction dont la finalité est d’apporter aux directeurs généraux (DG) des collectivités un éclairage de bonnes pratiques relatives aux nombreuses transitions de toutes natures dans nos territoires. Entretien avec Jacky Benhamou, vice-président du SNDGCT en charge des partenariats.

Comment est née l’idée du Partenariats des savoirs ?

Nous sommes, nous, directeurs généraux des collectivités territoriales, confrontés aux mêmes difficultés que nos partenaires privés et universitaires. Comment travailler sur les transitions en cours, qu’elles soient écologiques, numériques ou sociétales ? Comment croiser nos expertises ? Nos problématiques convergent, les solutions que nous y apportons sont interdépendantes. On ne peut plus réfléchir seul, chacun dans notre coin. Prenons le cas de la gestion des déchets. On construit de plus en plus déchetteries spécialisées et nous produisons toujours plus de déchets. La solution n’est-elle pas de réduire à la source la production des dits déchets ? Comment les professionnels, les universitaires et les collectivités peuvent-ils réfléchir à cette question ?

Comment se construisent les échanges ?

Les Partenariats des savoirs sont une co-construction entre sphères publique, privée et universitaire. Ils s’appuient sur la complémentarité des expertises et savoirs respectifs pour donner du sens à des sujets majeurs prenant en compte les mutations du monde. Les travaux sont engagés dans le respect constant des valeurs d’efficacité économique, sociale et environnementale et se fondent sur les notions de durabilité, d’innovation et d’expérimentation. Mariage de frugalité et de faire-ensemble, ils placent la transition écologique et le bien commun au cœur de leurs réflexions.

Quels sont les axes de recherche privilégiés ?

Trois axes se dégagent : l’innovation managériale et éthique face aux évolutions sociétales et technologiques, l’attractivité économique, sociale ainsi que la transformation numérique des territoires et la transition environnementale et énergétique. Le premier axe s’inscrit dans la continuité de la mise en œuvre des récentes lois NOTRe1 et MAPTAM2 qui ont profondément impacté les services des collectivités et intercommunalités. Plus largement, c’est l’ensemble des acteurs publics et privés qui portent les profondes évolutions sociétales, technologiques et environnementales. Dans un contexte de crise généralisée, ces deux sphères sont « malmenées », remises en cause dans leurs modèles respectifs, ainsi que par une tendance de plus en plus consumériste des populations vis-à-vis des services publics locaux. Le deuxième axe interroge : face au risque d’une « uberisation » locale progressive par une atomisation « low cost », les collectivités peuvent-elles encore espérer fédérer un développement local ambitieux ? Probablement oui, à condition d’accepter de s’ouvrir au numérique et à la co-construction avec tous les acteurs qui participent à la réalisation des missions d’intérêt général, entreprises comprises. Le troisième axe, nous en avons parlé à travers le partenariat que nous avons passé avec Veolia.

Depuis 2017, quel bilan dressez-vous à ce jour ?

De nombreux ateliers sont en cours regroupant parfois plusieurs partenaires privés, de la start-up au grand groupe, à notre syndicat. Nous travaillons, par exemple, avec Veolia. Ce partenariat vise à recenser et mettre en lumière les actions exemplaires menées par et/ou pour les collectivités locales en matière de récupération des déchets, recyclage et valorisation. Des visites en région ont été organisées pour montrer à certains DG comment, dans certaines communes, l’indépendant énergétique est en passe d’être une réalité. Près de cent DG ont participé à ces visites en 2018, d’autres sessions ont eu lieu tout au long de l’année 2019. Par ailleurs, un groupe de travail formé avec le pôle public du groupe Randstad en France et Claire Edey-Gamassou, maîtresse de conférences en sciences de gestion à l’université Paris-Est Créteil, autour de la thématique du télétravail, a publié une première note de recherche permettant de mieux prendre en compte les attentes des collaborateurs, des entreprises et des collectivités (voir encadré ci-dessous). Nous ne sommes pas dans l’urgence. Nous voulons prendre le temps de mûrir les échanges et de proposer ensuite des livrables très pragmatiques à nos adhérents et tous ceux qui se pencheront avec curiosité sur la démarche.

Télétravail, le temps de la maturation

En 2018, le groupe de travail formé avec le pôle public du groupe Randstad en France et Claire Edey-Gamassou, maîtresse de conférences, a publié sa première note sur le télétravail. Deux cent trente-cinq dirigeants de la fonction publique territoriale ont été sondés, démarche complétée par des tendances observées dans le secteur privé (quatre-vingt six répondants). 41,3 % dans le public déclarent l’avoir mis en place ou être en cours, 46,6 % dans le privé qui possède une longueur d’avance sur la date de mise en fonctionnement. Concernant le nombre de jours télétravaillés, la réalité majoritaire est de un jour par semaine. « Le télétravail permet aux personnels encadrants d’expérimenter une forme de management plus participative, centrée sur la responsabilisation, l’autonomie, le contrôle par les résultats et le respect des délais. Il bouscule ainsi la notion classique de management et de relation hiérarchique et incite à trouver un juste équilibre entre contrôle du travail et véritable relation de confiance », écrivent les auteurs de l’étude. Côté inconvénients, « le télétravail induit une intensification et un allongement de la durée du travail, crée un chevauchement entre le travail salarié et la vie privée, et peut amener une forme d’isolement. Au global, les effets apparaissent positifs à 85 % dans le secteur public avec une tendance similaire dans le privé. »

  1. L. n2015-991, 7 août 2015, portant nouvelle organisation territoriale de la République.
  2. L. n2014-58, 27 janv. 2014, de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.
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