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Jean-Luc Gleyze : « En gironde, la santé en 2030, ce sera d’abord un parcours de vie inclusif »

Le 24 mai 2019

Président du département de la Gironde et conseiller départemental du Sud Gironde, Jean-Luc Gleyze invite à réfléchir sur le parcours de vie et à cesser de penser en silo.

Quelle est votre vision des enjeux de la santé et des services à apporter à la population ?

La question est vaste. Elle touche à la fois le volet territorial et le volet des publics. Sur le plan territorial, la déshérence des professionnels médicaux, en particulier dans les secteurs ruraux est présente aussi en Gironde, bien que notre département soit très attractif. Il reçoit 20 000 habitants de plus par an.

Nous structurons un réseau départemental des maisons de santé pluridisciplinaires, car une bonne couverture médicale est la première condition d’accès aux soins. Nous nous penchons maintenant sur l’accès aux spécialistes. Il n’est plus possible de consentir à des délais d’attentes de plusieurs mois.

Sur la question des publics, nous mettons en place un comité de pilotage pour trouver des solutions au maintien à domicile. Quarante acteurs ont répondu présents, tels que les institutions ARS, MSA, CPAM, les collectivités et acteurs à domicile. La question est de savoir comment mettre en réseau et coordonner un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens territorial (CPOM) ? Ce CPOM, expérimental, le premier en France, se construit dans la concertation. Tous ont répondu présents et accepté de réfléchir à la coordination de leurs savoir-faire et de leurs compétences. Le maintien à domicile est intimement lié à la santé, quand se pose la question des retours de l’hospitalisation au domicile, de l’adaptation de l’environnement au handicap ou à des troubles du comportement. L’action sociale et médico-sociale est complètement imbriquée dans le sanitaire. Fondamentalement, une politique publique ne peut être correctement pensée si elle ne part pas des besoins des usagers.

Comment vous y prenez-vous pour identifier les besoins ?

Nous partons des usages. Par exemple, les personnes handicapées nous ont alertés sur le fait qu’elles ne comprenaient pas toujours les courriers de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Nous avons alors constitué un groupe de travail avec elles, et nous avons fait réécrire par les personnes handicapées les courriers de notifications qui leur sont adressés. Nous faisons de même actuellement avec les personnes âgées.

Pour construire un département 100 % inclusif en 2025, dans le cadre d’un appel à projets de l’État, nous avons demandé à des personnes handicapées « qu’est-ce que l’inclusion pour vous ? »

Elles répondent : « L’inclusion est une notion abstraite, peu tangible. Elle est stigmatisante parce qu’elle suppose que les personnes en situation du handicap sont exclues de la société, or ce n’est pas notre avis. À l’inverse, elle ne doit pas non plus annihiler les différences. En 2025, l’inclusion sera donc un processus permanent et non un état de fait, inclure c’est inviter l’autre. Ce ne sont pas de nouvelles normes, mais c’est trouver une solution spécifique qui s’implique dans le tout. Une société de la différence sans indifférence. »

La question de la santé doit passer par la compréhension des besoins des usagers, donc il faut qu’ils soient associés à la réflexion, à la décision, à la manière dont nous définissons nos politiques.

La réflexion sur le parcours de vie est essentielle pour conditionner souplesse et agilité. Cesser de réfléchir en silo. Il y a porosité, entre les compétences sociales-médico-sociales et sanitaires. Nous avons intérêt de travailler main dans la main nos politiques publiques, associations et ARS, centres hospitaliers et centres locaux d’information et de coordination (CLIC).

L’enjeu du vieillissement est majeur, comment l’abordez-vous ?

L’EHPAD est vu sous l’angle du soin, nous disons que l’EHPAD devrait s’ouvrir à des métiers d’auxiliaire de vie, tâches qui ne relèvent pas des soins. Maintenir l’autonomie le plus longtemps possible. C’est un travail à faire pour retarder la perte de l’autonomie qui viendrait en parallèle de la question du soin, en agissant sur les déterminants, en particulier sur l’isolement. L’accompagnement en amont du sanitaire est essentiel. Il doit se structurer en mettant en avant la prévention. Plus nous serons en capacité de corriger en amont, plus nous évitons le recours aux soins, et tout le monde y gagne.

Vous n’avez pas eu l’autorisation d’expérimenter le revenu de base, souhaiteriez-vous plus d’autonomie ?

Oui, je suis Girondin, dans les deux sens du terme ! Nous faisons le constat de 30 à 34 % de non-recours au droit au RSA et autres allocations. Ces potentiels bénéficiaires ne sollicitent pas leur droit, soit parce qu’ils en ignorent l’existence, soit parce que les démarches leur semblent trop complexes, soit parce qu’ils en font une affaire de principe, en particulier les agriculteurs et les artisans. Pour éviter cela, nous avons conçu un revenu de base automatique et dégressif. L’idée est aussi de travailler et d’avoir un complément de revenu. Ce revenu de base ne doit pas décourager de travailler. C’est aussi ce que demandent les Gilets jaunes. Alors que nous avons présenté un dossier travaillé depuis deux ans et demi, le groupe majoritaire de l’Assemblée nationale a voté une motion de rejet, ce qui signifie refuser de même débattre sur une simple proposition d’expérimentation ! Nous disons : partons des usagers, essayons d’innover, il faut oser se tromper, mais surtout oser réussir. Les dogmatiques sont ceux qui ne nous laissent pas expérimenter. Les politiques publiques devraient s’envisager au niveau de l’échelon institutionnel le plus pertinent, dans l’intérêt du parcours de vie des personnes, et la décentralisation en serait plus vertueuse.

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