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Henri Verdier : « La vraie question ne porte pas sur le statut des agents mais sur le profil de l’équipe »

Henri Verdier
©Alexia Perchant
Le 29 novembre 2018

La direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État (DINSIC) fait partie des administrations centrales ayant recours à une majorité de contractuels pour remplir sa mission. Henri Verdier qui a piloté la DINSIC pendant près de quatre ans et qui vient d'être nommé Ambassadeur pour le numérique, en explique les raisons.

Quel est le pourcentage de contractuels travaillant au sein de la DINSIC et pourquoi ce choix ?

La DINSIC comprend 142 personnes, dont 60 à 70 % de contractuels selon les périodes. Nous sommes en cela sur des chiffres comparables aux autres ministères qui n’ont pas de corps d’informaticiens. Mais c’est aussi un choix en termes de ressources humaines : pour saisir tous les enjeux de la révolution numérique, il faut des équipes très diverses, avec des talents multiples, et des compétences sur des sujets à peine émergents (blockchain, intelligence artificielle, etc.).

Dans le numérique, l’innovation est très rapide, il y a quasiment une révolution tous les trois ans. Or, le temps de concevoir des enseignements, de former des professeurs, puis des élèves, il faut dix ans. Cependant, pour moi, la vraie question ne porte pas sur le statut des agents mais sur le profil de l’équipe. Nous mêlons aux agents publics des profils rares et atypiques, des entrepreneurs, des autodidactes, des innovateurs. On en trouve aussi parmi les agents publics.

Mais est-ce que les contractuels portent autant que les titulaires les valeurs inhérentes à la fonction publique ?

Bien sûr que le sens de l’État et de l’intérêt général peut être partagé par tous. Je pense même que la société a basculé : de nombreux citoyens pensent qu’ils peuvent servir l’intérêt général et ne comprendraient pas que les fonctionnaires prétendent en avoir le monopole. Le mouvement de la civic tech en témoigne. Et si je reconnais volontiers que, dans certains domaines régaliens, il est normal que les équipes soient majoritairement constituées de fonctionnaires, il faut admettre aussi que l’on peut rencontrer des fonctionnaires désenchantés...

La question des valeurs ne dépend pas du statut. Ainsi, au sein de la DINSIC, nous avons à la fois les « start-up d’État », qui développent des services publics numériques portés par une équipe autonome, souvent à l’initiative de fonctionnaires intrapreneurs, et les « entrepreneurs d’intérêt général », profils rares et atypiques (graphistes, entrepreneurs, humanitaires, etc.) qui viennent travailler avec nous dix mois pour résoudre une question sur laquelle « sèche » une administration...

S’il y a une différence entre les titulaires et les contractuels, c’est beaucoup plus dans la difficulté des derniers à supporter des processus longs et rigides, et dans la manière dont ils sont parfois traités par l’administration.

Selon vous, l’organisation actuelle de l’action publique pose quels types de problématiques ?

L’État a été créé avec des formes d’organisations bureaucratiques puissantes à une époque où l’information était rare, où elle circulait difficilement, et où l’éducation était également moins répandue. Aujourd’hui, ces formes d’organisation ne sont plus les meilleures. Les approches agiles, les équipes autonomes, l’innovation ouverte sur un écosystème riche de sa diversité sont devenues bien plus efficaces, et en outre, permettent de redonner du sens au travail. C’est l’enjeu important aujourd’hui.

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