À Marseille, le nord carbure à l’innovation

Le Carburateur à Marseille
La Carburateur dit "Le Carbu" à Marseille- est né en 2016 à la Cabucelle, dans le XVeme arrondissement de la ville.
©Le Carburateur
Le 4 août 2022

Les quartiers nord de la ville fourmillent de nombreuses initiatives, marquées, entre autres, par l’innovation boostée par le service public.

Un tel nom est forcément interpellatif : le Carburateur – dit le « Carbu » –, à Marseille, est né en 2016 à la Cabucelle, dans le XVe arrondissement de la ville. Un drôle de lieu, qui ne se laisse pas facilement définir. Accélérateur ? Incubateur ? Couveuse ? Pépinière ? « C’est tout à la fois et encore plus », répond habituellement Muriel Bernard-Reymond, directrice d’une structure dont l’équivalent n’existe pas en France. Sur les 1 800 m² d’un bâtiment aux airs futuristes se mêlent espaces de travail, outils et réseaux. Le tout dans une ambiance très familiale. La singularité du lieu se situe dans la mise en commun des expériences, dans la possibilité offerte à quelqu’un débarquant avec une idée d’en ressortir avec un projet. Trop souvent, les bonnes idées perdent de leur peps quand elles sont sommées d’intégrer le moule du cheminement administratif : « L’idée était certes de redynamiser le territoire de la Cabucelle en y menant de l’économie. Mais, au-delà de cette évidence, nous devions renforcer l’offre d’accompagnement aux entreprises », assure Muriel Bernard-Reymond, la directrice.

Les jeunes arrivent comme ils sont

Lancé en avril 2016, cet outil métropolitain financé à 50 % par les fonds européens et le reste par les financeurs publics (État, région, métropole Aix-Marseille, le département des Bouches-du-Rhône, la ville a cédé le terrain) a installé sur un seul lieu tous les opérateurs de la création d’entreprise, de l’idée jusqu’à l’immatriculation de la boîte. Avec une opportunité alléchante, celle de la pépinière : « On propose un hébergement physique et un accompagnement aux jeunes pousses tous secteurs confondus, de l’artisanat aux projets plus high-tech, d’ici et d’ailleurs. Tout le monde est le bienvenu, on n’a pas de critères d’attribution ni de territoire. C’est ce qui fait notre force, du coup, on a des profils et des activités très variés, ainsi que des origines et des niveaux de diplômes très divers », explique la directrice sur le site du journal La Provence.

44 entreprises accueillies

Et c’est là que le Carbu porte vraiment bien son nom : « L’apport d’affaires du Carbu représente entre 30 et 90 % du chiffre d’affaires des jeunes entreprises qui nous rejoignent. » Des soirées acheteurs sont organisées, les résidents de la pépinière jouissent ainsi d’une visibilité maximale. La jeune entreprise paie un forfait mensuel de 160 euros comprenant le loyer et tout l’accompagnement. Dans les bureaux individuels et les ateliers, 44 entreprises sont actuellement accueillies. On y croise Dev-id, un studio spécialisé dans la réalisation d’applications mobiles et le prototypage d’objets connectés, mais aussi Lexiplume, ou encore celles des Canailles (rhums arrangés made in Marseille), Left for work (gestion de voyages d’affaires pour les entreprises), Bionetys (société de nettoyage qui n’utilise que des produits biotechnologiques et écologiques) ou Morice (desserts végétaux à base de riz de Camargue).

« Creuset inexploité de jeunes qui en veulent »

Le Carburateur n’est pas le seul lieu dans les quartiers nord de Marseille à bénéficier d’un vent si porteur. De multiples initiatives sont nées ces dernières, comme Entrepreneurs dans la ville, Positive planet, École de l’entrepreneuriat, Accélérateur citoyen, Make the choice, Talent des cités, etc. : « Les projecteurs de la ville sont désormais braqués sur ce creuset inexploité de jeunes qui en veulent », constate Sébastien Chaze, responsable régional de l’Association pour le droit à l’initiative économique (Adie) dont les offres de microcrédit sont calibrées pour ces jeunes. Sur 1 236 porteurs appuyés par l’Adie en 2021, une grande majorité (930) relevait de la création d’entreprise : « Le caractère populaire et rebelle de Marseille se prête particulièrement aux innovations de rupture engagées », affirme Daphné Charveriat, une des responsables de l’association Marseille Solutions. Ces six dernières années, cette association a porté 45 projets à impact, comme un programme de développement personnel pour aider les femmes des quartiers à reprendre confiance en elles… L’écosystème marseillais répond aux aspirations des jeunes à l’échelle nationale : 53 % des jeunes de moins de 25 ans souhaitent entreprendre pour mettre fin à la spirale du chômage, mais 82 % de ceux qui se lancent abandonnent faute d’accompagnement, selon l’Observatoire de la fondation des Apprentis d’Auteuil. Soutenus a contrario par des dispositifs de coaching et de mentoring, 65 % tiennent encore debout trois ans après leur création, une durée de référence dans ce domaine.

Le caractère populaire et rebelle de Marseille se prête particulièrement aux innovations de rupture engagées.

Zinedine Zidane apporte sa touche à l’édifice

Dernière récente preuve de ce dynamisme : face à la désertion des médecins généralistes, la première maison médicale digitale de Marseille a vu le jour dans la cité de la Castellane. Cet espace de téléconsultation a été porté par des habitants du quartier, des médecins, et soutenu par Zinedine Zidane. L’enfant du quartier était présent pour l’inauguration. Autant de micro-initiatives pleines de sens dans une ville qui a envie de montrer qu’elle est autre chose qu’un stade de foot et un haut lieu des trafics de stups

×

A lire aussi