La blockchain au service de l'administration de demain ?

Le 1 août 2017

Dans une enquête à la fois vivante et documentée, Big Bang Blockchain – La seconde révolution d’Internet, le journaliste Stéphane Loignon décrypte le fonctionnement de la blockchain, explique ses enjeux, évalue son potentiel et expose toutes les applications existantes et futures, notamment pour repenser les services de l’État.

L’auteur est allé à la rencontre de spécialistes dans sept pays (créateurs de start-ups, experts de grands groupes, financiers, universitaires, députés, etc.) pour nourrir son enquête. Cette « invention géniale », selon Jean-Claude Trichet, l’ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), donne également la possibilité d’enregistrer de l’information de manière immuable (diplômes, documents administratifs, titres de propriétés et même bulletins de vote). Autant de possibilités pour réinventer la démocratie et l’administration. Ces questions sont abordées dans son livre, avec notamment l’exemple de l’administration estonienne « 100 % électronique et 100 % transparente ». Entretien avec l’auteur.

Pourquoi la blockchain est-elle une technologie aussi importante qu’Internet ?

Née avec le bitcoin début 2009, cette technologie a rendu possible, pour la première fois, le transfert d’argent en ligne sans intermédiaire : sans passer par une banque, ni par une compagnie de carte de crédit, ni par un site de e-commerce. Cela ouvre d’immenses opportunités pour réinventer à la fois la finance, le paiement, le transfert d’argent et plus généralement tout le commerce électronique, sans les grands intermédiaires par lesquels nous sommes aujourd’hui obligés de passer. Cela introduira plus de concurrence dans tous ces secteurs et bénéficiera au consommateur. Mais cela prendra un peu de temps, de même qu’internet a mis du temps à tenir ses promesses.

Comment cette technologie pourrait-elle contribuer à repenser les services de l’État et à améliorer l’action publique ?

La blockchain a pour caractéristique d’être immuable : les transactions et les informations qui y sont écrites, une fois validées et acceptées par la communauté des utilisateurs, ne peuvent plus être effacées. Cela ouvre un second grand champ d’application à cette technologie, très utile à l’administration : la « notarisation », c’est-à-dire la possibilité d’enregistrer dans la blockchain l’équivalent de l’ADN numérique (appelé le « hash ») d’un document, qui permet de prouver que l’on en était bien le possesseur à telle date, et donc d’attester ultérieurement de son authenticité. Ce document peut être un titre de propriété foncière par exemple (de telles expériences sont menées au Ghana, en Géorgie et en Suède notamment), un diplôme, ou toute autre sorte de document officiel. L’utilisation de la blockchain permet aussi une forme de transparence et de protection de données personnelles, comme le montre l’exemple estonien.

Le Premier ministre, Édouard Philippe, s’est rendu fin juin 2017 en Estonie pour s’inspirer de la e-administration de l’État balte, devenu en quelques années une nation pionnière dans ce domaine. Dans votre livre, vous revenez sur l’administration estonienne « 100 % électronique, 100 % transparente ». Quel rôle joue la blockchain dans ce pays, et la France peut-elle s’en inspirer pour rendre les services publics plus efficaces ?

L’Estonie s’est lancée très tôt dans la dématérialisation de ses services administratifs. Elle a d’abord créé en 2002 une carte d’identité numérique qu’utilisent aujourd’hui presque tous ses habitants. Cette carte donne accès à tous les services de l’administration et par exemple aux données médicales de chaque citoyen. En 2007, le pays a subi une vaste campagne de cyberattaques qui a amené son gouvernement à réfléchir à la manière de protéger les données de ces concitoyens. Les différentes bases de données publiques ont donc été couplées à un système blockchain mis en place par la société Guardtime, qui permet au gouvernement et au citoyen concerné d’être alerté quand des données ont été consultées ou changées. La blockchain joue ici un rôle protecteur.

A lire

Stéphane Loignon, Big Bang Blockchain -La seconde révolution d’Internet, Tallandier, avril 2017, 19,90 €.

×

A lire aussi