Revue
DossierLa médiation numérique, entre l’injonction de la dématérialisation et la nécessité de l’accompagnement
Qu’est-ce que la médiation numérique et quelle est son histoire en France ? Comment ont évolué les pratiques numériques sous l’effet de la crise du covid-19 ? Où en sommes-nous exactement du plan Marshall pour la médiation numérique annoncé par le Gouvernement ?
Résumé
Après une introduction à l’anthropologie des usages des technologies numériques qui donnera des clés de compréhension des mondes numériques contemporains, cet article proposera une analyse critique de la notion de « fracture numérique », à partir des données qualitatives et quantitatives des recherches les plus récentes du GIS M@rsouin (môle armoricain de recherche sur la société de l’information et les usages d’Internet).
Ensuite, les résultats de la recherche CAPUNIcrise, menée pendant la première période de confinement, feront l’état des évolutions récentes des pratiques numériques.
Enfin, un panorama socio-historique sur la médiation numérique, des années 1980 à aujourd’hui, permettra d’aborder les perspectives autour de l’idée d’un plan Marshall pour la médiation numérique arrimée à l’ambition politique d’un grand service public du numérique.
En fonction de la définition, on aurait entre 5 et 18 millions « d’exclus » du numérique en 2019 qui se répartissent en trois groupes : les habitants des territoires bas débit et des zones blanches, les personnes en situation de pauvreté-précarité et les personnes subissant des déconnexions involontaires (par exemple, le quatrième âge vis-à-vis de la dématérialisation) ou choisissant la déconnexion volontaire qui est en train de s’installer dans le paysage numérique.
Comprendre la société numérique
En introduction de ce dossier sur la médiation numérique, que j’ai eu grand plaisir à coordonner, il convient de poser quelques repères sur le contexte de cette médiation : la société numérique et le concept d’usage. Michel de Certeau théorise la notion d’usage en 1980 en décrivant qu’elle advient par « braconnage » 2. On peut en déduire que les usages des environnements socio-techniques appropriés par les acteurs se construisent par détournements collectifs de l’offre technique. Dans une approche anthropologique, nous pouvons définir les usages comme des ensembles de pratiques socialisées3. Les usages fondent de nouvelles normes sociales autour desquelles se créent les sociabilités. Le terme « ensemble » suggère des questions de seuil, de groupes sociaux et de frontières. Les milliards de connexions à Wikipédia ou à Facebook témoignent d’usages sociaux installés.
L’adjectif « socialisé » renvoie à des phénomènes collectifs et à l’étude des processus d’adoption des normes culturelles, ce qui nous conduit à replacer les usages des technologies numériques dans les contextes socio-historiques spécifiques qui se succèdent en trois moments successifs : innovation, massification et banalisation.
Le temps de l’innovation est celui des promesses, des fantasmes technoïdes et de l’enchantement par la technique et le progrès. Le premier micro-ordinateur, Minitel, téléphone portable, modem, site, etc., toutes ces technologies dans leurs états premiers ont généré un temps émotionnel fort pour leurs créateurs, mais aussi pour les usagers pionniers et/ou privilégiés qui y ont eu accès. Ces initiés ont ensuite communiqué autour de ces expériences créant le premier réceptacle symbolique pour cette technologie.
Le deuxième temps est celui de la massification, de la large diffusion et donc de la désillusion, du désenchantement. Les téléphones portables diminuent en taille, en poids et en prix mais la couverture réseau ne va pas jusqu’aux campagnes. Ce deuxième temps est de durée variable puisqu’il dépend beaucoup des politiques industrielles.
Le troisième temps est celui de la banalisation, de l’appropriation socio-culturelle des technologies. C’est le temps des usages installés. Sur la base de taux d’équipement en ordinateurs et de connexions à Internet supérieurs à 80 % de la population, les usages se comptent alors en millions. La temporalité pour arriver à cette période peut être très longue. Par exemple, le courrier électronique tel que nous le connaissons avec son « @ » a cinquante ans. Il a été inventé en 1971 par Ray Tomlinson.
Si la numérisation4 est une opération centrale aussi ancienne que la science informatique, l’arrivée du substantif « numérique » est assez récente. Lorsque, en français, le numérique est remplacé encore plus récemment, par sa traduction littérale en anglais, « digital » et que l’expression « digitalisation » entre dans le langage commun, on ne peut que s’interroger sur ces glissements de sens par les mots des technologies qui décrit probablement le moment de bascule socio-historique de la banalisation de l’accès à Internet. Cela permet de proposer une définition du numérique regroupant, sous un même terme, quatre éléments très articulés entre eux :
- l’informatique comme mode dominant de traitement et de diffusion de l’information ;
- l’Internet comme ensemble des réseaux, systèmes et équipements de communication ;
- les cybercultures comme « culture complexe saturée d’imaginaires » 5 ;
- les usages comme gammes infinies des pratiques individuelles et collectives des technologies numériques.
Si les deux premiers points renvoient aux figures de techno-centrées de « l’ingénieur » et du « technicien », les deux derniers sont anthropocentrés autour des figures de « l’usager » et du « technologue » 6, le spécialiste des usages du numérique dont fait partie le médiateur numérique.
Normes sociales d’usages, inégalités et inclusion
L’enquête CAPUNI7 s’est déroulée de janvier à juin 2019. Elle a permis la collecte de 7 000 réponses de Français de 18 ans et plus. En 2019, la proportion d’internautes en France est de 91 %. L’ordinateur demeure l’équipement d’accès à Internet le plus possédé avec 84 %. Le smartphone est quant à lui détenu par 81 % des Français et 79 % sont usagers d’Internet sur leur smartphone. En fonction de la définition, on aurait entre 5 et 18 millions « d’exclus » du numérique en 2019 qui se répartissent en trois groupes :
- les habitants des territoires bas débit et des zones blanches ;
- les personnes en situation de pauvreté-précarité ;
- les personnes subissant des déconnexions involontaires (par exemple, le quatrième âge vis-à-vis de la dématérialisation) ou choisissant la déconnexion volontaire qui est en train de s’installer dans le paysage numérique.
L’enquête CAPUNI permet aux chercheurs de M@rsouin de proposer une nouvelle typologie.
La définition internationale de l’internaute comme « un individu ayant eu l’usage d’Internet au cours des trois derniers mois » était pertinente pour les comparaisons internationales lors de la phase de massification de l’Internet dans la décennie 2000. Maintenant que l’accès fixe à Internet est banalisé dans les pays développés autour de 90 %, elle n’est plus véritablement opératoire pour réfléchir les politiques publiques numériques. En additionnant les internautes qui utilisent rarement Internet aux non-internautes, on arrive à 18 % des Français, ce qui représente quand même un peu plus de 12 millions de personnes. C’est le public de la médiation numérique, même s’il faut opérer une dernière distinction entre la déconnexion et l’éloignement subis, et la déconnexion volontaire. Si les connectés étaient 81,9 % en 2019, 7,5 % ne se connectent jamais et 10,6 % sont éloignés des normes d’usages actuelles de l’Internet. Dès le 17 mars 2020, premier jour du confinement, nous avons travaillé à monter une enquête, appelée « CAPUNIcrise », miroir confiné de l’enquête CAPUNI de 2019.
Nous avons interrogé 1 500 Bretons, dont 500 habitants en zones de rejet intermédiaire (ZRI). Si le confinement a pu révéler des inégalités entre les familles, particulièrement vis-à-vis de « l’école à la maison », il a aussi montré que la notion de « fracture numérique » est caricaturale et idéologique. Personne n’est véritablement « in » ou « out » vis-à-vis du numérique. Résumer le décrochage des élèves de milieu populaire au manque d’équipement numérique, c’est faire fi des autres problématiques (économique, sociale, culturelle, etc.) qui touchent ces populations et qui expliquent en grande partie leur éloignement de l’institution scolaire. Ce qu’a mis en avant de manière plus surprenante la crise, ce sont les fragilités numériques de l’ensemble de la population permettant d’ouvrir encore plus la question de l’inclusion comme le double mouvement des personnes vers la norme et du corps social vers la prise en compte des phénomènes de stigmatisation, redéfinissant la norme.
De la médiation numérique
Cédric O, le secrétaire d’État au numérique, a repris la formule du « plan Marshall pour la médiation numérique » au numérique en communs (NEC) le 17 novembre 2020 en ajoutant qu’« il ne s’agit pas de savoir poster sur un réseau social ou déposer une annonce en ligne mais de comprendre le monde d’aujourd’hui ». Dans son discours, il développait sans ambiguïté une vision de l’inclusion numérique dépassant les aspects technologiques pour prendre en compte les usages et les apports des sciences humaines et sociales. Ce n’est pas tâche facile car on a, d’un côté, l’injonction à la dématérialisation totale en 2022, et de l’autre, une médiation numérique essentiellement culturelle puisque 36 % des espaces publics numériques sont dans des bibliothèques contre 8 % dans les centres sociaux8. Historiquement, la médiation numérique est présente dès l’arrivée de la micro-informatique des années 1980 dans les clubs informatiques et les 4IN (pour institut d’initiation à l’informatique individuelle).
Dès 1987, Pierre Lévy, technophile s’il en fut, utilise déjà la notion : « Avec la médiation numérique, le primat de l’interaction sensori-motrice fait place à celui du sensori-symbolique, voire à la pure abstraction » 9, en la confondant avec la notion de médiatisation. En 1990, Monique Linard nous alertait déjà sur une tension entre « médiation humaine » et « médiatisation technologique » en écrivant : « Il y a un prix à payer pour rendre les technologies éducatives efficaces : le même que celui qui est nécessaire pour rendre efficace n’importe quelle autre formation : on ne peut plus continuer d’espérer que les technologies feront apprendre et formeront toutes seules. » 10 C’est en 2011 que Philippe Cazeneuve sur son site savoirenactes.info11 proposait cette première définition largement partagée à l’époque : « La médiation numérique consiste à accompagner des publics variés vers l’autonomie, dans les usages quotidiens des technologies, services et médias numériques. »
La médiation numérique est, à la fois, une activité et un champ professionnel. Elle est pratiquée par trois catégories de personnes. Les bénévoles qui étaient là dès l’origine en particulier, dans les clubs informatiques des années 1970-1980. Ils ont été très important dans le développement des structures, très souvent associatives, qui ont porté la médiation numérique historique ancrée dans l’éducation populaire. Ils sont rejoints aujourd’hui par les « aidants », des professionnels exerçant occasionnellement la médiation numérique dans le cadre de leurs fonctions : bibliothécaires, médiateurs culturels, animateurs jeunesse, conseillers en insertion, travailleurs sociaux, éducateurs, enseignants, assistants de vie auprès de personnes âgées et/ou handicapées, etc. Et enfin « des professionnels spécialement affectés à cette mission : animateurs multimédia dans des lieux d’accès publics à Internet ou espaces publics numériques, intervenants vacataires d’ateliers d’initiation, formateurs intervenants auprès de publics en insertion sociale ou professionnelle […] » 12.
Ce métier de médiateur numérique souffre depuis de nombreuses années d’un manque de qualification (sur la médiation, la pédagogie, la formation d’adulte, la connaissance des publics, le travail coopératif, etc.), de diplômes certifiants et surtout d’un manque de reconnaissance professionnelle. En 2012, Nathalie Caclard écrivait dans un article intitulé « La médiation numérique : une urgence pédagogique et politique » 13 : « C’est pourquoi il faut battre en brèche l’hypothèse illusoire selon laquelle il n’y aurait plus besoin d’animateurs multimédia. On a annoncé trop tôt que les espaces publics numériques (EPN) allaient disparaître à mesure que les Français s’équipaient en masse. C’est le contraire qui se produit : les usages ont plus que jamais besoin d’être accompagnés. Même chez les jeunes, que l’on pouvait croire a priori moins touchés par l’illectronisme, l’écart se creuse entre les “geeks” qui codent des programmations d’interface (application programming interface : API) ou réalisent des “machinima” et ceux qui ont besoin d’aide pour envoyer un mail, les laissés-pour-compte, cruellement nommés les “pleeks” [NdlR : signifiant les “ploucs informatiques”]. La médiation numérique reste donc un enjeu majeur. »
En 2015, pour le réseau national de la médiation numérique14 « la “médiation numérique” désigne la mise en capacité de comprendre et de maîtriser les technologies numériques, leurs enjeux et leurs usages, c’est-à-dire développer la culture numérique de tous, pour pouvoir agir dans la société numérique. Elle procède par un accompagnement qualifié et de proximité des individus et des groupes (habitants, associations, entreprises, élèves, étudiants, parents, professionnels, etc.) dans des situations de formation tout au long de la vie facilitant à la fois l’appropriation des techniques d’usage des outils numériques et la dissémination des connaissances ainsi acquises. Elle est donc au service, notamment, de l’inclusion numérique et favorise les coopérations utiles aux réalisations et aux innovations en faveur du bien commun. »
Pas sûr qu’après avoir confié successivement la médiation numérique aux emplois-jeunes, emplois d’avenir, services civiques et aujourd’hui aux conseillers numériques en CDD de deux ans au SMIC, on soit à la hauteur des enjeux.
En 2017, dans un l’ouvrage avec Agnès Vigué-Camus, consacré à la médiation numérique en bibliothèque, nous tentons de revenir aux fondamentaux de la posture de la médiation numérique : « Les acteurs qui s’exercent à la médiation numérique ne sont pas en position de vendre des technologies, de diffuser une culture numérique unique, pas plus que de former à des compétences professionnelles certifiées, d’enseigner des savoirs académiques ou de garantir des compétences technologiques. La médiation numérique se situe dans l’éducation informelle comme, avant elle, la médiation culturelle. Il s’agit avant tout de favoriser l’appropriation des technologies par un accompagnement des personnes, dont certaines pensent que “ce n’est pas pour elles”… Cette médiation ne s’impose pas, elle propose un parcours qui permet d’apprivoiser ces outils et, en cela, ne participe pas à la construction d’un discours massif en faveur du “tout technologique” mais plutôt d’une démarche d’émancipation par la culture, numérique dans ce cas. » 15 En 2017 également, Loïc Gervais décrit le médiateur numérique ainsi : « Il y a autant de définitions d’un métier que de personnes qui l’exercent. Il me semble que l’on peut cependant regrouper les compétences du médiateur numérique en cinq pôles, résumés par le mot “vague” : veiller, accompagner, guider, utiliser et expérimenter. » 16
Au-delà des effets délétères de la dématérialisation administrative sur le non-recours aux droits en général17, les travaux récents du GIS M@rsouin décrivent des capitaux culturels numériques très inégaux chez les jeunes et dans les familles18 mais aussi chez les personnels sociaux et éducatifs (enseignants, éducateurs, travailleurs sociaux, animateurs, médiateurs, etc.) qui provoquent un dessaisissement éducatif généralisé vis-à-vis du numérique. On peut donc aussi interpréter le décrochage scolaire comme un « non-recours » au droit d’étudier et le décrochage social des personnes âgées19 comme un « non-recours » aux droits les plus fondamentaux (percevoir sa retraite, manger, se soigner, etc.). Ce qui a pour conséquence de situer la médiation numérique dans le vaste champ de la médiation culturelle comme avant elle, les conférences « connaissance du monde », l’éducation critique aux médias ou la médiation scientifique et technologique.
Comme l’écrivait le regretté Jacky Beillerot : « Située à l’intersection du culturel, de l’éducation, de la formation continue et du loisir, la médiation culturelle s’inscrit dans le champ ce que l’on appelle l’éducation informelle. À la différence de l’éducation, au sens usuel du terme, l’éducation informelle n’est ni obligatoire, ni contrainte par un programme exhaustif à dispenser, ni par une validation des acquis à organiser. Ces visées sont tout à la fois éducatives (sensibilisation, initiation, approfondissement, etc.), récréatives (loisir) et citoyennes (être acteur de la vie de la cité). » 20
Pour actualiser les propos de Monique Linard de 199921 et de Nathalie Caclard de 201222, ce n’est pas parce que les technologies numériques sont banalisées aujourd’hui qu’elles vont repartir équitablement le pouvoir d’agir numérique toutes seules. Au contraire, l’économie de l’attention des GAFAM23, des plateformes de e-commerce ou de VOD, le « soft power » (pouvoir culturel) chinois qui les conduit à racheter Musically pour le transformer en Tik tok mis en disposition de tous les enfants de la planète alors même que les jeunes Chinois n’accèdent aux réseaux sociaux qu’à partir de 17 ans… Cette géo-stratégie numérique pousse à un positionnement de l’accompagnement aux usages qui sorte des visées instrumentales et adéquationnistes pour s’arrimer à la dimension citoyenne de la médiation culturelle numérique. Il y va de l’apaisement démocratique.
Pas sûr qu’après avoir confié successivement la médiation numérique aux emplois-jeunes, emplois d’avenir, services civiques et aujourd’hui aux conseillers numériques France services (CNFS) en contrat à durée déterminée (CDD) de deux ans au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), on soit à la hauteur des enjeux.
Un véritable plan Marshall pour la médiation numérique24 doit être porté par l’ambition politique d’un grand service public du numérique, multiscalaire25 et capable de remettre en cause la tradition jacobine et les silos étanches de nos administrations. Cette demande remonte par les canaux des organisations citoyennes et des chercheurs mais aussi par les élus locaux au numérique se sont réunis en Congrès national le 7 octobre 2021. Ils s’adressent au président de la République et aux candidat·es à l’élection présidentielle en adoptant une motion26 synthétisée dans le schéma suivant construit sur quatre axes forts.
Ce service public du numérique devra s’appuyer sur quatre piliers :
- axe socio-économique : accès aux droits sociaux, simplification administrative, coordination des politiques publiques, coordination des différents acteurs dans les territoires, partenariats public-privé, etc. ;
- axe médiation et formation : reconnaissance de la médiation numérique avec la création d’une filière métier de médiateur numérique dans la grille des compétences État et territoriales, accompagnement et formation des agents des différentes administrations aux usages des technologies numériques ; plan numérique en éducation et formation qui dépasse les approches strictement centrées sur les apprentissages pour intégrer des différents aspects de l’éducation avec, par et dans le numérique, etc. ;
- axe souveraineté numérique : protection des données, plateformes de service public sécurisée, suites logicielles libres et gratuites, etc. ;
- axe recherche : pas uniquement en intelligence artificielle ou en neuro-sciences mais aussi, pour objectiver les usages des Français (design based research)27 et mener une évaluation constante et constructive des politiques publiques numériques.
- Pascal Plantard est aussi co-directeur du GIS M@rsouin (le réseau de recherche breton, une vingtaine de laboratoires de sciences humaines et sociales) où il dirige des recherches sur l’e-éducation et l’e-inclusion.
- De Certeau M., L’invention du quotidien, 1980, Gallimard, t. 1 « Arts de faire ».
- Plantard P. (dir.), Pour en finir avec la fracture numérique, 2011, Fyp Éditions.
- La numérisation est la succession de trois opérations techniques : échantillonnage, quantification et codage.
- Musso P., L’imaginaire industriel, 2013, Éditions Manucius.
- Tous ces métiers émergents sous le vocable de « spécialiste en stratégie digital ».
- Enquête Individus 2019, sur l’évolution des usages du numérique, baptisée « CAPUNI ». Menée par notre observatoire Omni, elle poursuit les travaux initiés par Capacity en 2017 sur les réalités de l’empowerment par les usages numériques. Il s’agit d’un travail soutenu par la région Bretagne, qui, cette année, prend une envergure nationale grâce au concours de l’Agence du numérique, du très haut débit, du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) et à de la région Bourgogne-Franche-Comté (https://www.marsouin.org/mot303.html).
- Turet A., L’impossible éducation critique et politique au numérique : territoires, dispositifs, métiers et acteurs, thèse, 2019, université de Bordeaux.
- Lévy P., La machine univers. Création, cognition et culture informatique, 1987, La Découverte.
- Linard M., « Apprendre et soigner avec LOGO », Revue française de pédagogie 1989, no 76, p. 38.
- https://savoirenactes.info/2019/07/vers-une-definition-de-la-mediation-numerique/
- Ibid.
- Caclard N., « La médiation numérique : une urgence pédagogique et politique », Cahiers de l’action 2018, no 36, p. 21-25.
- http://www.mediation-numerique.fr/presentation-mediation-numerique.html
- Plantard P. et Camus-Vigué A. (dir.), Les bibliothèques et la transition numérique. Les ateliers Internet, entre injonctions sociales et constructions individuelles, 2017, Presses de l’Enssib, p. 127.
- Gervais L., « Itinéraire d’un animateur d’espace public numérique (EPN) », Cahiers de l’action 2017, no 48, p. 23-29.
- Mazet P., « Ce que la dématérialisation de la relation administrative (a) fait à la médiation numérique », Horizons publics nov.-déc. 2021, no 24, p. 60-67.
- Pasquier D., « Les publics oubliés de la dématérialisation administrative », Horizons publics nov.-déc. 2021, no 24, p. 54-59.
- Guichardaz P., « Daniel Agacinski : “Il faut réaffirmer la nécessité d’alternatives aux démarches numériques, qu’elles soient téléphoniques, physiques, itinérantes ou autres” », Horizons publics nov.-déc. 2021, no 24, p. 74-77. ; DDD, « Études et résultats. Difficultés d’accès aux droits et discriminations liées à l’âge avancé », oct. 2021 : « 21 % des 65-74 ans n’ont pas Internet à leur domicile ; c’est le cas de 38 % des 76-84 ans, et même de 53 % des plus de 85 ans » (https://defenseurdesdroits.fr/fr/etudes-et-recherches/2021/10/etudes-et-resultats-difficultes-dacces-aux-droits-et-discriminations).
- Beillerot J., « Médiation », in Etévé C., Dictionnaire encyclopédique de l’éducation et de la formation, 2005, Nathan.
- Linard M., « Apprendre et soigner avec LOGO », op. cit.
- Caclard N., « La médiation numérique : une urgence pédagogique et politique », op. cit.
- Voir notamment l’audition de Francès Haugen devant le Congrès américain le 5 octobre 2021 : « Je suis ici aujourd’hui parce que les produits de Facebook nuisent aux enfants, alimentent la division et affaiblissent notre démocratie. »
- Guichardaz P., « Pascal Plantard : “Il faut mettre sur pied un véritable plan Marshall en faveur de la médiation numérique !”, horizonspublics.fr 20 mai 2020 (https://www.horizonspublics.fr/numerique/pascal-plantard-il-faut-mettre-sur-pied-un-veritable-plan-marshall-en-faveur-de-la).
- À toutes les échelles de l’État et des collectivités territoriales.
- « Cette motion est le résultat de six mois de préparation porté par l’association Villes Internet. 727 nouvelles contributions ont été produites par 123 élus. Un travail collaboratif s’appuyant sur une méthodologie d’analyse sémantique de l’intégralité des idées exprimées, a permis une véritable transparence dans les échanges pour aboutir à la priorisation de quatre axes forts » (https://www.villes-internet.net/site/reunis-en-congres-national-les-elu·es-au-numerique-sadressent-au-president-de-la-republique-et-aux-candidat·es-a-lelection-presidentielle/).
- « Conception orientée par la recherche » que ce soit des dispositifs technologiques ou des dispositifs institutionnels comme les dispositifs de médiation numérique.
Les mots de l’accès public à internet et de la médiation
1996
Digital divide
Première apparition politique lors du discours de Bill Clinton à Knoxville (Tennessee) le 10 octobre 1996 : « We challenged the Nation to make sure that our children will never be separated by a digital divide » : « Le défi pour notre Nation est de s’assurer que ses enfants ne seront jamais séparés par une fracture numérique. »
1996
Fracture numérique
Traduction de « digital divide », les deux termes ont été beaucoup critiqués car ils renvoient à une conception idéologique caricaturale d’Internet puis du numérique très binaire (« in » ou « out », branché ou débranché, connecté ou déconnecté, etc.). Ils masquent les inégalités culturelles, économiques et sociales que vivent les usagers vis-à-vis des normes sociales d’usages.
1997
Digital litteracy
Ce terme « intraduisible » apparaît en 1997. Il se réfère à trois principes : les aptitudes et les connaissances voulues pour utiliser une série de logiciels et d’applications de médias numériques ; la capacité à comprendre et à jeter un regard critique sur les applications et les contenus des médias numériques ; et les connaissances et les capacités à créer à l’aide de la technologie numérique.
2000
Digital native
Construction journalistique de Marc Prensky devenu le mythe des digital natives (natifs du numérique) totalement incohérent sur le plan scientifique mais très puissant à produire un dessaisissement éducatif généralisé à propos du numérique, tant des parents que des autres éducateurs. À force de manipuler dans les sphères médiatiques et politiques ces notions de génération Y ou de digital natives, on se trompe sur les compétences numériques des jeunes. Au sein d’une même classe d’âge, on observe des différences d’usage très importantes.
2001
e-inclusion
En 2001, une résolution du conseil de l’Union européenne « e-Inclusion : Exploiting the Opportunities of the information Society for Social Inclusion » en pose les principes. En 2005, le groupe d’experts e-Europe indiquait que « l’e-inclusion n’est rien d’autre que l’inclusion sociale et économique dans une société de la connaissance », alors que le Conseil national du numérique (CNNum) définissait « l’e-inclusion comme l’inclusion sociale dans une société et une économie où le numérique joue un rôle essentiel ». Le CNNum propose alors deux objectifs à l’e-inclusion : la réduction des inégalités et exclusions sociales en mobilisant le numérique et le numérique comme levier de transformation individuelle et collective.
2004
e-administration
Depuis 1998, les pouvoirs publics ont élaboré plusieurs plans en vue de développer l’administration électronique qui débute avec le programme d’action gouvernemental pour la société de l’information (PAGSI). En 2004, développement du programme d’administration électronique (ADELE), acronyme qui était utilisé pour communiquer sur les travaux menés par l’Agence pour le développement de l’administration électronique (ADAE) qui était un service gouvernemental français, intégré depuis 2005 dans la direction générale de la modernisation de l’État (DGME). En 2012, le secrétariat général à la modernisation de l’action publique (SGMAP) est institué. Il est chargé de mettre en œuvre la politique de modernisation de l’État, notamment en matière numérique.
2009
Inégalités d’usage
Selon Périne Brotcorne et Gérard Valenduc1, au-delà de l’accès au matériel informatique ou à la connexion Internet, la notion d’inégalités d’usage désigne le fait de posséder, ou non, les connaissances et compétences nécessaires pour résoudre les difficultés et développer des usages du numérique permettant de s’assurer une position sociale valorisante, ainsi que la confiance en ses capacités, l’intérêt, et le support social allant dans ce sens.
2011
Médiation numérique
Philippe Cazeneuve propose une première définition largement partagée à l’époque : « La médiation numérique consiste à accompagner des publics variés vers l’autonomie, dans les usages quotidiens des technologies, services et médias numériques. »
2013
Politique d’inclusion2
Recommandations du rapport Citoyens d’une société numérique : pour une nouvelle politique d’inclusion du CNNum :
- faire de l’accès à Internet et ses ressources essentielles un droit effectif ;
- faire de la littératie pour tous le socle d’une société inclusive ;
- s’appuyer sur le numérique pour renforcer le « pouvoir d’agir » de tous les citoyens ;
- réinventer les médiations à l’ère numérique ;
- ouvrir la porte aux 900 000 jeunes à la dérive ;
- aider les décideurs à embrasser les enjeux sociaux et politiques du numérique ;
- disposer d’indicateurs adaptés à l’état actuel des sociétés numériques et des nouveaux objectifs d’e-inclusion.
2016
France Connect3
En 2016, France Connect est déployé. Il permet d’utiliser un compte, un identifiant et un mot de passe unique pour tous les services publics en ligne (impôts, caisse d’allocations familiales, mairie, etc.). La refonte du site service-public.fr a également lieu. En 2016 également, la loi pour une République numérique, dite « loi Lemaire » 4, impose aux administrations d’ouvrir leurs données publiques.
2017
Dématérialisation
Objectif de 100 % des démarches administratives en 20225. Il a été recentré en 2019 sur les 250 démarches administratives les plus utilisées par les Français. Le rapport du Défenseur des droits publié en janvier 2019 démontre que la dématérialisation de l’administration accroît le risque de non-recours aux droits et d’exclusion pour les personnes fragiles. Il demande conserver toujours plusieurs modalités d’accès aux services publics ; repérer et accompagner les personnes en difficulté avec le numérique ; renforcer la formation initiale et continue des travailleurs sociaux et des agents d’accueil des services publics à l’usage numérique ; prendre en compte les publics spécifiques.
2019
Illectronisme6
En 2019, 15 % des personnes de 15 ans ou plus n’ont pas utilisé Internet au cours de l’année, tandis que 38 % des usagers manquent d’au moins une compétence numérique de base et 2 % sont dépourvus de toute compétence. Ainsi, l’illectronisme, ou illettrisme numérique, concerne 17 % de la population. Une personne sur quatre ne sait pas s’informer et une sur cinq est incapable de communiquer via Internet. Les personnes les plus âgées, les moins diplômées, aux revenus modestes, celles vivant seules ou en couple sans enfant ou encore résidant dans les DOM sont les plus touchées par le défaut d’équipement comme par le manque de compétences. En France, le niveau global de compétences numériques est semblable à la moyenne européenne.
Forgé sur la notion d’illettrisme, l’illectronisme s’arrime à la notion de « compétences de base » qui peut paraître réductrice vis-à-vis des multiples situations d’éloignement des normes sociales d’usages du numérique.
2021
Capabilités numériques7
Si l’ensemble des fragilités d’un usager vis-à-vis des technologies numériques décrit sa vulnérabilité socio-numérique, l’ensemble de ses capacités produit sa capabilité pour reprendre le concept proposé par Amartya Sen8. La « capabilité » 9 désigne l’ensemble des capacités qu’une personne a le droit de réaliser, qu’elle les exerce ou non. Articulé avec la notion d’« empowerment » 10 la vulnérabilité socio-numérique ne s’opposent donc pas l’autonomie numérique dont rêve le solutionnisme technologique mais à la capabilité qui, en France, se décline dans le registre citoyen de l’égalité dans le partage du pouvoir d’agir avec le numérique. Pour l’éducation, cela nous conduit à faire une distinction fondamentale entre les approches par les compétences qui inscrivent les incompétences en creux des normes scolaires classiques et des approches par la capabilité liées à des potentialités et des apprentissages à développer par les apprenants. Dans le premier cas, on reste dans la posture techno-centrée du comblement de la fracture numérique par les biens et services technologiques. De l’autre, on rentre dans une logique socio-éducative d’accompagnement des enseignants, des élèves et des familles vers l’empowerment numérique et la citoyenneté du xxie siècle.
Sources principales
1994-2014 : première chronologie de l’accès public à Internet en France et en Europe. En 2014, Stéphanie Lucien-Brun réunit un petit groupe d’acteurs de la médiation numérique (Yoann Duriaux, Marie-Hélène Feron, Guy Pastre, Florence Labord et Marianne Massaloux) et met en ligne cette frise11 qui représente chronologiquement les notions, les actions, les acteurs et les politiques publiques de l’accès public à Internet ;
Plantard P. (dir.), Pour en finir avec la fracture numérique, 2011, FYP Éditions, Us@ges ;
Fenoglio P., « Au cœur des inégalités numériques en éducation, les inégalités sociales », oct. 2021, dossier de veille de l’IFÉ, ENS Lyon (http://veille-et-analyses.ens-lyon.fr/DA-Veille/139-octobre-2021.pdf).
- Brotcorne P. et Valenduc G., « Les compétences numériques et les inégalités dans les usages d’internet », Les Cahiers du numérique 2009, vol. 5, no 1, p. 45-68.
- CNNum, Citoyens d’une société numérique : pour une nouvelle politique d’inclusion, rapport, oct. 2013.
- https://www.vie-publique.fr/eclairage/18925-e-administration-du-pagsi-au-programme-action-publique-2022
- L. no 2016-1321, 7 oct. 2016, pour une République numérique, dite « loi Lemaire ».
- https://www.vie-publique.fr/eclairage/18930-dematerialisation-quelle-politique-pour-les-exclus-du-numerique
- https://www.insee.fr/fr/statistiques/4241397
- Plantard P., « Éducation et inclusion numériques en temps de confinement », Enjeux numériques juin 2021, no 14, p. 25 (annales.org/enjeux-numeriques/2021/en-2021-06/2021-06-3.pdf).
- Sen A. K., L’idée de justice, 2012, Flammarion, Champs essais.
- Nussbaum M. C., Capabilités. Comment créer les conditions d’un monde plus juste ?, 2012, Flammarion, Climats.
- Bacqué M.-H. et Biewener C., L’empowerment, une pratique émancipatrice ?, 2013, La Découverte.
- https://www.preceden.com/timelines/9981-chronologie-de-l-acc-s-public---internet---perspective-fran-aise-et-europ-enne