Revue
Ils nous étonnentLe crowdfunding, une idée qui fait recette
Les collectivités peuvent recourir au financement participatif, ou crowdfunding, via la plateforme Collecticity sur une partie ou la totalité d’un projet. Une alternative aux méthodes classiques d’emprunt.
Non, le crowdfunding n’est pas réservé au secteur privé ou à de jeunes artistes en devenir ! Via la plateforme Collecticity, lancée en 2016, les collectivités peuvent, elles aussi, financer leurs opérations en mode participatif. Une alternative à l’emprunt classique. La démarche est simple : le dossier, une fois retenu, est exposé en détail sur le site.
Le prêt ou le don
L’internaute, lui, choisit : soit faire un don (avec ou sans contrepartie), soit prêter avec ou sans intérêt. Les sommes sont transférées une fois le montant atteint. Collecticity se rémunère par commission – si le projet aboutit – et gère la répartition des fonds. Collecticity.fr est soumis au contrôle de l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution), en conformité avec la réglementation de 2014, explique en substance Marc Payan l’un des fondateurs de la plateforme. Les prêts (amortissables) avec intérêt, eux, sont concurrentiels au regard des offres du privé, avec, en outre, un quasi « risque zéro » lié à la nature du secteur public (garantie de l’État et contrôle du budget, notamment). Sans oublier qu’ici l’emprunteur ne dépend pas des fluctuations des marchés financiers, l’épargne sollicitée étant celle des particuliers, soit potentiellement des milliards d’euros à l’échelle de la France.
Les dossiers sont retenus à l’issue d’un scoring (notation), imposé par la réglementation pour la protection des prêteurs, mais peu adapté vu la spécificité du secteur public. Y sont examinés les modalités de financement (existe-t-il d’autres investisseurs ?), le montant des besoins, le taux d’endettement, etc. Schématiquement, le don correspond à une opération très locale, porteuse de valeurs fortes (solidarité, patrimoine, etc.) ; l’affect y joue un grand rôle puisque le donateur n’attend pas de retour. Quant au prêt, la démarche est un peu différente. Et les élus peuvent espérer toucher une cible de prêteurs dépassant largement le cadre de leurs administrés car elle se situe dans une logique de placement. Avec un plus, car le particulier donne du sens à son placement.
Multiplicité et diversité des projets
Quant aux projets déjà réalisés, ils sont variés. Ce peut être la rénovation d’une église (Empeaux, Haute-Garonne, don de 3 000 €) ou l’aménagement d’un logement communal pour travailleurs saisonniers (Vachères-en-Quint, Drôme, prêt sans intérêt de 12 000 € sur 36 mois). Parmi les initiatives emblématiques, on peut également signaler celle de Langouët (Ille-et-Vilaine, 600 habitants) qui a présenté deux projets dans le cadre de Collecticity, l’un sur le thème de l’urbanisme rural (étude préalable au développement d’habitats conviviaux au bénéfice de l’environnement, 40 000 €, durée 72 mois, taux 2 %) et l’autre concernant la permaculture et l’autonomie alimentaire (ferme rurale à but pédagogique ; 25 000 €, durée 72 mois, taux 1,8 %). Dans le premier cas, le recours à Collecticity permet de financer l’intégralité du projet. Langouët a ainsi au total levé 65 000 € auprès de la population, avec une participation de 13 % au sein de la commune et près de 35 % des investisseurs en dehors du territoire. D’autres collectivités, comme Bruxerolles (Vienne, 10 000 habitants), vont certainement commencer une deuxième opération de ce type.
Mais ce n’est là qu’un début, estime Marc Payan : plus la base d’investisseurs récurrents s’intensifiera, plus les levées de fond grandiront. Sans oublier la médiatisation de certaines opérations, susceptible de leur donner un retentissement national. Et de leur côté, les collectivités peuvent très bien multiplier les projets pour associer pleinement les citoyens à leur action, en toute transparence : un financement participatif, c’est en effet l’occasion de discuter, d’exposer pleinement le projet, de détailler l’ensemble des modalités de financements… À tel point que Sceaux (Hauts-de-Seine), par exemple, qui s’apprête à lancer une opération avec Collecticity, n’exclut pas, à terme, de réserver une part de financement participatif à tous ses projets d’investissement.
Marc payan :
« Les citoyens peuvent s'impliquer dans les projets locaux »
Marc Payan est l’un des fondateurs de la plateforme Collecticity.
« Nous nous situons à la frontière entre les fintech (secteur de la finance) et les civic tech (initiatives citoyennes) », explique Marc Payan, l’un des fondateurs du site. Au-delà de l’aspect investissement, il s’agit pour les collectivités et autres acteurs publics « d’impliquer les citoyens co-constructeurs » sur un projet, voire d’en faire des « ambassadeurs ». Un élément très important dans la mesure où le succès d’une opération de financement participatif repose pour une grande partie sur la communication autour de l’initiative. Le site devrait prochainement se compléter d’un outil de vote en ligne, connecté à FranceConnect (pour l’authentification des votants), piloté en amont des opérations par la collectivité, afin de sonder les opinions sur tel ou tel projet : « C’est une brique en plus dans la co-construction. » En attendant, rien n’empêche, au contraire, d’organiser un événement lorsque le projet est réalisé, comme l’a fait Plouguerneau (Finistère) avec son « skatepark » (don avec contrepartie : selon les cas, invitation à l’inauguration, initiation gratuite, etc.). De son côté, l’investisseur potentiel qu’est l’internaute dépasse son statut de « payeur ». Il a en effet la possibilité, par son choix entre tel ou tel projet, d’encourager un domaine ou une activité qui lui tient personnellement à cœur : social, écologie, patrimoine historique local, etc.