Jardins partagés, tiers lieux, cuisines solidaires : l’innovation au service du lien social

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Le 4 octobre 2018

Le 19 septembre, le mouvement UP organisait à la Maison du Crowdfunding une matinée sur le thème du lien social à l’échelle du quartier. Swen Déral, co-fondateur de la SAUGE, Vanessa Kryceve, co-fondatrice de Le Recho et Bastien Simon, réalisateur d’un film sur les Grands Voisins témoignaient de l’importance de l’innovation sociale pour recréer le lien à l’Homme et à la Terre.

Répondre au défi de la transition écologique

Pour Swen Déral, co-fondateur de la SAUGE, Société d’Agriculture Urbaine Généreuse et Engagée, « le jardinage pour tous constitue une réponse simple et efficace à la transition écologique, sur son volet agricole ». La création de la SAUGE en février 2015 avec Antoine Devins, vise à amener un maximum de personnes à réaliser une activité agricole, à diffuser des savoir-faire essentiels et à susciter des vocations. Aux origines des 48 heures de l’agriculture urbaine, la version « graine et râteau » de la fête de la musique, ils invitent dans plusieurs villes de France les voisins à descendre dans la rue pour jardiner un petit bout de trottoir, semer des graines, découvrir ou redécouvrir l’agriculture urbaine.

L’association anime aussi des fermes urbaines comme la Prairie du Canal à Bobigny. Sur la dalle en béton, d’une ancienne usine, la ferme construite présente près de 15 techniques agricoles différentes.

Il s’agit de sortir de l’opposition entre monde végétal et urbain, de montrer au public la manière de cultiver en ville, et peut-être à l’issue de cette occupation temporaire, d’insuffler au projet immobilier final une vision de la ville plus positive.

À l’issue de cette expérience, les co-fondateurs de la SAUGE se dirigeront vers Nantes, pour monter, toujours de façon temporaire, la Prairie de La Loire. Sur le toit, au-dessus d’une association d’hébergement d’urgence, d’un restaurant solidaire, de bureaux, de logements, ils installeront une ferme urbaine avec des micro-pousses et une pépinière, des techniques nécessitant peu de sous-sol. Un projet visant une complémentarité entre la production en ville et à la campagne.

Restaurer le monde

Chef-cuisinière et actrice, Vanessa Kryceve fonde avec une dizaine d’amis, en 2016, l’association Le Recho pour faire cuisiner ensemble des réfugiés et une population locale. Après un premier crowdfunding réussi (et 30 000 euros récoltés !) l’association achète un food truck et réalise une première mission à Grande Synthe en partenariat avec la Ville et les associations locales. Une soixantaine de bénévoles cuisinent 500 repas par jour.

« La crise des réfugiés, de l’accueil est intrinsèquement liée à la crise écologique. Cela n’a pas de sens de cuisiner comme il y a 20 ans ! En tant que restaurateur, on a un rôle pédagogique à jouer, il est essentiel de prendre en compte l’impact environnemental, social, politique, écologique de l’assiette» explique Vanessa Kryceve.

Après cette première opération l’association se structure pour trouver un modèle économique viable, de grands chefs étoilés proposent leur soutien.

L’occasion se présente ensuite d’organiser un événement à Arras. « Nous avons eu envie de changer d’échelle, de profiter de la ville d’Arras pour faire une démonstration du vrai visage de la France, de fédérer une ville autour de la question de la cuisine solidaire et de l’accueil. » C’est ainsi qu’entre le 6 et le 14 octobre 2018, le Grand Recho proposera entre 150 et 200 repas quotidien, servis par 80 bénévoles, et réunira autour d’un restaurant éphémère les commerçants, les restaurateurs, les associations, les publics réfugiés, des grands chefs étoilés, la Mairie d’Arras, des mouvements citoyens. Des concerts, des tables rondes, des ateliers ainsi qu’une vente des meubles provenant des ressourceries de la région. « Arras deviendra l’épicentre du vivre ensemble pendant 10 jours. » Un modèle que l’association souhaite reproduire dans d’autres villes de France.

Recréer un village « monde »

Bastien Simon, réalisateur, cherche en 2015 un local pour développer son activité. Le bouche  à oreille le mène chez les Grands Voisins, un tiers lieu hybride, une sorte de laboratoire urbain. « Rentrer aux Grands Voisins c’est comme rentrer dans un village, on se retrouve face à 2000 personnes et 50 nationalités. En arrivant j’ai compris que quelque chose de fabuleux se construisait en terme de solidarité et d’échanges ». Il décide alors de prendre sa caméra et commencer à tourner, alors que les attentats de Charlie Hebdo puis du Bataclan touchent la France. « Il fallait trouver la manière de vivre ensemble, d’accepter l’autre, de se rassembler ».

L’histoire des Grands Voisins commence en 2011 lors de la fermeture de l’Hôpital Saint Vincent de Paul. La Mairie de Paris propose une occupation temporaire des lieux à l’association Aurore qui héberge 600 personnes en situation de précarité. Pour éviter de créer un ghetto, la Mairie du 14e propose 3 ans plus tard d’associer les associations Yes We Camp, spécialiste de l’animation d’espaces temporaires et Plateau Urbain, une coopérative d’urbanisme temporaire. En octobre 2015, 70 structures s’installent aux Grands Voisins aux cotés des personnes hébergées.

Au début du projet, les Grands Voisins occupent 3,4 hectares et réunissent un camping, une serre aquaponique, un terrain de foot, un bain de vapeur russe. Dans son film, Bastien Simon s’est attaché à faire des portraits pour montrer les différents types de population cohabitant dans ce tiers lieu. Il relate par exemple la naissance d’un groupe de musique uniquement composé de personnes de la rue ou encore le cas d’un résident réussissant à sortir d’un état d’alcoolisme avancé et à trouver un travail. «Certains s’en sortent, d’autres pas. J’ai rencontré des résidents ayant ouvert leur propre restaurant solidaire et embauché des personnes hébergés aux Grands Voisins, d’autres organisant des déménagements à vélo, ou de la récupération de cartons. Près de 10% des personnes hébergées aux Grands Voisins s’impliquent dans la vie de la communauté, en partageant des savoir-faire liés au tissage, à la construction, à la musique. »

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