Revue
DossierStatut de l’elu local : ou en sommes-nous ?
Retour sur les améliorations proposées par les rapports parlementaires et les différentes lois adoptées (3 février 19921 et 21 mars 20242) qui posent les jalons d’un statut en reconnaissant un certain nombre de droits et d’obligations aux élus.
Résumé
En réaction au phénomène de démission des maires élus en 2020, dont plus de 3 % ont quitté prématurément leur mandat en 2023, le Sénat a adopté à l’unanimité le 7 mars 2024 une proposition de loi visant à créer un statut de l’élu local3.
Cette proposition s’explique par le décalage entre, d’un côté, les exigences et les modalités d’exercice du mandat local, qui ont évolué vers une professionnalisation croissante et les droits et garanties reconnus aux élus, qui n’ont pas progressé au même rythme, conduisant à une forte dégradation des conditions d’exercice du mandat local, d’autre part. L’idée d’instaurer un statut de l’élu local n’est pourtant pas nouvelle.
Plusieurs réformes engagées depuis la loi du 3 février 1992 et ce, jusqu’à la loi du 21 mars 2024, posent les jalons d’un statut en reconnaissant un certain nombre de droits et d’obligations aux élus. Reste que la question de l’indemnité de fonction demeure source d’interrogations notamment au regard d’une possible revalorisation de celle attribuée aux maires. Enfin, la crise des vocations, tout comme la vague de démissions des maires, pose la question d’une nécessaire amélioration des conditions d’exercice du mandat et notamment celle des pistes de réflexion qui peuvent être envisagées.
Un « statut » en constante évolution
Sous la Ve République, la réflexion relative au statut des élus locaux est ancienne puisque le rapport de la commission Guichard, Vivre ensemble4, comportait un important chapitre qui l’aborde et esquisse certaines solutions visant à accroître la disponibilité des élus et à en améliorer la formation et les garanties5. Parallèlement à la loi du 2 mars 19826, le sénateur Marcel Debarge avait rédigé, à la demande du Premier ministre, un rapport sur le statut de l’élu local7 qui a été suivi du dépôt d’un projet de loi en septembre 1983 qui ne sera pourtant jamais examiné en raison du coût pour le contribuable des mesures préconisées. Dans son rapport, le sénateur Marcel Debarge observait que « les éléments dispersés et disparates qui tenaient lieu de statut de l’élu local, déjà inadaptés aux exigences de ce temps […] sont devenus, avec la mise en œuvre de la décentralisation, quasiment caducs » et appelait le législateur à donner aux élus les moyens de satisfaire, au travers d’une meilleure « disponibilité et accessibilité », les « besoins d’écoute des populations, légitimes dans une démocratie ».
Les axes principaux du rapport Debarge de 19828
Le rapport Debarge met l’accent sur la formation qui apparaît comme « fondamentale » en ce qu’elle est à la fois une nécessité pour répondre « à la complexité croissante des affaires » et pour éviter qu’une tutelle « technocratique » ne se poursuive « sous d’autres formes », contrairement à la volonté du législateur de 1982 (p. 14).
Le sénateur insiste également sur l’importance qui s’attache à ce que la loi facilite l’exercice par les élus de leur mandat, notamment lorsqu’ils sont salariés : « Le secteur privé, en général, peut être défini pour les titulaires d’un mandat électif comme un espace de moindre droit, voire de non-droit » (p. 41). Il imagine ainsi un mécanisme de « crédit d’heures » qui viendrait s’ajouter aux autorisations d’absence dont peuvent bénéficier les élus locaux pour participer aux travaux de leur collectivité territoriale. Le coût financier de ce crédit d’heures serait financé par une caisse nationale de compensation alimentée par les collectivités elles-mêmes.
Le rapport préconise également une revalorisation des indemnités des élus locaux et appelle, en contrepartie, à une limitation du cumul des mandats, perçue comme « un des volets mêmes de la décentralisation » (p. 3).
Le droit à pension des anciens élus locaux est également évoqué. Sur ce point, trois possibilités étaient envisagées : l’affiliation à l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (IRCANTEC), l’affiliation à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) ou la création d’une caisse nationale autonome de retraite des élus locaux, départementaux et régionaux.
Il faudra ensuite attendre dix ans et un second rapport du même auteur, Marcel Debarge, pour que la question du statut soit à nouveau étudiée. En 1988, le ministre de l’Intérieur, Pierre Joxe, confie une nouvelle mission à Marcel Debarge. Celui-ci réunit un groupe de travail qui rendra ses propositions au mois de mars 1990, dont certaines seront traduites juridiquement par la loi du 3 février 1992 (no 92-108), relative aux conditions d’exercice des mandats locaux. Cette loi constitue aujourd’hui la pierre angulaire du statut contenant de nombreuses dispositions qui existent toujours, ou qui ont été améliorées au fil des textes.
La loi du 3 février 1992 :
- élargit le champ des absences autorisées aux réunions des assemblées délibérantes et des bureaux des organismes où l’élu a été désigné pour représenter la collectivité locale (dispositions aujourd’hui reprises à l’article L. 2123-1 du Code général des collectivités territoriales [CGCT] pour la commune, à l’article L. 3123-1 du CGCT pour le département et à l’article L. 4135-1 du CGCT pour la région) ;
- institue un mécanisme de crédits d’heures réservés aux maires et aux adjoints en proportion de l’importance de la population communale ainsi qu’aux conseillers municipaux des villes de plus de 100 000 habitants, à l’ensemble des conseillers généraux et régionaux (dispositions aujourd’hui reprises à l’article L. 2123-2 du CGCT pour la commune, à l’article L. 3123-2 du CGCT pour le département et à l’article L. 4135-2 du CGCT pour la région) ;
- plafonne le temps d’absence autorisé, y compris sur crédits d’heures, à la moitié de la durée légale du travail pour une année civile (dispositions aujourd’hui reprises à l’article L. 2123-5 du CGCT pour la commune, à l’article L. 3123-3 du CGCT pour le département et à l’article L. 4135-3 du CGCT pour la région) ;
- étend aux salariés élus à des fonctions de maires d’une commune de plus de 10 000 habitants ou d’adjoint au maire d’une commune de plus de 30 000 habitants le bénéfice des dispositions du Code du travail qui permet au salarié élu à l’Assemblée nationale ou au Sénat de demander la suspension de son contrat de travail jusqu’à l’expiration de son mandat (dispositions aujourd’hui reprises à l’article L. 2123-9 du CGCT pour la commune, à l’article L. 3123-7 du CGCT pour le département et à l’article L. 4135‑7 du CGCT pour la région) ;
- interdit, sous peine de nullité, tout licenciement, tout déclassement professionnel et toute sanction disciplinaire fondée sur les absences autorisées et impose à l’employeur de réintégrer dans son emploi, ou un emploi équivalent, les maires et adjoints ainsi que les présidents des conseils généraux ou régionaux qui ont suspendu leur activité professionnelle pour se consacrer à l’exercice de leur mandat (dispositions aujourd’hui reprises aux articles L. 2123-8 et L. 2123-9 du CGCT pour la commune, aux articles L. 3123-6 et L. 3123-7 du CGCT pour le département et aux articles L. 4135‑6 et L. 4135-7 du CGCT pour la région) ;
- pose le principe du droit à une formation des élus locaux ;
- et précise que les frais de formation constituent une dépense obligatoire pour la collectivité territoriale (dispositions aujourd’hui reprises à l’article L. 2123-14 du CGCT pour la commune, à l’article L. 3123-12 du CGCT pour le département et à l’article L. 4135‑12 du CGCT pour la région) ;
- procède à une réévaluation des barèmes indemnitaires compensée en partie par l’État pour les « petites communes rurales » sous la forme d’une « dotation particulière » (dispositions reprises à l’article L. 2335-1 du CGCT) ;
- instaure un « écrêtement » des indemnités pour les élus locaux dont le cumul des mandats les amènerait à percevoir plus d’une fois et demie le montant de l’indemnité parlementaire (dispositions aujourd’hui reprises à l’article L. 2123-20 du CGCT pour la commune, à l’article L. 3123-18 du CGCT pour le département et à l’article L. 4135‑18 du CGCT pour la région) ;
- impose l’affiliation des élus locaux percevant des indemnités de fonction à l’institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (IRCANTEC) et leur permet de se constituer, s’ils le souhaitent, une retraite « par rente » (dispositions aujourd’hui reprises aux articles L. 2123-27 et L. 2123-28 du CGCT pour la commune, aux articles L. 3123‑22 et L. 3123-23 du CGCT pour le département et aux articles L. 4135‑22 et L. 4135-23 du CGCT pour la région).
Il faudra ensuite attendre dix ans et un second rapport du même auteur, Marcel Debarge, pour que la question du statut soit à nouveau étudiée.
Les années 2000 sont marquées par l’adoption de deux lois et du rapport de Pierre Mauroy9. La loi du 5 avril 200010 relative à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions électives et à leurs conditions d’exercice contient, en plus de la limitation des mandats, de nombreuses dispositions en matière de crédits d’heure, de cessations d’activités professionnelles et surtout amorce la dualisation des fonctions électives locales en faveur des exécutifs locaux en augmentant considérablement le montant des indemnités de fonction des maires et des adjoints selon la taille de la commune. La loi du 27 février 200211, relative à la démocratie de proximité consolide les droits existants à l’instar de la formation, portant à dix-huit jours (contre six initialement) la durée du congé de formation. Par ailleurs, cette loi institue le congé électif qui donne droit à dix jours d’absence pour participer à la campagne électorale et crée l’allocation différentielle de fin de mandat versée pendant un an à certains exécutifs locaux.
À partir des années 2010, le renforcement des droits des élus locaux s’accompagne de l’apparition de nouveaux devoirs.
À partir des années 2010, le renforcement des droits des élus locaux s’accompagne de l’apparition de nouveaux devoirs. Les lois d’octobre 201312 relatives à la transparence de la vie publique ne visent pas seulement les élus nationaux puisqu’elle soumet également les élus locaux à l’obligation de transmettre à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) une déclaration de situation de patrimoine et une déclaration d’intérêts. Surtout, la loi du 31 mars 201513 visant à faciliter l’exercice des mandats locaux institue la charte de l’élu local au terme de laquelle l’élu local exerce ses fonctions avec « impartialité, diligence, dignité, probité et intégrité » 14. Cette loi constitue une étape importante en définissant, pour la première fois, l’élu local. Selon l’article 2 de la loi du 31 mars 2015, « les élus locaux sont les membres des conseils élus au suffrage universel pour administrer librement les collectivités territoriales dans les conditions prévues par la loi. Ils exercent leur mandat dans le respect des principes déontologiques consacrés par la présente charte de l’élu local […] ». Par ailleurs, la loi du 31 mars 2015 favorise la formation des élus en créant le droit individuel à la formation (DIFE) des élus15 et en obligeant les communes de 3 500 habitants et plus, les départements et les régions à organiser une formation au cours de la première année de mandat pour les élus ayant reçu une délégation. C’est également cette loi qui fixe l’indemnité de fonction des maires à son taux maximal dans les communes de moins de 1 000 habitants, sans possibilité de délibération du conseil municipal16.
Adoptée dans un contexte de forte mobilisation des élus locaux faisant suite au Grand débat national, la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique17 comporte un titre V intitulé « Reconnaître et renforcer les droits des élus ». Outre la revalorisation des indemnités de fonction des trois premières strates d’habitants (+ 50 % pour les communes de moins de 500 habitants, + 30 % pour les communes de 500 à 999 habitants, + 20 % pour les communes de 1 000 à 3 499 habitants), ce titre contient des dispositions éparses, telles que le renforcement du droit à la formation ou encore l’affermissement de la protection des élus (qui fait suite au drame lié au décès du maire de Signes). La loi Engagement et proximité accroît l’effectivité de la protection dite « fonctionnelle », applicable aux trois strates de collectivités depuis 2002. Désormais, les communes sont tenues de souscrire un contrat d’assurance permettant de couvrir le conseil juridique, l’assistance psychologique et les coûts correspondant à la mise en œuvre de cette protection. Dans les communes de moins de 3 500 habitants, les frais liés à ces contrats d’assurance sont pris en charge par l’État au travers d’un accroissement de la « dotation particulière » prévue à l’article L. 2335-1 du CGCT (dotation particulière « élu local » [DPEL])18.
Au tournant des années 2020, et en réaction à la recrudescence de faits de grande violence envers des maires et leurs familles, les parlementaires ont adopté la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux.
Au tournant des années 2020, et en réaction à la recrudescence de faits de grande violence envers des maires et leurs familles, les parlementaires ont adopté la loi du 21 mars 202419 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux. Elle entend renforcer l’arsenal répressif existant en faisant notamment de la qualité d’élu une circonstance aggravante du délit de harcèlement moral (ou de cyberharcèlement) et de l’infraction de mise en danger de la vie d’autrui lorsqu’il vise un candidat pendant une campagne électorale. Cette loi aligne également les peines encourues pour violences contre des élus locaux ou nationaux ou leurs proches sur celles qui visent les violences volontaires sur agents des forces de sécurité.
Si de nombreux droits et obligations ont été adoptés et renforcés depuis 1992, reste que la question de l’indemnité des élus demeure une question délicate.
Principe de gratuité et indemnité des fonctions : quelles sont les principales pistes de réflexion ?
Aujourd’hui inscrit à l’article L. 2123-17 du CGCT – « les fonctions de maire, d’adjoint et de conseiller municipal sont gratuites » –, le principe de gratuité des mandats locaux a connu une première atténuation par la loi municipale du 5 avril 188420 en autorisant à la fois le remboursement de frais (sous certaines conditions), ainsi que la mise en place par les communes d’indemnités de représentation pour leur maire. À partir des ordonnances du 26 juillet 194421 et du 21 février 194522 relatives aux indemnités de fonctions des maires et adjoints, les communes ont la possibilité de voter des indemnités de fonctions à leurs maires et adjoints. Aujourd’hui, les maires et leurs adjoints sont donc rémunérés sous la forme « d’indemnités » de fonctions votées par le conseil municipal et financées sur le budget de la collectivité. Leur montant est fixé en pourcentage du montant correspondant à l’indice brut terminal de l’échelle indiciaire de la fonction publique. Le CGCT détermine le plafond d’indemnisation des élus locaux, qui varie selon l’importance du mandat exercé et de la population de la collectivité. Or, pour les auteurs Rémi Lefebvre et Didier Demazière du Livre blanc pour l’Observatoire de l’éthique publique, Débattre d’une juste indemnisation des élus (juin 2023), ce système comporte des incohérences résultant de la stratification hiérarchique et démographique des plafonds indemnitaires. Se pose alors la question de savoir quelles sont les principales améliorations recommandées pour que ces indemnités répondent à la fois à la conception française du mandat local d’un engagement citoyen bénévole tout en correspondant aux nouvelles charges et responsabilités des maires. Le rapport d’information de l’Assemblée nationale poursuit en soulignant que les maires paraissent « sous-indemnisés » par rapport aux conseillers départementaux ou régionaux non membres de l’exécutif qui n’ont pas de fonctions ni de responsabilités, si « les politiques publiques menées et les responsabilités endossées sont sans doute plus larges dans les grandes collectivités, ce sont elles aussi qui bénéficient des plus grandes ressources administratives qui peuvent alléger les tâches des élus là où elles font défaut dans les plus petites » 23. Ce constat est largement partagé par les maires des petites communes. Selon les résultats d’une enquête réalisée en 2024 par l’Association des maires ruraux de Loire-Atlantique (AMR 44) 24 auprès de leurs adhérents, 58 % des 163 élus ayant répondu estiment que leur indemnité est « insuffisante ».
Selon les résultats d’une enquête réalisée en 2024 par l’Association des maires ruraux de Loire-Atlantique (AMR 44) auprès de leurs adhérents, 58 % des 163 élus ayant répondu estiment que leur indemnité est « insuffisante ».
Se pose alors la question de savoir quelles sont les principales améliorations recommandées pour que ces indemnités répondent à la fois à la conception française du mandat local d’un engagement citoyen bénévole tout en correspondant aux nouvelles charges et responsabilités des maires.
Se pose alors la question de savoir quelles sont les principales améliorations recommandées pour que ces indemnités répondent à la fois à la conception française du mandat local d’un engagement citoyen bénévole tout en correspondant aux nouvelles charges et responsabilités des maires.
Dans un rapport d’information déposé le 16 novembre 2023, au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat, relatif au statut de l’élu, trois propositions ont été formulées :
- au 1er janvier 2024, indexer chaque année sur l’inflation les montants d’indemnités des élus ;
- avant le renouvellement municipal de 2026, proposer, en concertation avec les associations d’élus locaux, une revalorisation des indemnités pour toutes les strates démographiques ;
- à plus long terme, réfléchir, pour certaines catégories d’élus, à la création d’un nouveau statut rémunéré.
À l’Assemblée nationale, les rapporteurs recommandent de modifier la loi de façon à ce que les indemnités de fonction des exécutifs locaux soient fixées au plafond maximum prévu par les barèmes légaux, sauf si l’organe délibérant en décide différemment, à la demande du maire ou de son président.
Quant aux associations d’élus, l’Association des maires ruraux de France (AMRF) propose, par exemple, de garantir aux maires une indemnité de fonction suffisante en suggérant sept pistes d’amélioration :
- reconnaître que le maire a deux fonctions, dont l’une est d’être représentant de l’État dans sa commune, par le versement d’une somme forfaitaire au maire chaque mois, financée par l’État (la même somme pour tous les maires) ;
- lorsque la population de la commune augmente en cours de mandat, permettre, à la demande du maire, le changement de strate de référence pour la détermination du taux maximal des indemnités de fonction de maire ;
- revoir le principe de l’« enveloppe indemnitaire globale » : isoler une enveloppe à part pour l’indemnité du maire (pour éviter d’ajuster l’indemnité du maire en fonction de l’indemnisation des adjoints et conseillers municipaux délégués) ;
- exclure les indemnités de fonction des revenus pris en compte pour attribuer des prestations sociales (pension d’invalidité, bourse étudiante, etc.) ;
- un marqueur fort serait d’entamer la négociation sur un plancher d’indemnités pour le maire et les adjoints (quel que soit le nombre d’habitants), avec un financement supplémentaire de l’État ;
- reconnaître que le nombre d’habitants ne définit pas nécessairement la charge pesant sur les élus : prendre en compte d’autres critères pour déterminer l’indemnité (espace, compétences non déléguées, nombre d’agents communaux, etc.) ;
- simplifier les modalités du remboursement de frais : remplacer l’obligation de délibérer pour chaque remboursement par un mandat fixant les limites de remboursement (avec obligation d’informer le conseil municipal des dépenses + justificatifs).
Vers un nouveau renforcement des droits ?
Si les rapports et missions d’information relatives au statut de l’élu local sont déjà nombreux, ils se sont multipliés récemment avec l’adoption par le Sénat de trois rapports26 auxquels il faut ajouter le rapport de la mission d’information sur le statut de l’élu local de l’Assemblée nationale27. Quelles en sont les principales dispositions ? Si elles sont nombreuses, elles peuvent être classées en deux catégories : celles qui ont pour objectif de donner aux élus le temps et les compétences nécessaires à leur mandat ainsi que les mesures visant à améliorer les conditions de sortie du mandat qui représente « une condition nécessaire, si ce n’est pas suffisant, à cultiver les vocations auprès de futures générations » 28.
Les propositions visant à donner aux élus le temps et les compétences de leur mandat
Pour permettre aux maires d’avoir du temps nécessaire à leur mandat, mais également pour mieux concilier mandat électif et activité professionnelle, la mission d’information de l’Assemblée nationale recommande :
- d’établir à quatre fois le montant horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) et le plafond de la compensation apportée par les collectivités aux élus qui perdent des revenus issus de leur activité professionnelle en raison de la prise d’un congé de formation ;
- de porter le crédit d’heures accordé aux maires de 140 heures (122,5 heures pour les communes de moins de 10 000 habitants) à 175 heures par trimestre ;
- de porter à vingt-quatre jours, au lieu de dix-huit jours actuellement, la durée maximale du congé de formation des élus locaux ;
- de porter de dix jours à vingt jours (soit le plafond applicable aux élections législatives et sénatoriales) le maximum de jours d’autorisations d’absence dont bénéficie tout candidat à une élection locale.
La mission du Sénat recommande, par ailleurs, d’autoriser les maires à déroger au régime déclaratif préalable des autorisations d’absence en cas de situation de crise ou encore d’élargir le champ des autorisations d’absence aux cérémonies publiques et aux réunions décisionnelles organisées au niveau intercommunal, et autoriser, sous certaines conditions, la visioconférence pour les réunions et les commissions dans les communes et les intercommunalités.
S’agissant de la formation des élus locaux, il est notamment proposé de :
- porter à vingt-quatre jours, au lieu de dix-huit jours actuellement, la durée maximale du congé de formation des élus locaux ;
- porter à 5 % de l’enveloppe indemnitaire globale, au lieu de 2 %, le montant prévisionnel minimal alloué à la formation des élus au sein des collectivités et de compenser le surcoût pour les communes de moins de 1 000 habitants au travers de la dotation particulière « élu local » ;
- systématiser l’organisation d’une période de formation de deux jours en début de mandat qui comporterait une présentation de la fonction d’élu local (y compris, pour les maires, le détail des missions exercées pour le compte de l’État), un rappel des droits et facilités attachés au mandat ainsi qu’une sensibilisation aux principales contraintes déontologiques.
Améliorer les conditions de sortie du mandat
Les propositions visant à améliorer les conditions de sortie du mandat sont les suivantes :
- étendre le champ de l’allocation différentielle de fin de mandat aux maires des communes de moins de 1 000 habitants (Sénat) et moins de 500 habitants pour l’Assemblée nationale ;
- dans sa proposition no 53, le rapport d’information dirigée par Violette Spillebout et Sébastien Jumel29, indique que : « Dans un objectif de démocratisation de l’accès au mandat, il est nécessaire d’intégrer les crédits d’heures dans le calcul de la durée d’affiliation donnant droit à une allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) de façon à ce que tout élu local, même non membre d’un exécutif, puisse bénéficier d’une indemnité de chômage s’il quitte son mandat pour non-réélection » ;
- perfectionner le régime de retraite des élus, notamment par l’octroi d’une bonification de trimestres (un trimestre par mandat, par exemple, au Sénat). La mission de l’Assemblée nationale envisage une bonification de deux trimestres par période de six années de mandat, continues ou non, pour les chefs d’exécutifs ; d’un trimestre par période six années de mandat, continues ou non, pour les adjoints et vice-présidents ;
- enfin, pour valoriser les compétences acquises lors du mandat de maire, les deux assemblées proposent de promouvoir la reconnaissance des savoirs accumulés à travers diverses dispositions, notamment celle de prévoir dans le programme de la troisième voie d’accès à certains cadres d’emploi de la fonction publique territoriale un aménagement d’épreuves au profit des anciens élus locaux. Les épreuves d’admissibilité seraient remplacées par la réalisation d’un dossier par lequel le candidat présenterait un projet qu’il a particulièrement suivi au cours de son mandat local30 ou encore la création d’un certificat de compétences professionnelles similaire à celui mis en place pour les élus syndicaux31.
Pour valoriser les compétences acquises lors du mandat de maire, les deux assemblées proposent de promouvoir la reconnaissance des savoirs accumulés à travers diverses dispositions, notamment celle de prévoir dans le programme de la troisième voie d’accès à certains cadres d’emploi de la fonction publique territoriale un aménagement d’épreuves au profit des anciens élus locaux.
En définitive, les propositions d’amélioration des conditions d’exercice du mandat sont nombreuses, disparates et tentent de répondre au mal être ressenti par un certain nombre de maires. Reste désormais à savoir quelles seront celles qui seront inscrites dans le marbre législatif.
- L. no 92-108, 3 févr. 1992, relative aux conditions d’exercice des mandats locaux.
- L. no 2024-247, 21 mars 2024, renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux.
- Proposition de loi no 2313, 8 mars 2024, portant création d’un statut de l’élu local.
- Guichard O., Vivre ensemble, rapport, 1976, La Documentation française.
- Puis, successivement, le rapport du sénateur Roger Boileau (Indemnité et retraite des conseillers généraux, 1978) et le rapport de Lionel Tinguy du Pouet, élaboré lors du débat sur le projet de loi relatif au développement des responsabilités des collectivités locales (JO Sénat, 17 mars 1979) aborderont le problème.
- L. no 82-213, 2 mars 1982, relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions.
- Debarge M., Statut de l’élu local, rapport, 1982.
- Jumel S. et Spillebout V., Statut de l’élu local, rapp. inf. no 2019, 20 déc. 2023, Assemblée nationale.
- Mauroy P., Refonder l’action publique locale, rapport, 2000, La Documentation française.
- L. no 2000-295, 5 avr. 2000, relative à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions électives et à leurs conditions d’exercice.
- L. no 2002-276, 27 févr. 2002, relative à la démocratie de proximité.
- LO no 2013-906, 11 oct. 2013, relative à la transparence de la vie publique, et L. no 2013-907, 11 oct. 2013, relative à la transparence de la vie publique.
- LO no 2015-366, 31 mars 2015, visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat.
- CGCT, art. L. 1111-1-1. On ajoutera que la loi no 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite « loi 3DS », crée le référent déontologue de l’élu local chargé d’apporter tout conseil aux élus sur l’application de la charte.
- Granero A., « Formation et aide entre pairs, des instruments pour lutter contre les démissions des maires ? », p. 54-61.
- Ce seuil a été supprimé par la loi no 2016-1500 du 8 novembre 2016 tendant à permettre le maintien des communes associées, sous forme de communes déléguées, en cas de création d’une commune nouvelle (art. 5).
- L. no 2019-1461, 27 déc. 2019, relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite « loi Engagement et proximité ».
- Spillebout V. et Jumel S., Rapport d’information sur le statut de l’élu local, 2023, Assemblée nationale.
- L. no 2024-247, 21 mars 2024, renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux.
- L., 5 avr. 1884, relative à l’organisation municipale.
- Ord., 26 juill. 1944, relative aux assemblées communales : indemnités de fonctions aux maires et adjoints et aux présidents et membres des délégations spéciales.
- Ord. no 45-269, 21 févr. 1945, relative aux indemnités de fonctions des maires et adjoints, annulant la loi du 15 janvier 1942 fixant les conditions d’attribution des indemnités aux maires, adjoints et conseillers municipaux.
- Spillebout V. et Jumel S., Rapport d’information sur le statut de l’élu local, op. cit.
- AMR44, Le statut de l’élu rural, enquête, 2024.
- Valeur du point d’indice au 1er janvier 2024 (CGCT, art. L. 2123–23 et L. 2511-35).
- Sénat, Mission d’information relative au statut de l’élu local. Volet indemnitaire, rapport, t. 1, 2023 ; Mission d’information relative au statut de l’élu local. Faciliter l’exercice du mandat local, rapport, t. 2, 2023 ; Mission d’information relative au statut de l’élu local. Réussir l’après-mandat, rapport, t. 3, 2023.
- Spillebout V. et Jumel S., Rapport d’information sur le statut de l’élu local, op. cit.
- Sénat, Mission d’information relative au statut de l’élu local. Réussir l’après-mandat, op. cit.
- Jumel S. et Spillebout V., Statut de l’élu local, op. cit.
- Ibid., proposition no 58.
- Id., proposition no 6.