L’Electrolab de Nanterre joue sa survie

« Je me permets ce message personnel aujourd'hui parce qu'un projet, une équipe et un lieu innovant dans lequel je m'investis et qui me tient à cœur risquent de disparaître. Et je sais que vous vous intéressez aux tiers lieux et à l’innovation. Avec l’Electrolab, nous avons besoin de soutien. Si vous connaissez des personnes qui seraient sensibles à ce projet et qui pourraient nous aider d'une manière ou d'une autre, n'hésitez pas à faire passer ce message » : Anne-Gaël Chiche, chargée de l’innovation publique à la mairie de Nanterre, est inquiète pour l’avenir de ce lieu ouvert et innovant, soutenue par la municipalité. L'année 2024 sera décisive pour l'avenir de ce tiers-lieu pas comme les autres.

1500 m2 pour comprendre, détourner, réparer des objets

« Le terme Hacker peut faire penser à des pirates de l'informatique, mais on n'est pas des voleurs de cartes bancaires. C'est un lieu pour les passionnés qui aiment se retrouver pour partager des connaissances techniques et technologiques. Le Hackerspace est fréquenté par des passionnés - amateurs et professionnels- et bidouilleurs d'électronique, de mécanique et de numérique, mais aussi par des ingénieurs, des artistes, des étudiants, des codeurs et des habitants du quartier», nous explique Vincent Patrelle, le président de l'association, lorsqu'il nous fait visiter les différents espaces de ce labyrinthe low-tech.

Grâce à l'énergie, la sueur et la passion des membres de l'association, ce lieu est devenu en quelques années le temple de la débrouille et de l'invention à portée de tous, avec des espaces dédiés pour chaque usage. Il y a d'abord l'espace projet, lieu d'entraide, d'échanges et d'auto-apprentissage, propre à la philosophie des makers, autour duquel viennent s’agencer la salle d’impression 3D, les paillasses de la zone électronique pour réaliser ses circuits, le coin PCB (Printed Circuit Board) pour fabriquer ses propres cartes imprimées, l’espace couture et impression ou encore la salle des serveurs (datacenter).

Le local de l’Electrolab est organisé en zones thématiques : électronique, mécanique, arts graphiques, impression 3D, salle serveur, … L’organisation de l’espace a été pensée pour favoriser les échanges. L’accès à toutes les zones spécialisées nécessite de passer par la zone projet centrale. Cela permet d’éviter l’isolation, et de permettre aux membres de voir ce que font les autres membres, ce qui tend à créer des échanges. Plus on s’éloigne de la zone projet, plus on entre dans une zone spécialisée.

Lorsque nous visitons le hackerspace en compagnie de son président, en ce début d'année 2024, des robots autonomes "faits maison" attendent d'entrer en confrontation sur une grande table au centre de l'espace projets tandis que des makeuses, dans l'espace couture et impression, sont entrain de fabriquer des trophées imprimées en 3D qui seront remis aux donateurs qui soutiennent l'association.

La table de robotique sur laquelle des robots autonomes bidouillés attendent de s'affronter. Les membres du Hackerspace participent à la Coupe de France de robotique.

Autre espace apprécié des habitués, c'est l'espace de mécanique dit heavy. Il possède de nombreuses machines d'usine récupérées par les membres de l'association qui se sont fait une spécialité de leur redonner une seconde vie. On y trouve notamment en accès libre mais toujours sécurisé une scie à ruban, une fraiseuse 3D, une découpeuse laser et des machines à tours de toutes les tailles. Enfin, le dernier espace est celui des soudeurs et des fondeurs, séparés par un gros rideau noir. 

Un lieu d'apprentissage, d'expérimentation et d'innovation unique

Fidèle à son projet associatif de partage non marchand des connaissances scientifiques, techniques et industrielles, le Hackerspace joue un rôle aujourd'hui reconnu en matière d'expérimentation et d'innovation. Durant le crise sanitaire du Covid19, il s'est fait remarquer sur son territoire par l'invention d'un modèle "open source" de pousse seringue validé par les scientifiques et la fabrication et diffusion de plus de 7000 visières aux personnels de santé. Autres prouesses technologiques et techniques que l'on doit à ce lieu hybride et ouvert, c'est l'invention d'une carte électronique, la carte Spino, pour observer les données du changement climatique aujourd'hui intégrée dans un satellite du Centre national d'études spatiales (CNES), en partenariat avec un labo de recherche. Deuxième prouesse : l'invention d'un rotor et d’une antenne Eggbeater spécialement conçue pour capter les signaux des satellites et de la station spatiale ISS sur une fréquence de 145 mhz...

Fondé en 2010, l’Electrolab est situé dans la zone d’activités à deux pas de la cité Zilina, à Nanterre.

C'est aussi un lieu d'apprentissage avec le développement d’ateliers numériques pour les habitants de Nanterre, familles, chercheurs.euses d’emploi, l’organisation de plein de conférences diffusées sur Twitch, d’ateliers d’électronique pour les jeunes générations et des partenariats avec le monde académique pour accueillir les étudiants pour la réalisation de leurs projets innovants de fin d’études. Durant notre présence, des professeurs de l’ESILV, l’école d’ingénieurs du Pôle Léonard de Vinci située au cœur de Paris-La Défense et à Nantes, visitaient les locaux en prévision d'en faire bénéficier leurs étudiant.e.s... 

L’Electrolab est en danger imminent de fermeture. 5 emplois directs et 5 emplois indirects sont menacés. Au-delà des emplois, c'est un lieu unique qui pourrait disparaître. « Nous avons lancé une campagne de donations, avec l'objectif de recueillir 100 000 euros et nous lançons un appel aux entreprises (PME, TPE, ETI et grands groupes) pour venir imaginer avec nous des soutiens et des partenariats possibles dès cette année», confie Vincent Patrelle, le président de l'association. Espérons que son appel soit entendu...