The Village, quand l'innovation prend racine dans les territoires ruraux

Saint-Bertrand-de-Comminges
©Le village de Saint-Bertrand-de-Comminges, un joyau médiéval surnommé «Le Mont Saint-Michel des Pyrénées», qui accueille la troisième édition de The Village.
Le 27 août 2019

Pour la troisième année, la cité antique et médiévale de Saint-Bertrand-de-Comminges, surnommée le "Mont Saint-Michel des Pyrénées" en Haute-Garonne, accueille "The Village", le rendez-vous de tous ceux qui souhaitent agir pour un monde plus inclusif et plus durable. "L'innovation ne doit pas être réservée qu'aux métropoles mais elle doit aussi bénéficier aux territoires plus isolés, comme le milieu rural. Notre objectif avec cet évènement est d'accompagner l'émergence de projets innovants concrets dans ces territoires et de retisser le lien entre le monde rural et le monde urbain", explique Nicolas Hazard, fondateur et président d'INCO qui organise cette manifestation, avec la région Occitanie/Pyrénées-Méditerranée et La Tribune.

 

Près de 200 participants (décideurs publics/privés, entrepreneurs, startuppers, artistes, enseignants, chercheurs...) ont exploré quatre thématiques au cœur des enjeux de territoires : "Mobilité en milieu rural", "Mieux produire, mieux se nourrir, mieux vivre", "Produire local pour redynamiser les économies locales" et "Transition écologique". À l’occasion de cette troisième édition, parrainée par Stéphane Bern, a été officiellement lancée "la Résidence Saint-Bertrand-de-Comminges", un incubateur de porteurs de projet dédié à l'accompagnement de startups au service de la ruralité. Les participants ont également adressé 20 propositions formulées dans le cadre de Workshops à destination des maires de France. Entretien avec Nicolas Hazard et gros plan sur la première promotion d'entrepreneurs qui s'activent depuis début juillet pour prototyper des solutions à déployer localement.

 

Serial entrepreneur français et défenseur d'une autre économie plus inclusive et plus durable, Nicolas Hazard a fondé il y a 8 ans INCO qui se présente comme un "accélérateur mondial de la nouvelle économie dont la mission est de soutenir les startups qui changent le monde, à tous leurs stades de développement". À la fois fonds d'investissement qui investit plus de 200 millions d'euros dans les start-ups et les entreprises à fort impact social et environnemental et association qui propose des programmes de formation et d'incubation à travers le monde, son entreprise compte aujourd'hui 200 personnes, présentes dans 35 pays et soutient plus de 500 entrepreneurs engagés dans la transition sociale et environnementale. Il a publié en début d'année un ouvrage au titre choc "Appel à la guérilla mondiale" (Débats publics, mars 2019), préfacé par le professeur et inventeur du microcrédit Muhammad Yunus, Prix Nobel de la paix, qui préconise de changer radicalement d'approche économique en mettant l'impact social et environnemental au centre de notre modèle économique.

Nicolas Hazard

Quels sont les objectifs de "The Village" qui se tient les 30 et 31 août à Saint-Bertrand-de-Comminges ?

L’idée est de créer un événement unique dans les territoires : faire venir dans un village des Pyrénées des décideurs publics/privés, des startuppers, des entrepreneurs, des intellectuels, des chercheurs, des artistes et des habitants locaux afin de réfléchir et de proposer des solutions pour répondre aux défis de notre époque sur l'alimentation, la transition énergétique, l'agriculture, la production locale...

Nous devons imaginer le monde de demain avec des solutions concrètes qui viennent directement des habitants et des entrepreneurs implantés dans les territoires. The Village se veut aussi une passerelle pour réconcilier le milieu rural et celui des métropoles.

La crise des gilets jaunes l'a bien montré : nous avons besoin aujourd'hui de faire le lien entre le monde rural et le monde urbain. Stéphane Bern a accepté cette année de parrainer l'évènément, et nous attendons la visite de Sébastien Lecornu, ministre en charge des collectivités territoriales, et Carole Delga, l'actuelle présidente de la région Occitanie/Pyrénées-Méditerranée. Nous allons profiter de ce rendez-vous pour lancer officiellement l'incubateur "La Résidence Saint-Bertrand-de-Commingues", présenter les premières startups hébergées (voir encadré) et, à l'issue des deux jours, formuler 20 propositions à destination des maires de France.

En quoi le lancement de ce nouvel incubateur, baptisé "La Résidence Saint-Bertrand-de-Commingues", est-il précurseur ?

Ce lieu d'incubation est inédit car pour la première fois il est implanté directement dans les territoires ruraux pour favoriser l'émergence de solutions nouvelles sur les enjeux qui touchent directement la ruralité : la mobilité, l'emploi, l'accès aux services fondamentaux, la transition écologique ou encore l'agriculture et les questions d'alimentation. Notre objectif est d'en faire un lieu de référence dans le village de Saint-Bertrand-de-Commingues qui va réunir des start-uppers, des innovateurs, des entrepreneurs. L'objectif est d'inventer et de tester des nouvelles choses, d'être un terrain d’expérimentation. Nous avons besoin de territoire d’expérience pour avancer et inventer grâce notamment au numérique.

Quelle est votre vision de l'innovation ?

Ce que je déplore, c’est que l’innovation s’adresse beaucoup aux métropoles et que les startups et les entreprises innovantes sont réservés aux métropoles. Il y a tout un pan de la société française qui est encore exclue de l’innovation.

Or, nous avons besoin d’innovation de produits et de services qui répondent à la fois aux urgences sociales et environnementales et aux besoins de la population. Le numérique qui est l'une des solutions possibles mais pas la seule peut clairement nous y aider. Nous avons l’impression que le numérique est aujourd'hui uniquement au service des problématiques des métropoles. Il y a des besoins partout, notre démarche est inclusive pour fédérer le maximum d'acteurs au service de l'innovation rurale.

Il y a un vrai besoin de tirer l'innovation dans le milieu rural et de la faire changer d’échelle.

L’innovation est-elle plus efficace quand elle part du terrain et des besoins des gens ?

L'innovation, qu'elle vienne du terrain ou d'ailleurs, ne peut grandir que si elle se fait dans de bonnes conditions. Il faut que celles et ceux qui veulent innover aient les moyens de le faire. Les porteurs de projets sont aussi avant tout des personnes avec des bonnes idées. Ils ont souvent besoin d'un accompagnement pour réussir, et avec l'expérience, je constate que les projets qui grandissent sont souvent soutenus par l'alliance du privé et du public.

Quelles sont les missions de votre groupe INCO ?

INCO a vocation à investir de l'argent et à accompagner tous les porteurs de projets (startuppers, entrepreneurs...) qui apportent des solutions à fort impact social et environnemental sur l'économie circulaire, l'agroécologie, la mobilité, les circuits courts, la transition écologique... Face à l'urgence écologique et sociale, nous soutenons le développement d'une autre approche de l'économie plus inclusive et plus durable. Nous faisons partie de la famille des accélérateurs des startups green et sociales.

Toute une nouvelle génération a envie de créer des choses nouvelles dans le domaine du développement durable, nous sommes là pour les accompagner et les faire grandir. Aujourd'hui, nous sommes présents dans plus de 35 pays, nous comptons 200 collaborateurs et soutenons plus de 500 entrepreneurs à travers le monde.

Nous venons par exemple de lancer récemment un incubateur d'innovation sur l'économie circulaire à Sydney et venons d'en inaugurer un autre dans le domaine de l'industrie créative à Tunis.

Une première promotion de 7 entrepreneur(e)s spécialisés dans la ruralité

Première promotion de la Résidence Saint-Bertrand-de-Comminges
Première promotion de la Résidence Saint-Bertrand-de-Comminges

Circuit court, agro-écologie, solution pour les éleveurs locaux, développement de compétences et de services informatiques pour les agriculteurs, promotion du "zéro déchet"... Zoom sur les 7 premiers entrepreneur(e)s hébergés depuis début juillet 2019 dans l'incubateur La Résidence Saint-Bertrand-de-Comminges.

MONA
Mona propose des desserts uniques à base de produits issus de l’agriculture biologique et sans matières animales. Ces desserts sont vendus sous forme de bocaux, aux restaurateurs et aux particuliers, en favorisant l’utilisation de circuits courts. L’enjeu de Mona est de tester sa gamme de desserts, d’acquérir de nouveaux fournisseurs en rencontrant des agriculteurs locaux, et de valider l’intérêt des restaurateurs pour ses desserts bio en bocaux, pour ainsi préparer sa commercialisation. Ce projet est porté par Julie Forgeard originaire de Laroque (34).

JARDINOCTETS
JardindOctets est un projet à l’initiative des Jardins de Cocagnes, de la société informatique Dynapse et de l' Afidel. JardindOctets a pour ambition de proposer des services numériques afin de développer des territoires bio, locaux et solidaires partout en France. Basé sur le lien fort que représente un abonnement au panier de légumes bios, la plateforme numérique de Jardindoctets proposera aux consommateurs de gérer leur abonnement panier, de le compléter par des achats complémentaires, et ainsi consommer bio et local en s'appuyant sur la logistique du Jardin de Cocagne local. Ce projet est porté par Rémy Martin de Saint Gaudens (31).

LE DRIVE TOUT NU
Le Drive tout nu, c’est le premier drive zéro déchet et 100 responsable. Le Drive tout nu propose tout ce qui peut l’être, en version zéro déchet, dans des emballages réutilisables, consignés pour réduire les déchets à toutes les étapes de la chaîne, du producteur au consommateur. En valorisant les producteurs de nos régions, le Drive Tout Nu limite l’impact de nos transports sur l’environnement au moins 60 des produits proviennent de moins de 100 km. Salomé Géraud & Pierre Géraud-Liria originaires de Toulouse sont les deux porteurs de projet.

GIEE AGRIVALEUR
LeGIEE Agrivaleur a développé une méthode de production d’agneaux agro écologiques nourris 100% à l’herbe, en transhumance en montagne l’été et en pâturage l’hiver,
favorisant un cycle vertueux entre éleveurs et zones agricoles. Les viandes d’ Agrivaleur possèdent ainsi des qualités nutritives exceptionnelles, riches en oméga 3. En rassemblant des dizaines d’éleveurs dans cette filière en construction, et en institutionnalisant leur méthode d’élevage, Agrivaleur vise ainsi à faire labelliser les agneaux de la filière en Bleu Blanc Coeur pour valoriser économiquement ce savoir faire local.

LA COTERIE FRANÇAISE
«Mieux manger, c’est mieux vivre » ! La Coterie Française est une application mobile permettant à chacun (particulier et professionnel) de consommer une viande saine, de saison, de qualité, et durable. Ensemble, grâce à nos services de Drive et Livraison nous pouvons facilement aider nos Éleveurs et Bouchers à mieux vivre de leur héritage, et faire un geste pour notre planète. La Coterie Française permet à chacun de s’engager à son niveau tout en se faisant plaisir. C'est le toulousain Babakar Wade qui en est le fondateur.

LES PRODUITS D’ICI
Les Produits d’ICI, porté par Frédéric Artigue originaire de Marignac (31), propose un projet de création de salle de découpe mutualisée pour permettre aux éleveurs locaux de traiter et vendre leurs viandes localement, et notamment intégrer les circuits de consommation du tourisme local. En effet, la majorité des viandes produites localement sont découpées en abattoirs et distribuées en dehors du territoire. Avec les Produits d’ICI, une trentaine d’éleveurs locaux peuvent ainsi valoriser leurs viande localement et les vendre pour ainsi développer leur activité économique.

FERMES & CITÉS
À l'initiative de la toulousaine Stéphanie Massarin, Fermes & Cités propose d’accompagner les agriculteurs à développer une ou plusieurs activités en complément de revenu, notamment avec l'appui de mécénat de compétence en connectant des collaborateurs de grands groupes avec des agriculteurs. Le projet vise ainsi à redynamiser les territoires ruraux en favorisant le développement de nouvelles activités économiques, tout en renforçant les liens avec les territoires urbains. L’enjeu de Fermes Cités est donc de prouver le fonctionnement du modèle, notamment avec des agriculteurs du pays du Comminges.

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