Emploi, reconversion : la stratégie payante des militaires

Défense Mobilité
©Défense Mobilité
Le 25 février 2019

Avec Défense Mobilité, le ministère des Armées s’est doté d’un efficace système de reconversion de ses personnels (militaires et civils), ainsi que de leur conjoints. Il s’appuie sur des moyens appropriés, une mécanique bien huilée et une motivation à tous les niveaux. Une bonne source d’inspiration pour la future agence de reconversion des fonctionnaires qui doit voir le jour en 2019 ?

« L’outil fonctionne plutôt bien », commente sobrement le général Roche, directeur de Défense Mobilité, l’agence en charge de la reconversion des personnels du ministère des Armées, militaires (soldats, marins, aviateurs…) et civils, ainsi que de celle de leurs conjoints. De fait, les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Ce service à compétence nationale, « unique au niveau de l’État », accompagne en effet quelque 20 000 personnes par an, dont 18 000 sont des militaires ou d’anciens anciens militaires auxquels s’ajoutent quelques centaines de civils et les conjoints.

Sur ces 20 000, souligne en substance le général, les deux tiers sont reclassés grâce à Défense Mobilité, soit environ 10 000 personnes dans le privé (dont 2 000 conjoints), 2 000 autres dans les fonctions publiques ; en outre, ils sont à peu près 500 à se lancer dans la création d’une entreprise. Sur ces 12 000 reclassements, les deux tiers se font sous forme de CDI ou équivalents. Bref, des résultats assez impressionnants.

Une tradition historique

Plusieurs raisons expliquent l’existence (et les succès) de cette administration, laquelle existe dans sa forme actuelle depuis dix ans, analyse le générale Roche. D’abord, elle s’inscrit dans la tradition historique des armées françaises, perpétuée de très longue date et sous tous les régimes politiques (rois, empereurs, républiques) : « les chefs militaires ont toujours prêté la plus grande attention au devenir de leurs soldats, même après leur départ ». La construction de l’hôtel des Invalides par Louis XIV en est une des nombreuses illustrations, tout comme le seront plus tard les systèmes de solidarité avec les familles et les orphelins ou les dispositifs de reconversion, à l’issue, notamment, des conflits mondiaux.

Des besoins structurels

Aujourd’hui, la dynamique de Défense Mobilité vient aussi de ce que le service répond à un « besoin impératif de jeunesse propre à l’armée », synonyme de performance et de vitalité, qui nécessite un renouvellement continuel des effectifs. Donc des engagements à durée déterminée et un retour à la vie civile presque programmé. Rappelons que les armées comptent dans leurs rangs, hors gendarmerie, 200 000 militaires, dont 140 000 sont contractuels, c’est-à-dire 100 % des soldats, 50 % des sous-officiers et 25 % des officiers. Quant aux civils, ils sont 62 000, dont 15 % de statut contractuel. Enfin, l’armée étant son propre assureur en matière de chômage, les reconversions réussies de ses ex- agents signifient une diminution des budgets affectés aux indemnisations. En 2018, ce coût devrait être de 140 millions, en baisse par rapport à 2017 de 11 M€.

La proximité, clé de réussite

La véritable clé de réussite de Défense Mobilité, cependant, tient à son organisation, entièrement basée sur le principe d’une « proximité » maximale du service avec les demandeurs, explique son directeur. Elle s’appuie, en effet, sur six pôles régionaux et quatre-vingt-dix antennes, en métropole et en Outre-Mer, un pôle Légion étrangère, un centre militaire de formation professionnelle, une section pour la création d’entreprise...

Un total de 500 personnes « au contact des candidats » dont, parmi elles, quelque 300 conseillers en transition professionnelle accompagnent les candidats dans leur projet. Par ailleurs, 50 chargés de prospection présentent aux recruteurs intéressés ces profils présentant des « compétences », mais aussi « un savoir être, des valeurs et de la résilience ». Bien sûr, insiste le général Roche, ce système « complet, de bout en bout (accompagnement, formation, placement…) » fonctionne aussi grâce à une motivation de tous les instants, et à tous les niveaux. Celle des accompagnants tout comme celle des candidats à qui il est conseillé de s’adresser à Défense Mobilité, si possible entre 18 et 24 mois avant le départ. Une bonne anticipation, c’est aussi une clé de réussite personnelle.

Un système duplicable pour la reconversion des fonctionnaires ?

Général Roche
©Le général Roche, directeur de Défense Mobilité.

Plusieurs pays, la Côte d’Ivoire et le Sénégal notamment, sont d’ores et déjà très intéressés par cette initiative. En France, certains responsables et observateurs voient en Défense Mobilité une bonne source d’inspiration pour la future agence de reconversion des fonctionnaires qui doit voir le jour en 2019. Mais peut-être pas jusqu’à imaginer une externalisation de sa mission auprès de sa grande sœur militaire, ce qui de toute façon ne serait pas possible actuellement compte tenu des effectifs de l’Agence et des profils recherchés par les recruteurs, indique le général Roche. Les enseignements à tirer de l’opération « Défense Mobilité » se situent, en fait, plutôt du côté de la volonté politique (intense), de la mobilisation de la hiérarchie (permanente) et des moyens alloués. Le tout sans oublier, un modèle de fonctionnement, proche de celui d’une entreprise (une « offre », des « commerciaux », des objectifs, un budget…).

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