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La complexité, le défi numéro 1 des futurs managers

Le 21 octobre 2022

Dialogue, co-construction, proximité avec le terrain, à quoi ressemblera le manager public du futur ? Joris Benelle, directeur général des services (DGS) de la communauté des communes Le Grésivaudan, délégué régional Auvergne-Rhône-Alpes (AURA) de l’association des directeurs généraux de France (ADGCF) et Mylène Jacquot, secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT)-Fonctions publiques ont échangé sur les défis qui l’attendent, les pratiques, les valeurs de ce manager.

Mylène Jacquot

Conservatrice générale des bibliothèques, Mylène Jacquot a un parcours syndical et professionnel varié : son parcours a été fait de postes à responsabilités variées, à la bibliothèque universitaire de Nancy (en section droit), puis à l’université de Metz (cheffe de section droit et responsable du projet informatique du service commun de la documentation), et à l’Institut national polytechnique de Lorraine (responsable des bibliothèques de géologie puis de l’École nationale supérieure des industries chimiques [Ensic]).

Ses activités professionnelles ont aussi été celles d’un engagement syndical : Mylène Jacquot a exercé des responsabilités à différents niveaux en lien avec les métiers et le secteur professionnel des bibliothèques jusqu’en 2004. À partir de 2004 et jusqu’en 2008, Mylène Jacquot a été secrétaire nationale à la fédération du syndicat général de l’Éducation nationale (SGEN-CFDT). En 2008, elle rejoint la CFDT-Fonctions publiques, union de dix fédérations de la CFDT comptant des agents publics. Depuis 2016, elle en est la secrétaire générale. Au titre de ses diverses responsabilités, elle a participé à plusieurs négociations : sécurisation des parcours professionnels des contractuels en 2011, égalité professionnelle entre les femmes et les hommes en 2013, parcours professionnels carrières et rémunérations (PPCR) en 2015, égalité professionnelle en 2018, télétravail en 2021 et complémentaire santé et prévoyance depuis 2021.

La diversification de tous les profils est essentielle, y compris dans la filière RH.

Quels seront les grands enjeux auxquels sera confronté le manager public du futur ?

Mylène Jacquot – Je ne suis pas certaine que les défis à relever seront très différents des défis actuels, les contraintes existeront toujours, peut-être évolueront-elles. Dans la fonction publique, on relève aujourd’hui le défi de la contrainte budgétaire. Si elle est plus ou moins forte selon les secteurs, elle existe partout. À cela s’ajoute le défi d’une numérisation croissante qui ne devra exclure personne, ni les usagers ni les agents. Nous devrons aussi relever des défis territoriaux et environnementaux : proposer une accessibilité des services satisfaisante, sur l’ensemble du territoire et gérer l’impact sur l’environnement de cette accessibilité dans l’organisation du travail et la localisation des services. Côté CFDT nous nous prononçons pour un management plus participatif ou, du moins, davantage dans la co-construction et l’écoute qu’il ne l’est aujourd’hui. Il existe de vraies marges de progression sur ces sujets-là dans différentes organisations.

Joris Benelle – Cela fait vingt ans que j’exerce ce métier, j’ai connu les trois fonctions publiques, je rejoins le propos concernant la contrainte budgétaire en y apportant une nuance. Ma génération n’a connu que cela, c’est une contrainte que je qualifierais d’intégrée. Autrement dit, on s’est déjà adapté. À mon sens, le premier défi c’est celui de la complexité. Dans les champs économiques, politiques, environnementaux, démocratiques tout se complexifie, il faut faire avec, « dompter » cette complexité dans le management des équipes. Ensuite vient le défi de la fidélisation. Comme on a une pénurie d’agents dans les postes pénibles, il faut arriver à fidéliser au-delà de la rémunération. Cela passe par un cadre de travail et des pratiques managériales.

Enfin, je mentionnerais un défi qui concerne le changement de la relation au travail que peuvent avoir les nouveaux entrants auxquels s’ajoute l’effet post-covid-19. Les managers doivent comprendre les nouvelles attentes et s’y adapter. Nous devons être capables de prendre des risques en ne cherchant pas la compétence idoine sur chaque poste, en étant capables de faire progresser les agents, de trouver des profils ayant envie de faire le métier qu’on leur propose, même s’ils ne sont pas adaptés d’emblée.

Joris Benelle

Joris Benelle a un parcours linéaire et progressif, mais assez atypique dans la fonction publique. En vingt ans, il a travaillé dans les trois fonctions publiques : territoriale, hospitalière et État. Après une formation en finances et en gestion à l’ESA, à Grenoble, une rencontre lui permet d’accéder au poste de chargé de mission auprès du DGS du département de l’Isère : « Ce poste m’a beaucoup appris, parce que j’ai tout de suite touché à des dossiers très stratégiques et transversaux. Puis j’ai été responsable administratif du pôle médical urgences – service d’aide médicale urgente (SAMU) – structures mobiles d’urgence et de réanimation (SMUR) au centre hospitalier universitaire (CHU) Grenoble Alpes, avant de devenir directeur général adjoint aux ressources au sein de la métropole Grenoble Alpes. Je me suis occupé de dossiers passionnants comme l’intégration du balcon sud de la Chartreuse et du Pays vizillois, la préparation à la métropolisation et la délégation de service public du stade des Alpes. En 2014, je suis devenu DGS de l’université Joseph-Fourier, avec la perspective de la fusion des trois universités et la création de l’université Grenoble Alpes (UGA) effective en 2016. En 2021, j’ai eu envie de revenir dans les politiques publiques locales en qualité de DGS. La communauté de communes du Grésivaudan est la plus grande de France avec 105 000 habitants et un territoire incroyable tant sur la diversité des politiques menées que sur la richesse du territoire entre plaine et montagnes. »

À mon sens, le premier défi c’est celui de la complexité.

À quoi ressemblera ce manager du futur ?

Mylène Jacquot – Nous partageons cette idée de fidélisation que nous relions à la question de l’attractivité. Ce n’est pas seulement une question de rémunération, la valeur du point ne résoudra pas, à elle seule, les problèmes d’attractivité et de fidélisation. Le premier travail du manager consiste à donner envie de venir et de rester, à donner à voir autre chose que le discours auquel on est attachés, à savoir les garanties autour du statut et de l’emploi. De plus en plus les jeunes contractuels, y compris parmi nos adhérents, ne veulent pas devenir titulaires, car ils ont l’image d’une femme ou d’un homme toute sa vie dans le même métier.

Au-delà des mobilités géographiques, il faut donc penser les mobilités professionnelles, fonctionnelles et les accompagner. Il faut être capable d’entendre qu’aujourd’hui la vie ne se résume plus au « métro boulot dodo », il ne s’agit pas uniquement de traiter la question de l’articulation entre la vie professionnelle et le travail, mais de combiner la vie professionnelle avec la vie personnelle et les différentes formes d’engagement (associatifs, syndicaux, etc.). Il faut être capable d’y répondre, en matière de management, mais aussi du point de vue syndical en portant des revendications comme le compte épargne temps universel, cette idée de modulation du temps tout au long de la vie professionnelle.

Joris Benelle – Le rapport sur l’attractivité de la fonction publique préalable à la loi sur la transformation de la fonction publique montre bien que l’attention portée à la rémunération ou à la titularisation évolue. Dans la collectivité que je pilote administrativement en tant que DGS, réunissant près de 1 000 personnels, j’essaie de mettre une valeur cardinale au-dessus de tout : l’état d’esprit. Quand il y a un bon état d’esprit, l’on est capables de tout faire, cela transcende le reste. L’ambiance, la réputation du management sont extrêmement importantes pour une collectivité.

Je pense qu’il faut revenir à la base, adopter un management de terrain, réactif. Aujourd’hui, quand je fais face à un souci dans une équipe, je sors de mon bureau, je vais sur le terrain pour discuter, comprendre ce qui se passe. Quelle que soit la taille de la structure que l’on dirige, il faut avoir un management de proximité. Sur le fond, j’aime bien parler de « management soutenant ». Il s’agit d’accompagner les agents, afin qu’ils soient dans les meilleures conditions possibles pour mener à bien leur mission tout en étant juste et équitable. Cela suppose d’avoir un service de ressources humaines (RH) structuré avec des dispositifs d’accompagnement individuels et collectifs au service de cette politique générale de management. On peut avoir des concepts et un positionnement innovants, mais il faut s’assurer d’avoir bien consolidé ses fondamentaux, au préalable.

Le terme de manager éthique vous semble-t-il adapté ?

Mylène Jacquot – Je préférerais parler de managers ayant de l’éthique. Je suis d’accord avec votre constat sur le besoin de proximité, les deux ans que l’on vient de traverser soulignent ce grand besoin de collectif tout en ayant fait émerger une vraie appétence pour le télétravail. Nous sommes favorables au télétravail, nous avons d’ailleurs été impliqués dans l’accord-cadre signé pour la fonction publique l’été dernier, mais pas à 100 %. Cela rejoint ce que vous disiez, sur le fait de ne pas chercher le profil conforme, mais des profils capables de créer avec cette force du collectif.

Une collecte de témoignages d’agents publics, faite il y a quatre ans, apportait des informations importantes sur leur travail. Elle montrait des agents engagés, capables de mettre en œuvre des solutions, chacun à leur niveau et dans leur métier, pour mieux répondre aux usagers. Ce qui ressortait de leurs témoignages c’était l’absence du soutien flagrant de leur hiérarchie. Dès qu’une personne sortait des limites de la « case » qu’on lui assignait, elle n’avait pas de soutien. On avait des agents engagés, mettant en œuvre des solutions et on était incapables de le reconnaître.

Joris Benelle – À mon sens, par définition, un manager est éthique, sinon il n’a aucune raison d’être à son poste.

Vous disiez aussi que le manager doit être capable de déceler des personnalités ne répondant pas point par point aux compétences recherchées…

Joris Benelle – Effectivement, cela renvoie à d’autres notions que le grade, la réussite à un concours ou les compétences détenues sur le papier, cela renvoie notamment au parcours professionnel. Il s’agit de mesurer la capacité à travailler avec les autres, à s’intégrer dans une équipe. Une personne ayant connu plusieurs crises ou géré des projets très divers est capable de faire tout autre chose, elle a démontré sa capacité d’adaptation. En tant que DGS, lorsque je construis un collectif de direction, je prends en compte la diversité des profils. Cela nécessite quelquefois de prendre des risques, de tester des profils « hybrides » sur des sujets précis.

Mylène Jacquot – Cela pose aussi la question du profil du manager. J’ai été recrutée à une époque où l’on n’était pas obligé d’avoir suivi des études de droit pour entrer dans la fonction publique, même pour être dans les filières administratives. Aujourd’hui une uniformisation des profils s’est instaurée. Si l’on n’a pas fait de droit, cela devient difficile de réussir un concours d’attaché ou d’administrateur. On prend moins de risques. Or, la diversification de tous les profils est essentielle, y compris dans la filière RH. Le défi consiste à professionnaliser cette filière en sortant d’une approche uniquement juridique.

Joris Benelle – Cela pose une vaste question, celle de l’adaptation du modèle de la fonction publique, du recrutement et des concours, aux réalités de la gestion des agents publics et la pratique concrète du management.

Mylène Jacquot – Le sujet du recrutement est réel, tout comme celui du parcours de formation. Comment articule-t-on un continuum sur les débuts de carrière ? Par exemple, a-t-on besoin de recruter des gens sachant parler anglais sans avoir à le pratiquer ? De les classer en fonction de leur niveau ? Ou doit-on leur proposer des stages intensifs le jour où ils en auront besoin ?

Avec les dispositifs valorisés les dernières années, notamment les primes individuelles, on passe à côté des vrais enjeux de management en assimilant l’ensemble des agents à ceux qui sont d’un côté ou de l’autre de l’échelle. La plupart des agents font bien leur boulot en étant présents, engagés. Certains font face à des difficultés, auxquelles il faut apporter des réponses autres que de les pénaliser sur leur salaire. À l’autre bout de l’échelle, il y a des agents dont les compétences sont peu ou mal utilisées. Ils ont besoin d’être accompagnés et reconnus. Il faut être capable d’accompagner d’une part la difficulté, de l’autre le développement de compétences par la formation, autrement qu’en pensant que la formation coûte cher et que celui qui va en tirer les bénéfices c’est uniquement l’agent alors que le service entier en bénéficie.

Le manager 2.0 doit être capable de s’adapter à un monde du travail qui change à la vitesse grand V.

Quelle place restera-t-il au manager innovant face à la réalité salariale ?

Mylène Jacquot – Il n’aura pas beaucoup plus de marge qu’aujourd’hui. Nous souhaitons qu’une véritable réflexion s’instaure avec les employeurs, l’État, les collectivités et les établissements publics sur la politique indemnitaire, l’élément sur lequel on a le plus de marge. Avec l’ordonnance de février 2021, quatorze thèmes sont soumis à la négociation collective. Il faut s’emparer de ces nouveaux outils dans un cadre permettant de co-construire.

Joris Benelle – La marge de manœuvre se situe dans l’humain et les relations humaines : les valeurs, le sens, la participation du personnel à la prise de décision. Le manager doit permettre aux agents de prendre des initiatives, d’être force de proposition. Toutes ces marges de manœuvre là devraient le rassurer, lui donner confiance, lui permettre de se projeter sur l’avenir.

Vous parlez de sens, de co-construction, sur quelles valeurs ce manager engagé doit-il parier ?

Joris Benelle – Il est important que chacun accède à la bonne information au bon moment et au bon endroit. La rétention ou la mauvaise circulation de l’information engendre beaucoup de dysfonctionnements. A contrario la circulation efficace d’information permet de solutionner beaucoup de problèmes dans une organisation.

Mylène Jacquot – Je dirais d’abord de la visibilité. Le discours de réforme permanente ponctué de grandes annonces donne à penser que les services sont incapables d’évoluer et de s’adapter autrement que par le biais de grandes réorganisations. Les agents ont besoin que l’on reconnaisse leur capacité à s’adapter, à évoluer, à répondre aux besoins des usagers en face d’eux, que ce soit dans un hôpital, une école, un service d’accueil, d’état civil, une mairie. Les agents ont aussi besoin de sentir qu’on leur fait confiance. Il s’agit de leur laisser des marges, d’être capable de leur dire ce que l’on attend d’eux. Pour le manager cela revient à gérer le travail et non des personnes, passer de la surveillance à la confiance. Enfin, je rejoins l’analyse de M. Benelle sur l’information, elle est essentielle, rien de pire que de sentir que l’on nous cache des choses.

Joris Benelle – Ce que vous mentionnez me renvoie à deux éléments : la cohérence du discours et le droit à l’erreur. On peut faire des réformes, réorganiser, mais il faut avoir un discours cohérent, s’y tenir et expliquer. Le deuxième concept qui mériterait d’entrer un peu plus dans la culture fonction publique c’est le droit à l’erreur. L’initiative ou la marge de manœuvre doit aller de pair avec le droit à l’erreur.

Les agents ont besoin que l’on reconnaisse leur capacité à s’adapter, à évoluer, à répondre aux besoins des usagers en face d’eux.

Joris Benelle, quelles compétences avez-vous mis en œuvre pour réussir la fusion des trois universités de Grenoble et créer l’université Grenoble Alpes (UGA) ?

Joris Benelle – Le premier facteur de réussite de ce défi énorme a été le collectif. Un collectif de 6 000 personnels (dont 2 800 administratifs et techniques) s’est retrouvé dans cette grande maison, a participé à sa création, ce qui a engendré un sentiment d’appartenance à la structure.

Parmi les autres facteurs de succès, je citerais les nombreuses assemblées générales organisées pour expliquer le projet de fusion, ce qu’il apporterait aux étudiants, aux universitaires, aux administratifs. Nous sommes revenus aux fondamentaux de la stratégie menée. C’est pour cela que l’information me tient à cœur, si elle n’est pas connue, cela crée de la défiance. On peut ne pas être d’accord, ce n’est pas grave, on cherche des compromis, des consensus. Mais il faut donner l’information. J’ai aussi mis en place un management de proximité consistant à aller voir les équipes, à discuter. Cela peut paraître une perte de temps à court terme, en réalité c’est énormément de temps gagné pour la suite. Les facteurs de réussite relèvent du relationnel et de l’humain plus que de la pure technique. Fusionner des comptes et des budgets, cela peut être compliqué, mais cela reste fusionner des comptes et des budgets. C’est technique ! En revanche, si on n’embarque pas les équipes, on reste au bord du quai et les projets n’avancent pas.

Au fond il semblerait que le manager du futur souhaitable revienne à des fondamentaux de relations humaines…

Mylène Jacquot – Il s’agit de passer d’une gestion très administrative, à grande échelle, à la gestion d’un manager ou encadrant qui soit, d’une manière ou d’une autre, en proximité, attentionné, capable de connaître suffisamment ses équipes pour identifier les compétences des uns et des autres, y compris celles qu’ils ne mobilisent pas au quotidien dans leur activité professionnelle. Il doit être capable de faire confiance, de fixer des objectifs à atteindre tout en laissant une marge d’organisation, de co-construire avec les collectifs de travail et les partenaires sociaux. Le dialogue social ne doit plus être uniquement une case à cocher.

Joris Benelle – Le manager 2.0 doit être capable de s’adapter à un monde du travail qui change à vitesse grand V. Le quotidien des DGS consiste à réduire au maximum les incertitudes pour prendre la meilleure décision. Ce manager doit être solide et prêt à vivre dans un monde imparfait. Tout à l’heure on parlait du droit, des mathématiques, ce sont des mondes « parfaits ». Le monde du management est imparfait, ce sont des hommes et des femmes qu’il faut faire vivre ensemble, coordonner. Il faut résoudre des problèmes complexes, ayant trait au droit, à la science, aux mathématiques, au social, à la psychologie.

Vous parlez peu de management innovant. Est-ce un terme que vous trouvez galvaudé ?

Joris Benelle – Si être innovant équivaut à ne pas rentrer dans une norme systématique imposée lors des recrutements, on peut dire que l’on est dans une forme de management innovant. Les DGS des collectivités aujourd’hui ne sont pas les mêmes que ceux d’il y a trente ans. Ils évoluent dans un monde en perpétuel changement. Je suis assez gêné avec ce terme d’innovation, car il ne faudrait pas laisser penser qu’il faut innover pour innover. On n’est pas bon manager parce que l’on innove. Il faut bien sûr savoir se servir des bons outils managériaux dans les bonnes situations et au moment opportun. Pour vous donner un exemple, j’ai récemment réalisé un projet d’administration. Pour vérifier qu’il n’était pas trop décalé par rapport aux attentes des agents, j’ai mis en place un groupe miroir. Ces agents n’ont pas été choisis, ils se sont manifestés par eux-mêmes, tous corps et strates hiérarchiques confondus. On les a réunis pour voir si le produit fini correspondait à leurs attentes. Ne maitrisant pas les retours, je prenais un risque. Résultat, les gens se sont exprimés naturellement alors qu’ils ne le font pas habituellement ou ne sont pas dans les bons cercles pour le faire.

Mylène Jacquot – Quand on parle de manager innovant, de soft skills, cela revient souvent à remettre de l’humain, à donner la parole aux équipes. C’est pour cela que nous réclamons des espaces de dialogue permanents, sur le travail, permettant d’entendre, de proposer, de tester, d’améliorer ou d’abandonner ce qui ne marche pas, toujours collectivement.

Joris Benelle – Je vous rejoins sur le constat : ces soft skills sont des compétences de savoir être, la capacité à travailler avec autrui, l’intelligence relationnelle, l’ouverture d’esprit. Il ne convient pas de chercher exactement le grade, la compétence, mais plutôt des compétences différentes, une personne ayant envie de s’adapter quel que soit le poste, d’apprendre, de progresser.

Les agents voient les pratiques innovantes d’un bon oeil lorsqu’elles ne relèvent pas de la manipulation, de l’instrumentalisation, que l’on innove à bon escient.

Comment les syndicats et les agents perçoivent-ils le grand mouvement de réflexion en cours sur la culture managériale et le développement des soft skills ?

Joris Benelle – Dans ma collectivité actuelle, lorsque l’on a questionné les agents (et obtenu 354 réponses, soit les 1/3 de la collectivité) la première valeur qui est remontée c’est le respect. Le respect c’est à la fois dire bonjour, transmettre l’information, expliquer à l’agent le sens de sa mission et ce qu’on attend de lui. Les agents voient les pratiques innovantes d’un bon œil lorsqu’elles ne relèvent pas de la manipulation, de l’instrumentalisation, que l’on innove à bon escient.

Mylène Jacquot – Il faut que le changement soit vu comme une amélioration, que l’on explique à quoi il va servir, ce que cela changera, être clair sur les « sous-jacents ». On a trop connu les pseudo-changements se finissant en suppression de postes. Il y a une intériorisation de ces craintes qui est forte, il s’agit de lever tous les risques de suspicions. Si l’on veut faire des économies peut-être faut-il le dire également, sortir d’une approche budgétaire, pour aller vers une approche plus qualitative tant pour les agents que pour les usagers. Parfois il faut mettre de l’argent pour que cela fonctionne mieux, parfois fonctionner mieux permet de faire des économies.

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