Les énergies libérées de la CPAM 78

Le 3 avril 2019

Depuis 2011, la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) des Yvelines a mis en place un système de management bienveillant et exigeant. Ou comment le bien-être des collaborateurs agit sur la performance.

Ne cherchez pas les places réservées à la direction dans le parking de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) des Yvelines (78), à Versailles : elles ont disparu. L’initiative peut paraître anecdotique. Elle s’inscrit pourtant dans une démarche de transformation managériale profonde engagée depuis 2011, sous l’impulsion du directeur général de la caisse, Patrick Négaret. À tous les étages de l’administration, sur ses quinze sites dans le département, on pratique un management bienveillant et exigeant. L’idée ? Accroître le bien-être des salariés pour agir sur leur performance. Pas de baby-foot dans des salles de repos ultra-cools, mais une véritable confiance accordée aux 1 300 collaborateurs. C’est l’un des cinq leviers sur lesquels s’appuie ce nouveau mode de fonctionnement, avec le sens, l’autonomie, la reconnaissance et la fierté d’appartenance. Chacun est invité à proposer ses idées, à libérer son énergie, à s’organiser sans avoir à attendre les sclérosantes validations des n+1, +2, +3, etc. « Nous sommes passés d’un mode de fonctionnement descendant à une véritable co-construction », explique Stéphane Gré, sous-directeur stratégie et développement. « Il s’agit de donner la main à ceux qui font, de laisser plus de place aux agents pour s’exprimer et libérer leur potentiel. »

Liberté d’action

Le passage de la théorie à la pratique a déjà porté ses fruits. Depuis que la plate-forme de services, celle qui répond aux appels des assurés, décide de ses propres horaires de travail, l’absentéisme a diminué. Depuis que le service réclamation s’est exonéré de l’obligation d’assurer un taux de présence de 50 %, le traitement du stock de demandes est bien plus fluide. « Nous avons un cadre donné, des impératifs sur lesquels nous sommes attendus, des contraintes nationales. Mais dans ce cadre, nous laissons à nos collaborateurs la liberté d’action », affirme Annette Lyon-Caen, responsable des ressources humaines, partie prenante de la démarche. « Chacun a la possibilité de s’en saisir. Les actions menées nous démontrent que les lignes ont bougé », se félicite-t-elle.

Décloisonnée, la CPAM des Yvelines connaît désormais un fonctionnement plus agile et réactif. Encore récemment, lorsque le niveau de plis non distribués a atteint un pic, un appel aux bonnes volontés a permis de tout désengorger en un temps record : trois jours contre quinze planifiés. « L’entraide fonctionne », soulignent Stéphane Gré et Annette Lyon-Caen. Pour autant, pas question de supprimer complètement l’encadrement, comme dans les entreprises dites « libérées ».

« Nous considérons qu’il reste nécessaire », dit Stéphane Gré. Le nombre de strates hiérarchiques a néanmoins diminué, passant de six à trois. La transformation managériale mise en place au sein de la CPAM des Yvelines a été saluée par plusieurs récompenses : Espoirs du management, trophée d’or de l’innovation participative en 2017 et prix du manager public de l’année 2018 catégorie « Confiance » pour Patrick Négaret. Toutes trônent dans le hall d’accueil. Elles appartiennent à tous. « Ce sont les agents qui font vivre la démarche, affirme Stéphane Gré. Tel un coach, notre directeur général impulse. Mais c’est par le collectif qu’on parvient au résultat. »

Patrick Négaret : « Le management traditionnel n’est plus adapté »

Trois questions à Patrick Négaret, directeur général de la CPAM 78

Comment est née cette idée de mettre en place un management bienveillant et exigeant au sein de la CPAM 78 ?

Le service public a besoin d’évoluer sans s’abstraire du monde qui l’entoure, de plus en plus complexe et incertain. Nous sommes face à un devoir d’exemplarité et un besoin de légitimité. Les méthodes de management traditionnelles ne sont plus adaptées pour des raisons culturelles et technologiques. Le bien-être du salarié est une finalité en soi car un salarié performant est d’abord une personne épanouie dans son cadre professionnel et mieux à même de satisfaire nos clients. Le besoin simple auquel nous souhaitons répondre est celui de remettre de l’énergie dans le travail quotidien, sortir de l’équation fatale « travail = stress + souffrance » qui conduit au mal-être, au désengagement, à l’individualisme.

Quelles ont été les premières réactions ?

Notre démarche s’est construite par petits pas et au lancement il y a eu beaucoup d’interrogations soulevées par les employés et cadres. Les différents projets mis en place avaient comme dénominateur commun des actions fondées sur Colibri (c’est-à-dire la confiance, la liberté d’action et l’innovation). C’est en 2017 que nous avons officialisé son appellation « Colibri » qui réunit l’ensemble des initiatives liées à la transformation managériale. L’acculturation des agents s’est faite grâce à des conférences inspirantes, la formation des managers et la mise en place de communautés qui ont permis d’accompagner ce changement aux nouvelles pratiques managériales.

Pour quels résultats ?

Le niveau d’avancement des services dans la démarche est variable à l’échelle de la caisse, mais je constate un décloisonnement qui devient la norme avec les collaborateurs cadres/non cadres qui s’expriment davantage sur les sujets. En trois ans, près de 1 300 idées ont été déposées sur notre plateforme d’innovation participative avec un taux de mise en œuvre de 20 %. La caisse est passée de 30 à plus de 160 télétravailleurs, trois strates hiérarchiques ont été supprimées, des actions d’entraide voient le jour.

http://www.managerlenchanteur.org/videos/patricknegaret/

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