Dans le Grand bain, les agents publics innovants rament !

Atelier sur l'innovation agent public
"Être un agent public innovant, seul sur Mars ?", c’est le thème de l’atelier organisé dans le cadre du Grand bain, une manifestation de la French tech de Marseille.
©Source : French Impact.
Le 24 novembre 2021

Qu’est-ce que l’innovation ? Le concept est-il suffisamment stabilisé pour dégager une plus-value dans la manière de rendre le service public ? Débat passionnant lancé au Grand bain par la French tech Aix-Marseille, avec l’ombre portée d’une idée à creuser : et si l’innovation allait plus vite que la capacité de tous à l’intégrer ?

Il y avait certes moins de monde que pour un classico OM-PSG mais tout de même. Le 23 septembre 2021, à l’Orange Vélodrome de Marseille, plus de 1 000 participants ont investi les gradins du mythique stade pour un saut dans le futur. La French tech Aix-Marseille poursuit son travail d’exploration du monde de demain en interrogeant les acteurs d’aujourd’hui. Le « Grand bain », intitulé cette manifestation, a proposé pour son retour en présentiel une journée de prospective centrée sur l’impact. Tables rondes, prises de paroles des élus, keynotes inspirantes, etc., se sont succédé en respectant un critère basique : la parité parfaite femmes-hommes sur scène.

Atelier sur l'innovation agent public

"Être un agent public innovant, seul sur Mars ?", c’est le thème de l’atelier organisé dans le cadre du Grand bain, une manifestation de la French tech de Marseille.

Seul sur Mars ?

C’est effectivement l’impact, à la fois social, sociétal, mais aussi environnemental, qui a été le fil rouge de la plénière du Grand bain. Nous avons décidé de porter un focus plus particulier sur un atelier au titre alléchant : « Être un agent public innovant : seul sur Mars ? » Atelier animé par Catfish Tomei du French impact, autour d’Aude Fournier, DGA du projet « Transformer nos pratiques » à la ville de Marseille, de Guillaume Hermitte, président de l’association des troisièmes concours de l’École nationale d’administration (ENA), et Delphine Lapray, directrice de l’innovation, de l’enseignement supérieur et de la recherche à la métropole Aix-Marseille-Provence.

Le conseil départemental du Nord, l’innovation dans l’adversité

Aude Fournier est arrivée à Marseille avec l’expérience du département du Nord derrière elle, bien lancée sur le sujet : « Pour innover, il faut accepter une part d’incertitude. Dans la fonction publique, on gomme l’incertitude en créant de la norme. La crise du covid-19 a mis la lumière sur des îlots d’autonomie qui se sont avérés très précieux, les contraintes mettant en évidence des énergies individuelles et collectives chez les agents qui étaient sous cloche. Nous avons donc désormais la preuve que nous pouvons innover dans l’adversité, assure-t-elle. J’ai eu la chance de travailler avec le sociologue François Dupuy, qui a théorisé le concept de « désobéissance organisationnelle ». Pendant le premier confinement, il a mené une étude inter-entreprises, pour évaluer la capacité d’adaptation de ces dernières. Le conseil départemental figurait parmi les entités testées et le résultat obtenu est plus encourageant que dans le privé. Ça bat en brèche certaines idées. Le poids de la bureaucratie n’est pas l’apanage de la fonction publique », poursuit-elle.

Les élus, maillon faible de la machine à innover

Delphine Lapray perçoit deux angles d’attaque sur le sujet : « D’abord, se poser la question de savoir comment nous accompagnons les entreprises innovantes. Puis s’interroger sur la manière dont nous pouvons être perçus, nous, agents de la métropole, comme innovants. Nous avons mis en place une plateforme d’innovation, pour rapprocher les besoins d’innovation de certaines entreprises avec les solutions possibles sur le territoire. Cette mise en réseau existe depuis un an. Vingt-six appels ont été lancés pour 150 réponses. Les achats publics fournissent aussi des efforts pour sourcer, dans les limites de la légalité bien sûr, les entreprises porteuses d’innovation. L’administration n’est pas si poussiéreuse que certains le pensent. Les agents sont prêts et formés pour s’adapter, ce sont des citoyens comme les autres. Il faut juste que les élus valident cette dynamique. »

L’innovation doit inspirer la norme

Le parcours de Guillaume Hermitte parle de lui-même. Aller-retours privé-public, magistrat financier à la Cour des comptes, passage par le troisième concours de l’ENA, très investi sur le champ associatif : « Dans le privé comme dans le public, j’ai chevillé au corps le sens du service public. C’est ce qui me motive. Comment le service public dessine-t-il son avenir ? L’administration produit énormément de normes, dans l’intérêt de tous, mais il s’agit d’un totem qu’il faut dépasser. Il va falloir que les services publics répondent de plus en plus à des besoins qui vont se massifier, pour proposer du sur-mesure. J’ai en projet la création d’une école des transformateurs publics, dans la perspective de placer l’innovation avant la norme. L’objectif, c’est de redonner de la fierté aux fonctionnaires. Le métier que nous faisons est magnifique, il ne faut pas hésiter à le rappeler. »

Innover, est-ce seulement une affaire numérique ?

« Les agents sont souvent les premiers à vouloir se former à cette nouvelle relation au public, confirme Delphine Lapray, ce sont les cadres qui bloquent. L’innovation doit être sociale et environnementale. Mais il y a un gros travail d’évangélisation à mener pour que les cadres suivent. » « Les solutions techniques existent mais cela ne règle pas tout, confirme Guillaume Hermitte. À moins que l’innovation ne relève pas seulement d’une obsession débordante de tweeter toute la journée des messages devenus obsolètes, dès que postés. Et si l’innovation, c’était aussi de retourner dans la vraie vie sans son smartphone et ses connexions numériques permanentes ? »

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