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ActualitésLancement de la plateforme numérique 1000 doctorants pour les territoires
Faciliter la mise en relation des acteurs publics et associatifs avec leurs futurs doctorants Cifre ( Conventions Industrielles de Formation par la REcherche), c'est l'objectif de cette nouvelle plateforme numérique lancée lors d'une conférence de presse le 14 février dernier par Hesam Université et ses quatre partenaires (l'Association nationale de la recherche et de la technologie, l’Association Bernard Gregory, le Centre national de la fonction publique territoriale et l'Association des Doctorants CIFRE en Sciences Humaines et Sociales ). Cette plateforme de mise en relation s'inscrit dans le prolongement du programme "1000 doctorants pour les territoires" dont le but est de développer l'embauche de doctorants Cifre dans les collectivités territoriales. L'occasion de replonger dans notre hors-série "Jeunes chercheurs : un autre regard sur les territoires".
Redynamisation des cœurs de ville, transition écologique, aménagement numérique des territoires, nouvelles formes de participation citoyenne, révolution managériale... Dans un contexte de transformations profondes, les acteurs publics des territoires, urbains ou ruraux, doivent innover et inventer de nouvelles formes de services au public. Comment les collectivités locales peuvent-elles relever ce défi alors que les finances locales sont de plus en plus restreintes ? Embaucher un doctorant ou une doctorante en Cifre constitue l'une des solutions possibles. En effet, les doctorant(e)s, plus particulièrement en sciences humaines et sociales (sociologie, économie, gestion, architecture, urbanisme...), peuvent apporter, sur un temps long, un éclairage nouveau sur une problématique.
Le doctorant, un allié précieux pour les collectivités
Pour Jean-Luc Delpeuch, président d’HESAM Université et Président de la Communauté de Communes du Clunisois en Bourgogne, le doctorant(e) est un atout précieux pour la collectivité dans un contexte difficile et limité en termes de finances locales. La recherche territoriale en sciences humaines et sociales (SHS) peut se mettre au service d'un projet de territoire. Par exemple, dans la communauté de communes du Clunisois en Bourgogne, un doctorant en sociologie a réalisé sa thèse sur l'action sociale et les services publics de proximité, permettant de mettre en place le Relais des Services au Public. Une doctorant en géographie travaille sur la participation citoyenne dans la mise en place d'un territoire à énergie positive. Une troisième doctorante en architecture est en cours de recrutement pour travailler sur la rénovation et la réhabilitation du bâti ordinaire en territoire rural.
L'enjeu aujourd'hui, c'est de mieux faire connaître le dispositif Cifre auprès des acteurs publics. Avec le lancement de cette plateforme, notre ambition est de donner plus de visibilité à ce dispositif et de mettre en relation les collectivités, les doctorants et les laboratoires de recherche, explique Jean-Luc Delpeuch, président d’HESAM Université.
« Grâce à l'immersion pendant 3 ans, le chercheur permet de poser différemment les questions et apporte un autre regard, sur un temps long, avec une vraie valeur ajoutée », précise Véronique Robitaillie, directrice générale adjointe du CNFPT, invitée à la table-ronde à l'occasion du lancement de la plateforme "1000 doctorants pour les territoires". Lorsque je travaillais au département des Côtes d'Armor ou du Finistère, nous avions accueillis des doctorant(e)s pour réfléchir ensemble au malaise agricole au moment de la crise des algues vertes ou encore à l’économie turquoise comme nouveau modèle économique terre-mer.
Pour Vincent Mignotte, directeur de l’association Bernard Grégory, qui travaille à la problématique de la professionnalisation des doctorants, les doctorants ont une capacité à formuler une problématique et montrent que la question initialement posée n'est pas forcément la bonne. Les chercheurs peuvent aller dans le fond des choses, comprendre comment les gens vivent et ont la capacité à se faire accepter par une communauté. Leurs travaux doivent pouvoir aider les décideurs publics à prendre une décision. Selon lui, l’enjeu aujourd’hui est l’évangélisation des collectivités locales.
En effet, en 2017, seules 81 collectivités territoriales et associations ayant une action sociale sur 1433 ont reçu un doctorant Cifre, selon l’ANRT, gestionnaire des conventions Cifre pour le compte du ministère et partenaire du dispositif. Les Cifre "couvrent toutes les disciplines" et "28 % des conventions Cifre se font aujourd’hui en sciences humaines et sociales (SHS)", indique Clarisse Angelier, déléguée générale de l’ANRT. Mais ces conventions sont signées la plupart du temps dans des entreprises privées, alors que les collectivités territoriales sont éligibles au dispositif depuis 2006. Les collectivités territoriales et associations ayant une action sociale représentent moins de 6% des Cifre attribuées en 2017 (81 sur 1433, source ANRT).
La question centrale de l'ingénierie dans les collectivités
Pour Erwan le Bot, conseiller stratégies urbaines et enseignement supérieur de l’AdCF, le rapprochement entre les universités et les territoires est une manière de combler l'insuffisance d’ingénierie dans les collectivités. Selon lui, les métropoles peuvent aussi créer des passerelles entre les universités (recherche un peu hors-sol) et les collectivités. Les questions d’urbanisme et de planification urbaine sont aussi concernés par ce dispositif. Selon Hélène Peskine, secrétaire permanente du Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA), partenaire du programme 1000 doctorants pour les territoires, une première rencontre a permis en janvier 2019 d'identifier 15 doctorants Cifre, sur des thématiques variées : le phénomène de décroissance urbaine en Bretagne, la remise en cause des gouvernances des métropoles, la prise en charge par les architectes des changements climatiques ou encore les questions de solidarité.
Le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) soutient également ce programme. Selon Stéphane Cordobes, son conseiller «recherche et prospective », la future Agence nationale pour la cohésion des territoires qui va succéder au CGET va permettre de déployer cette ingénierie dans les collectivités locales qui en sont souvent démunies car elle accompagne un changement de posture de l'État, plus dans une logique de dialogue et de co-construction avec les territoires. L'objectif de ce programme est de favoriser l’ingénierie dans les territoires à travers les doctorants mais aussi de repenser les formes d’ingénierie pour appréhender les transitions. « L’opération 1000 doctorants est intéressante à partir du moment où elle permet de renouveler l’ingénierie locale mais aussi de faire bénéficier la future Agence nationale pour la cohésion des territoires de ces multiples retours d’expérience », précise-t-il.
Pour Chloé Bour, vice-présidente de l’association des doctorants et des docteurs CIFRES en Sciences humaines et sociales (AD CIFRE SHS), ce programme est clairement un pont entre la recherche et l'action. Le programme 1000 doctorants pour les territoires va permettre de développer de nouveaux outils et de nouvelles compétences pour accompagner par exemple la décentralisation ou encore le développement territorial.
« L’objectif est qu’un maximum de collectivités et de chercheurs viennent déposer leurs offres de service. Cette plateforme web est le chaînon manquant de notre programme. Son objectif est de mettre en relation le trio gagnant (futurs doctorants, acteurs publics/associatifs et directeurs de thèse). Elle ne substitue pas à un dépôt de dossier ni au moment de rencontre entre les trois acteurs », précise Jordana A. Harris, chargée du programme 1000 doctorants pour les territoires au sein d'HESAM Université.
Pour en savoir plus :
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Jeunes chercheurs : un autre regard sur les enjeux des territoires (Hors-série Horizons publics, été 2018)
- Jean-Luc Delpeuch : « L'objectif de 1000 doctorants dans les territoires semble tout à fait envisageable ».
Qu'est-ce que la Cifre ?
Le dispositif Cifre - Conventions Industrielles de Formation par la Recherche - subventionne, selon certaines conditions et après instruction du dossier, toute entreprise de droit français qui embauche un doctorant pour le placer au coeur d'une collaboration de recherche avec un laboratoire public. Le doctorant partage son temps entre les services de la structure d'accueil et son laboratoire. Toute mission qui lui est confiée dans la structure doit nourrir sa recherche. Les travaux aboutissent à la soutenance d'une thèse en trois ans.
Les Cifres sont intégralement financées par le Ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation (MESRI) qui a confié l'instruction des dossiers, leur gestion administrative et financière à l'Association Nationale de la Recherche et de la Technologique (ANRT). La subvention est en 2019 de 14 000 euros par an, pendant trois ans, pour un salaire minimum brut de 23 484 euros.