Revue
DossierCarte blanche : l’État en immersion dans le Lot
Depuis le début de l’année, l’expérience Carte blanche se déroule à marche forcée dans le bassin de vie de Cahors (63 communes, 48 000 habitants). Lancée par le Premier ministre en personne lors de la deuxième Conférence nationale des territoires qui s’est tenue le 14 décembre dernier à Cahors dans le Lot, cette démarche a pour objectif de « réinventer, tester et imaginer une nouvelle façon d’organiser les services publics. Le principe ? Un cadre juridique adaptable, des moyens humains, techniques et financiers à disposition et une Carte blanche pour construire le service public adapté et façonné aux besoins de son territoire. Une opération pilotée directement par le service « Accélération des réformes » de la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP), avec l’aide de consultants extérieurs aguerris aux techniques d’innovation en vogue dans les start-up (facilitateur graphique, UX Designer, ergonome, etc.). Avec un timing serré – un an pour aboutir à des solutions concrètes –, une méthodologie inspirée du design de service et « un laboratoire éphémère » implanté au cœur de la vieille ville de Cahors, cette initiative se veut inédite et en rupture avec les codes habituels de l’administration. Reportage à la rencontre de celles et ceux qui sont en première ligne pour faire vivre cette Carte blanche.
Karima, Catherine, Françoise, Xavier, Céline, Ameline, Régis sont venus tôt ce matin, par leurs propres moyens, les traits encore marqués par le réveil matinal, pour participer à leur premier atelier participatif, intitulé l’atelier « Sarah », dans le cadre de l’opération « Carte blanche ». Ils font partie de l’un des groupes d’usagers du bassin de vie de Cahors ayant débusqué des « irritants », ces points bloquants des services publics, qui servent souvent de points de départ pour innover. Des « irritants » identifiés par les équipes de la DITP, lors de « la phase d’exploration » qui s’est tenue en janvier 2018 sur tout le territoire. Durant cette première phase, une trentaine d’entretiens collectifs avec des responsables et des agents des services de l’État, des collectivités et leurs groupements (ville de Cahors, Comdecom de Quercy-Blanc, etc.) et des opérateurs publics (Pôle emploi, CAF du Lot, les Maisons de services au public, etc.) ont été menés, tambour battant. « Nous avons aussi pratiqué une dizaine d’immersions dans des lieux d’accueil des publics, sur l’ensemble du territoire, pour recueillir la parole des usagers », explique Mélissa Deléron, la directrice et chef d’orchestre de Carte blanche, à la DITP. « Cette phase exploratoire a été essentielle pour lancer la démarche, elle nous a permis d’avoir une vision partagée et à 360 degrés des problématiques rencontrées par les usagers. Nous avons ainsi pu identifier les politiques prioritaires pour les usagers », tient-elle à préciser. Trois grandes attentes ont ainsi émergé : améliorer la mobilité et l’accessibilité des services publics, mieux répondre à la situation des usagers et mieux prendre en charge les droits des usagers les plus en difficulté.
Avec les usagers des services publics, dans l’atelier Sarah
« Bienvenue à toutes et à tous au laboratoire d’innovation éphémère de Carte blanche ! Nous avons souhaité vous donner la parole pour imaginer ensemble les services publics de proximité dont vous avez besoin, et en discuter directement avec les agents publics », précise Charles Franko en guise d’introduction, pour accueillir les usagers de l’atelier Sarah. Une grande affiche rappelle derrière lui les règles du jeu : « Zéro contrainte, écoute et bienveillance ». Accompagné par plusieurs consultants d’Eurogroup Consulting et de son partenaire La Javaness, un accélérateur de start-up et d’innovation numérique, Charles est le maître de cérémonie de cette journée d’atelier et d’échanges entre les usagers et les agents publics. C’est aussi l’une des chevilles ouvrières de l’opération Carte blanche : ancien consultant en cabinets de conseil (Vertone, Deloitte), Charles fait partie de l’équipe projet de la DITP, il fait régulièrement la navette entre le septième arrondissement de Paris, siège du DITP, et le territoire de Cahors, plus précisément rue Nationale, en plein cœur de la vieille ville, où l’équipe a implanté un « lab » dans une salle polyvalente mise à disposition par la municipalité.
Formant une ronde à la manière du Cercle des poètes disparus, derrière de grandes baies vitrées donnant sur une rue étroite, les usagers-citoyens et les représentants des services publics locaux font connaissance en « brisant la glace », une technique souvent utilisée par les innovateurs pour détendre l’atmosphère et créer une ambiance propice aux échanges. Pour cet atelier, ce sera le jeu des « deux vérités et un mensonge »… qui fait son effet au bout de quelques minutes, avec des premiers sourires, des premiers échanges complices.
Durant plus de deux heures, les usagers vont confronter leurs vécus, leurs expériences souvent pénibles des services publics et leurs idées pour améliorer les choses. Cet atelier usagers, qui fait partie de la deuxième phase, dite de « co-construction », est centré sur les problématiques de « Sarah », un personnage fictif (persona) imaginé par les équipes de la DITP pour donner un visage à un profil type d’usager confronté à des problématiques précises sur le bassin de vie de Cahors. Sarah, c’est une jeune mère de famille monoparentale, aide à domicile en CDD, qui a des attentes bien liées à sa situation : trouver un emploi stable, faire garder ses enfants et avoir un filet de sécurité pour se sentir plus sereine. « La méthode des personas est utile pour ce type d’exercice car elle oriente la démarche de co-construction sur des cas d’usagers concrets afin de trouver des solutions », confie Charles Franko, en aparté. Cette première rencontre entre usagers et agents a permis d’ébaucher des premières solutions à tester. Première solution : anticiper les besoins des usagers par le partage des données et des pièces justificatives. Dans ce cas précis, l’idée est de faciliter les démarches d’usagers en les informant de leurs droits (ex. : aide à la complémentaire santé en cas de situation de chômage) grâce à un meilleur partage de ses données personnelles entre services publics, mais à la condition de respecter la notion de consentement. Deuxième solution : proposer une garde d’enfants en horaires décalés pour favoriser les situations d’embauche. Ces deux solutions pourront faire l’objet de prototypes, puis de tests, si elles sont retenues. C’est un peu la méthode Carte blanche.
Carte blanche, une expérimentation en mode accéléré
Cette phase de co-construction, associant les usagers du bassin de vie de Cahors, permettant d’alterner hypothèses, prototypes et tests, se déroule jusqu’à la fin du mois d’avril. L’agent polyvalent augmenté, le car des services publics itinérants, la plateforme de mobilité solidaire, les vigies solidaires, la cabine de téléconsultation, le coaching emploi, etc., sont quelques-unes des pistes qui ont émergé de ces ateliers associant les usagers.
« L’expérimentation Carte blanche s’inspire de plein de techniques d’innovation : le design thinking, l’ergonomie, les méthodes des start-up, l’immersion avec les usagers sous forme d’ateliers participatifs. Il n’y a pas une semaine où nous ne sommes pas présents sur place. Nous ne pouvons pas accélérer tout seul, nous faisons aussi appel à des compétences extérieures », selon Mélissa Deléron, la chef d'orchestre de l'expérimentation Carte blanche à la DITP.
« Notre pari sur cette opération, c’est de réconcilier les deux approches : celles qui viennent d’en haut et celles qui viennent d’en bas. Le partage des données entre services publics, par exemple, est un vrai besoin du terrain. Nous pouvons aborder l’innovation de manière moins systémique. On se rend compte qu’en repartant du terrain, avec une vue plus pragmatique des choses, on peut ré-envisager les politiques publiques au niveau national avec un point de vue plus opérationnel, plus efficace, plus simple car la démarche repose sur de vrais besoins », explique Mélissa Deléron, la directrice des opérations.
Charles, présent le jour de l’atelier Sarah, fait partie des consultants impliqués sur le terrain. « En tant qu’UX Designer à la Javaness, mon rôle est de concevoir des outils et des interfaces qui répondent aux besoins des utilisateurs. Nous avons une approche très lean, très start-up pour prototyper très rapidement. Le bus des services publics itinérants, par exemple, est une solution qui est ressortie à l’issue d’un atelier usagers et agents, et s’inscrit dans cette démarche itérative », explique-t-il.
Un préfet engagé, en première ligne
Jérôme Filippini, préfet du Lot depuis le 4 septembre 2017, est très impliqué dans l’opération Carte blanche. À l’origine de la création du Secrétariat général pour la modernisation de l’État (SGMAP) qu’il a ensuite dirigé, il connaît bien les questions d’innovation publique et implique au quotidien les services de la préfecture pour la réussite de cette opération. « Je suis un facilitateur de l’opération Carte blanche, le Premier ministre a souhaité une démarche originale, jamais pratiquée, sur l’amélioration des services publics dans le bassin de vie de Cahors. Le Lot, comme de nombreux territoires ruraux, est concerné par les problématiques liées aux transports et à la mobilité. Mon rôle consiste à faciliter et à donner envie à tout le monde de trouver des solutions à ces problématiques », confie-t-il. Le préfet n’hésite pas à s’impliquer directement, comme le test du car des services publics itinérants, le 20 mars 2018 à Lherm, ou à organiser certaines actions comme l’Hackcélérathon (challenges créatifs en équipes) sur la mobilité organisée dans le domaine d’Auzole à Saint-Pierre-Lafeuille, du 6 au 8 avril dernier. Profitant de son droit de dérogation, la préfecture joue la Carte blanche à fond pour faciliter la rencontre des acteurs locaux impliqués dans la recherche de nouvelles solutions de mobilité. Parmi les cinq lauréats de ce challenge, le jury a sélectionné 5 porteurs de projet sur 6, comme Atchoum, service de déplacement solidaire et de covoiturage en milieu rural, ou Rezopouce, qui propose un service d’autostop sécurisé et organisé qui enregistre les trajets, permet d’identifier les conducteurs et les passagers et installe sur les trajets quotidiens des points d’autostop facilement identifiables.
La disparition des services publics en toile de fond
Devant l’école de Saint-Michel-de-Cours, à une quinzaine de kilomètres de Cahors, Pierre Dufour, militant de la cause rurale et élu d’opposition à Saint-Cirq-Lapopie, très attaché à la vie locale, est inquiet pour l’avenir des villages. Selon lui, la disparition des services publics de proximité (école, bureau de poste, les lignes de train, etc.) dans les zones rurales constitue aujourd’hui une vraie problématique pour les habitants. « Il nous faudrait une Carte blanche pour expérimenter les écoles rurales de demain », explique-t-il. Selon lui, le projet de l’État d’interroger les besoins des usagers, en dehors des contraintes et du cadre réglementaire est louable. Avec la baisse de la démographie dans les zones rurales, il regrette quel’État accompagne le mouvement en supprimant les services publics les uns après les autres. Comme l’école de Saint-Michel-de-Cours, l’une des dernières écoles à classe unique du département, menacée de fermeture. « Nous avons notamment une enfant en déficience visuelle, cette école réalise un travail d’inclusion et contribue au lien social dans le village. Nous avons appris récemment que nous avions 22 postes de professeurs en moins sur le département. C’est encore la logique d’accompagnement du déclin démographique qui prévaut, et non pas une logique de ré-inverser la tendance et de redonner de l’attractivité aux territoires ruraux », regrette-t-il. Sur l’expérimentation Carte blanche, il soutient
l’initiative et reconnaît l’importance de l’accessibilité à certains services publics, retenue par les équipes de la DITP. « Il y a beaucoup de problématiques qui sont posées, mais quelles seront les solutions ? Quelles seront les réponses ? Seront-elles à la hauteur des enjeux ? », s’interroge-t-il.
Autre difficulté pour Carte blanche : l’expérimentation s’inscrit dans un contexte de défiance entre l’État et les collectivités locales. Pour l’instant, les collectivités locales jouent le jeu de la Carte blanche. Associée dès le début, la mairie de Cahors soutient l’initiative, mais attend de voir quels seront les premiers résultats de cette expérimentation. Les équipes de la DITP ont jusqu’à la fin de l’année pour démontrer l’efficacité de cette nouvelle démarche.
Thomas Cazenave : « C’est au plus près du terrain, avec celles et ceux qui font le service public, qu’on pourra transformer durablement l’action publique. »
Délégué interministériel à la transformation publique (DITP), Thomas Cazenave rappelle les missions de sa direction, livre sa vision de la transformation publique et souligne le caractère inédit de l’opération Carte blanche en cours d’expérimentation dans le bassin de vie de Cahors. Ses équipes réfléchissent déjà à reproduire cette démarche dans d’autres territoires.
Quelle est votre vision de la transformation publique ?
« Aujourd’hui, la transformation publique repose sur deux grands leviers. Le premier, c’est celui des ressources humaines et managériales. Il n’y aura de transformation de l’action publique que si l’on parvient à convaincre et à mettre en mouvement le corps social, c’est-à-dire les agents et les managers publics. Le deuxième levier, c’est celui du numérique. Si vous actionnez ces deux grands leviers, vous êtes véritablement en mesure d’aller très loin dans les réformes. À l’inverse, si je prends la métaphore de l’avion, si vous n’avez pas allumé ces deux moteurs-là, c’est impossible de conduire un grand programme de transformation. Ces deux leviers, complémentaires et transversaux, sont les moteurs de la transformation publique durable. C’est la raison pour laquelle le premier Comité interministériel sur la transformation publique, qui s’est tenu le 1er février dernier, a porté sur des enjeux clefs : le nouveau contrat social avec les fonctionnaires, la place du management, le numérique et la simplification et la qualité de service. La priorité pour nous, c’est de réussir et de s’attaquer à ces dossiers. »
Quel rôle joue la DITP dans ce vaste chantier ?
« Notre direction est la cheville ouvrière d’Action publique 2022, lancée en octobre dernier par le Premier ministre1. Nous travaillons sur le programme, son rythme et son exécution. Nous animons les travaux de CAP 222, qui remettra ses propositions au gouvernement sur les grandes réformes à conduire, dans le courant du mois d’avril. Dès le départ, nous avons fait le pari, pour éviter l’entre soi administratif, d’être aiguillonné par l’extérieur. Deuxième mission : accompagner les projets de réformes les plus structurantes. Nous sommes là pour accompagner les ministères dans leur entreprise de transformation. Nous avons des experts en gestion de projet, design des services publics, spécialistes de la transformation, qui viennent du privé comme du public, pour accompagner les administrations. Nous avons créé un tout nouveau service « Accélération des transformations » pour remplir cette mission. Troisième mission : conduire les chantiers interministériels seul ou avec les autres. Nous avons notamment en charge la « simplification et la qualité de service », qui comprend le programme emblématique de transparence de résultats de tous les services publics. Il a été décidé lors du premier Comité interministériel à la transformation publique (CITP)3 que tous les services publics devraient afficher et rendre transparents leurs résultats, et qu’on irait jusqu’à la généralisation des enquêtes de satisfaction, c’est un enjeu de transparence et de transformation managériale qui doit placer l’usager au cœur de nos préoccupations. Nous portons également le chantier de la transformation des métiers de l’action publique. Le numérique, l’intelligence artificielle, le collaboratif ou encore la donnée vont changer considérablement nos métiers, la manière dont on fait du contrôle fiscal, dont on accompagne les bénéficiaires d’action sociale. Nous animons un dispositif de réflexion et d’action sur la transformation des métiers. Nous avons également lancé un dispositif interministériel pour réfléchir aux impacts du numérique sur les métiers de l’action publique. Nous gérons également le fonds de transformation de l’action publique, 700 M€ sur le quinquennat, précisément pour accompagner les projets portés par l’administration pour améliorer le service public et faire des économies. Enfin, quatrième mission, nous sommes un centre d’expertise autour de la question de l’innovation dans le secteur public. Peut-on faire de l’action publique différemment ? Au-delà du réflexe classique qui consiste à agir sur la norme, la taxation, le volet fiscal ou réglementaire pour agir sur l’action publique, nous regardons aussi l’apport de sciences du comportement, par exemple, « le nudge », pour imaginer d’autres modes d’action publique. Nous incitons les administrations à mettre l’usager au cœur de la conception des politiques publiques. Nous assurons le déploiement des laboratoires d’innovation territoriaux, intégrons le design du service public, avec l’idée de remettre les dispositifs d’écoute des usagers au cœur des administrations. Nous imaginons de nouvelles manières de faire. Tous les projets initiés par le gouvernement doivent pouvoir être construits comme cela, avec les usagers en co-construction des politiques publiques. C’est ainsi qu’est actuellement mené le projet de loi « Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises » (Pacte) de Bruno Lemaire, qui associe très étroitement les petites entreprises dans l’élaboration du projet. »
Le fait d’associer les usagers dans la fabrique des politiques publiques est-il vraiment nouveau ?
« Oui, ce qui est nouveau, c’est que le plus haut niveau de l’État est engagé dans cette démarche. Pour moi, l’opération Carte blanche en cours dans le bassin de vie de Cahors est l’aboutissement ultime de la logique d’expérimentation, que nous avons commencée par les laboratoires d’innovation territoriale. Pour la première fois, l’État reconnaît que la meilleure manière de concevoir et d’améliorer le service public, c’est de faire confiance et de mettre en situation les agents et les managers publics d’un territoire pour qu’ils co-construisent ensemble un service public local. Avec Carte blanche, nous allons au bout de cette démarche en évitant de plaquer sur un territoire des solutions imaginées et conçues à Paris, avec la possibilité de sortir des frontières administratives et d’oublier le cadre réglementaire pour tester de nouvelles solutions. Nous avons fait le choix de sortir du silo État et collectivités locales. La voix des usagers, à travers le laboratoire éphémère installé à Cahors, est au cœur de l’opération. Notre programme de réforme n’aura de sens que s’il répond aux usagers. Parmi les solutions qui émergeront à Cahors, certaines seront peut-être dupliquables, d’autres seront spécifiques au territoire de Cahors. C’est le pari d’une démarche radicale, où on part véritablement des besoins des usagers pour reconstruire le service public en faisant fi des organisations actuelles. La philosophie de notre démarche, c’est de déconcentrer l’organisation, de redonner du pouvoir aux agents et aux managers publics, de sortir d’un cadre trop uniforme qui ne laisse pas assez de marge. J’assume le parallèle avec le secteur privé, l’expérience client est au cœur des démarches du privé, il nous faut faire la même chose, changer de logiciel. Mettre l’usager au centre de la fabrique publique ne passe pas par une circulaire, ni un décret… Il faut donc basculer dans un mode qui mette le citoyen, l’usager au centre de la décision publique. »
Quels sont les enjeux de cette expérimentation à Cahors ?
« Cette démarche vise à montrer que la réforme du service public doit d’abord répondre aux enjeux qui sont remontés par les citoyens eux-mêmes. C’est finalement au plus près du terrain, avec celles et ceux qui font le service public, qu’on pourra transformer durablement l’action publique. Plus que des démarches qui viennent d’en haut, il faut absolument mettre en mouvement les agents et les managers publics pour qu’eux-mêmes construisent ce service public. Cela nécessite aussi d’accepter plus de modularité et un service public à la carte qui réponde plus spécifiquement aux enjeux du territoire. Les enjeux du bassin de vie de Cahors sont différents de ceux du Grand Paris. »
Pourquoi avoir choisi le bassin de Cahors comme terrain d’expérimentation ?
« Nous avons choisi ce bassin de vie car c’est un périmètre intéressant pour expérimenter un nouveau service public. Il y a là aussi des collectivités locales, des opérateurs, des élus qui ont déjà une culture de l’innovation. Nous avons souhaité nous appuyer sur cette dynamique territoriale pour essayer avec eux de relever le défi de l’opération Carte blanche. »
Quelles sont les difficultés de l’opération ? Quels sont les premiers retours du terrain ?
« Les premiers retours sur le terrain sont très positifs. Cette opération a suscité beaucoup d’intérêt de la part des usagers, des agents, des élus, des collectivités territoriales. Nous n’en sommes que dans la première phase de l’opération, il y a une envie de construire, de participer et de transformer le service public. Sur la base des premiers échanges, et dans le cadre de cette démarche collaborative, tous les acteurs ont identifié les axes d’amélioration, à commencer par la mobilité. »
Quels sont les moyens humains et financiers que vous mettez à la disposition de l’opération Carte blanche ?
« La DITP met ses équipes et ses ressources au service de cette démarche, avec le renfort de consultants externes. C’est une démarche très ambitieuse, il faut travailler avec toutes les parties prenantes, les écouter, formaliser les propositions et les pistes de réflexion. C’est une équipe intégrée de la direction qui accompagne les équipes. Nous ne plaquons pas une solution toute faite, elle doit émerger des équipes. C’est le sens de notre accompagnement : les équipes identifient les solutions, et si pour les mettre en œuvre, il faut utiliser une dérogation réglementaire, imaginer une plateforme numérique ou organiser un hackathon, nous les accompagnerons pour tester ces nouvelles solutions. »
Peut-on imaginer d’autres cartes blanches dans d’autres régions ?
« Nous souhaitons lancer l’opération Carte blanche dans d’autres territoires, nous y réfléchissons déjà, compte tenu de l’engouement qu’a suscité la première opération. Cette démarche était un pari, les premiers mois ont montré qu’elle était capable de susciter l’enthousiasme. Nous pouvons nous appuyer sur ce type d’initiatives pour favoriser l’innovation. Nous allons identifier d’autres territoires, mais sans plaquer les solutions de Cahors sur les autres territoires. L’enjeu étant d’ancrer localement les solutions qui sont trouvées. »
1. Le programme Action Publique 2022, lancé par le Premier ministre le 13 octobre 2017, vise à transformer l’administration en trois points : améliorer la qualité des services publics, offrir un environnement de travail modernisé aux fonctionnaires et maîtriser les dépenses publiques en optimisant les moyens.
2. Le Comité action publique 2022 (CAP 22) a été officiellement installé le 13 octobre 2017 pour proposer des pistes d’action sur la transformation publique. Composé de personnalités qualifiées (françaises ou étrangères), de chefs d’entreprises, de parlementaires, d’élus locaux et de hauts fonctionnaires, le Comité est présidé par Ross McInnes, président du conseil d’administration de Safran, Véronique Bédague-Hamilius, secrétaire générale de Nexity, et Frédéric Mion, directeur de Sciences Po Paris.
3. Le premier CITP s’est tenu le 1er février 2018 ; www.gouvernement.fr/comite-interministeriel-de-la-transformation-publique-les-premieres-mesures