Repartir de l’individu « authentique » pour améliorer le collectif

Séance d’intelligence collective à la prefecture - Semaine de l’innovation publique
Séance d’intelligence collective à la préfecture de la région Paca lors de la 6e édition de la Semaine de l’innovation publique en 2019. La Semaine de l'innovation publique est devenue le Mois de l'innovation publique en 2020.
Le 30 décembre 2019

La préfecture de Région Paca a invité « ses » agents à une séance d’intelligence collective dans le cadre de la semaine de l’innovation publique. Le pari est de faire en sorte que l’exhortation à l’authenticité individuelle puisse améliorer le collectif. Reste à mesurer les effets escomptés…

Dans le cadre de la semaine de l’innovation publique (25-30 novembre), plusieurs administrations avaient décidé de phosphorer sur la meilleure manière de rendre un service public plus efficace en permettant aux agents de s’inscrire dans les promesses déroulées par la fameuse « intelligence collective », dont les vertus sont louées en colloque mais restent souvent au seuil des organisations. Ces dernières, par réflexe auto-protecteur, promeuvent sans le savoir le conservatisme. Il faut donc louer la préfecture de région Paca, dont Delphine Crouzet, directrice de la plateforme régionale d’appui interministériel aux ressources humaines (PFRH) au sein du Secrétariat général des Affaires régionales (SGAR), a misé sur une journée sans table ronde ni débat mais prise en charge par des décapsuleurs de créativité. En effet, pour innover, il faut changer de manière de faire.

« Quand on sait que, selon une étude (Ndlr, publiée par Dell et l’Institut pour le futur), 85% des emplois de 2030 n’existent pas encore, on mesure l’ampleur de la tâche qui nous attend », assure Delphine Crouzet, directrice de la plateforme régionale d’appui interministériel aux ressources humaines (PFRH) au sein du Secrétariat général des Affaires régionales (SGAR) en ouverture des débats.

« Jouer le jeu »

Dans la peau des dits décapsuleurs, le CollectivZ, un… collectif comme son nom l’indique de compétences chargées d’accompagner ces évolutions. Hervé Béraud, un de ses membres, explique la démarche en posant trois questions aux 80 personnes qui ont fait le déplacement : « Quelle est votre intention pour cette matinée ? Quel est votre besoin pour en profiter pleinement ? Qu’est-ce que vous avez envie d’apprendre ? ». Les premiers regards sont interloqués. « Il faut jouer le jeu », glisse un participant. Dans cette discipline de l’intelligence collective, l’émotion interrelationnelle doit être avivée. On échange les uns avec les autres. On essaie d’accélérer le processus de surgissement de l’authenticité, celle qui est supposée faire tomber les barrières et optimiser le potentiel de l’agent.

« Il va falloir sortir des vieilles pratiques RH. On ne voit les agents que quand ils ont des problèmes. L’idée est de pouvoir les anticiper », rappelle Hervé Béraud du CollectivZ. À travers des jeux proposés aux participants, l’authenticité surgit plus naturellement. Les visages se détendent, les résistances tombent. « C’est une manière de se rapprocher des autres », rappelle-t-il.

Certes, la surprise domine. On peut même trouver l’affaire un brin infantilisante. Mais il faut se laisser aller. « Qu’est-ce que vous percevez d’authentique chez l’autre ? », interpelle Hervé Béraud. « L’idée est de s’interroger sur la manière dont vous-même vous pouvez changer », assure-t-il.

Ensemencer « la capacité à apprendre »

Boris Sirbey prend le relais. Sa présentation, sur Huffpost : « Boris Sirbey est docteur de philosophie de l'Université Paris X Nanterre. Spécialisé en théorie des sciences, il est l'auteur de deux essais (Le Dédale, éd. Edysseus et La vérité sur le cancer, que la médecine ne vous dit pas encore, éd. Néosanté) et a participé à plusieurs ouvrages collectifs. Il exerce comme consultant depuis 2006 dans le domaine des nouvelles technologies, de la philosophie et des ressources humaines. Depuis 2012, il est le directeur innovation de la société MyJobCompany dont il est le co-fondateur ». La seule capacité de l’homme, rappelle-t-il dans une mini-conférence, « c’est d’apprendre. Or cette capacité s’atrophie. Bergson avait une connaissance globale de la connaissance. Aujourd’hui, cette universalité nous échappe. Et quand je ne la maîtrise plus, je m’aliène ». Et de citer le sociologue et psychanalyste allemand Erich Fromm : « L’homme moderne est en proie à une angoisse constante qui le soumet à la tentation de renoncer à sa liberté au profit de totalitarismes de tous types ». Le lien est bien sûr fait avec les incertitudes des temps modernes. La lumière au bout du tunnel ? C’est justement cette « capacité à apprendre », à inverser la donne.

Journée « hors du temps »

« C’est important pour nous de sortir le nez du guidon », assure ce directeur de service. « Pour moi, ça a été une journée « hors du temps », permettant un pas de côté rafraichissant et dynamisant, au travers d’une mise en perspective brillante permettant de resituer les problématiques actuelles dans leur contexte (historique, philosophique), avant de rentrer dans des aspects méthodologiques et concrets, parfois fort éloignés du quotidien des services déconcentrés de la fonction publique, mais ce qui permet de découvrir tout un champ des possibles et d’imaginer quelques passerelles et des projets s’en inspirant. Une riche journée en somme, et dans un lieu pour le moins agréable ! », assure une autre participante.

Objectif atteint donc. Reste à retourner au boulot et à essayer d’entraîner tout le monde dans le mouvement. L’intérêt d’une démarche de recentrement, c’est de ne pas retourner au même point GPS de recentrage que la veille. Semer des graines innovantes dans les organisations portera sans doute ses fruits dans l’avenir. Le temps presse…

×

A lire aussi