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Monde d’après : les mouvements qui préparent un nouveau contrat écologique et social

Monde d'après : les mouvements qui préparent le nouveau contrat écologique et social
Les mouvements qui préparent le monde d'après
©Horizons publics - La 27e Région
Le 23 décembre 2020

Avec la crise du covid-19 se pose avec acuité la question d’un nouveau contrat social à (re)construire, une redéfinition des liens entre pouvoirs publics, entreprises et citoyens. De nombreux acteurs anciens ou plus émergents, souvent issus des communautés et dynamiques territoriales, sont déjà engagés dans cette voie de la recomposition, en France comme à l’étranger. Cette cartographie stellaire1, fruit d’un travail collectif engagé par La 27Région, en partenariat avec le think tank finlandais Demos Helsinki, montre les différents mouvements, courants et initiatives déjà à l’œuvre dans les villes, les territoires et les communautés locales.

 

Seize mouvements gravitant autour des quatre piliers du nouveau contrat social (pouvoirs publics, entreprises, citoyens et non-humains), pour tenter de surmonter sept tensions du contrat social, ont été identifiés sur cette carte non exhaustive et forcément évolutive. Ces mouvements prennent la forme de constellations à l’intérieur desquelles figurent des cas concrets qui sont autant de pistes d’inspiration et d’actions pour préparer dès maintenant le contrat social du « monde d’après ».

 

Aux trois piliers habituellement utilisés pour représenter le triangle du contrat social – les pouvoirs publics ; les entreprises et acteurs économiques ; les citoyens – un quatrième, les « non-humains » a été ajouté pour réintroduire dans ce contrat tout ce qui en a été artificiellement exclu jusqu’à présent, avec lequel les humains sont pourtant en interaction constante (par exemple, les plantes, les animaux, les virus, le CO2 de l’atmosphère, l’air que nous respirons, le gibier que nous chassons, les glacierset beaucoup d’autres choses encore).

Non-humains

La crise bioclimatique exige de changer nos manières d’habiter et d’accueillir les perspectives élargies du vivant. Le philosophe Bruno Latour propose de considérer les non-humains (les plantes, les animaux, les milieux, etc.) comme un pilier à part entière du nouveau contrat social. Un changement de paradigme qui trouve aujourd’hui des applications concrètes.

La Nouvelle-Zélande et l’Inde ont respectivement offert le statut de « personnalité juridique » à des entités non-humaines (les fleuves Whanganui et Gange) au cours de l’année 2017 afin de répondre aux enjeux écologiques2.

Plusieurs partenaires de la région Centre-Val de Loire explorent l’hypothèse d’un parlement « des humains et non-humains » à partir du fleuve qui traverse le territoire. Ce « parlement de Loire » est un concept transformateur qui pourrait guider de multiples enjeux de mutation et de transition. C’est un lieu d’expérience, une narration à l’échelle 1 qui permet de lancer un « processus instituant » pour cesser de gouverner le vivant depuis notre position séparée et nous mettre à la table des négociations avec un plus grand nombre d’« étants » ; avec des plantes, des animaux, le cycle de l’eau, les paysages.

Axe pouvoirs publics-entreprises

Relocalisation économique

Thème porteur depuis la crise du covid-19 et les différents plans de relance, la relocalisation économique consiste à rediriger localement l’activité économique, dans un souci de durabilité, de justice sociale, de réduction de l’empreinte carbone, etc. :

  • Fabcity : mouvement de relocalisation de la production, de réindustrialisation des territoires et de socialisation de la fabrication autour d’une alliance entre le mouvement des makers et des administrations publiques. L’objectif est de transformer l’écosystème du territoire pour favoriser la capacité de production locale et durable et s’écarter du modèle industriel de production mondialisée et jetable. Le mouvement dispose de son propre manifeste adopté en juillet 2018 à l’occasion du Fab City Summit de Paris qui rassemble des villes (Paris, Toulouse, Barcelone, Helsinki, Belo Horizonte, Groningen et Brest) ainsi que des acteurs publics et privés ;
  • Community wealth building (CWB) : approche dessinée pour aider des villes victimes de crises radicales à recomposer leur modèle pour basculer d’une économie « extractive » à une économie « régénérative », garantissant que le système économique crée de la richesse et de la prospérité pour tous, localement. Il propose d’explorer, sur un territoire, des modes d’organisation et de gouvernance au service d’une relocalisation de l’économie, dans un objectif d’inclusion et de justice sociale : alliance des institutions publiques locales pour rediriger localement la dépense publique ; stimulation de la capacité d’initiative et émergence d’une économie locale plurielle et démocratique ; redirection locale de l’investissement des banques et des fonds de pension locaux ; usage du foncier et de la propriété au service des habitants et groupes locaux ; etc. Parmi les villes qui ont mis en œuvre cette approche, Manchester, Wigan, Oldham, ou encore le quartier d’Islington à Londres ou encore Cleveland aux États-Unis ;
  • troisième révolution industrielle des Hauts-de-France (Rev3) : projet stratégique à horizon 2030, élaboré en collaboration avec l’économiste, essayiste et prospectiviste américain Jeremy Rifkin, pour faire des Hauts-de-France une région pilote en matière d’économie décarbonée, de transition énergétique et de technologies numériques. Il se traduit aujourd’hui en dix grands projets structurants (développement d’une bio raffinerie, rénovation énergétique de bâtiments, développement de la filière hydrogène, etc.), 14 millions d’euros déposés par des citoyens sur un livret d’épargne Rev3 pour financer les entreprises locales liées à cette dynamique, un fonds d’investissement de 50 millions d’euros destiné au financement d’entreprises désireuses de développer leur projet dans la région et de créer des emplois et 800 projets suivis ;
  • Economy for the common good (ECG) : modèle dans lequel l’économie est au service du bien commun, a pour objectifs la dignité humaine, la solidarité et la justice sociale, le développement durable, la transparence, etc. Depuis le prix Nobel d’économie attribué à l’économiste américaine Elinor Ostrom en 2009, les communs font l’objet d’une redécouverte académique et de réappropriations citoyennes dans de nombreux pays. À terme, c’est aussi l’émergence des communs comme une nouvelle catégorie d’action publique qui constitue un enjeu déterminant, dont on peut commencer à voir des concrétisations dans des pays comme l’Italie ou l’Espagne.

Réappropriation de services collectifs

Ce mouvement consiste à remunicipaliser ou ré-interpréter sous la forme de partenariats publics-communs des services ou activités d’utilité collective, dans l’objectif est de lutter contre des tendances de prédation, de marchandisation ou de privatisation des services d’intérêt général :

  • Block Sidewalk de Toronto (Canada) : les plateformes numériques des GAFAM ont pris une importance croissante dans les villes, et leurs activités tendent à s’imposer aux municipalités en place. Mais la tendance tend s’inverser et des villes essaient de reprendre le pouvoir. Block SideWalk est le collectif citoyen qui a obtenu l’arrêt du projet de ville intelligente portée par Sidewalk labs, la filiale d’Alphabet, la maison mère de Google. Block Sidewalk propose des pistes pour aider les villes du monde entier à mieux réguler la présence des plateformes ;
  • Sharing cities (Espagne) : Barcelone a mobilisé une quarantaine de villes autour d’un réseau de sharing cities, formulant des pistes de résistance face à l’uberisation de la ville. À Barcelone, cela se traduit, par exemple, par la réappropriation des données et du numérique et de l’investissement dans des entreprises jeunes pousses locales et responsables ;
  • Community land trust (États-Unis) : né aux États-Unis dans les années 1970, le modèle du Community land trust, appelé en droit français « organisme foncier solidaire », permet de dissocier la propriété foncière et la propriété du bâti pour favoriser l’accès au logement. Ce modèle tend à gagner du terrain en Europe pour faire face au prix du logement : CLTB, Terre de Liens, etc. ;
  • Aqua bene commune (Italie) : Naples a été la première ville à remunicipaliser la gestion de l’eau en 2011. La ville a ensuite créé un organisme de droit public, baptisé « acqua bene commune Napoli » (ABC) pour gérer l’eau comme un bien commun, donnant naissance au mouvement des ABC en Italie.

Responsabilité sociétale

La responsabilité sociétale des entreprises prend en compte les enjeux, environnementaux, sociaux, économiques et éthiques des activités des entreprises. Renouveler en profondeur les pratiques des organisations publiques et privées implique de changer les outils de gestion et de pilotage supportant l’activité (comptabilité, indicateurs, etc.) :

  • la théorie du doughnut : combine le concept de frontières planétaires avec le concept complémentaire de frontières sociales dans une représentation visuelle qui prend la forme d’un beignet. Ce modèle propose de considérer la performance d’une économie par la mesure dans laquelle les besoins des gens sont satisfaits sans dépasser le plafond écologique de la Terre. Le trou central du modèle représente la proportion de personnes qui n’ont pas accès aux éléments essentiels de la vie (soins de santé, éducation, équité, etc.) tandis que le bord extérieur représente les plafonds écologiques (limites planétaires) dont dépend la vie et qui ne doivent pas être dépassés. À la faveur de la crise, des villes comme Amsterdam ou des réseaux de villes comme le C40 cherchent à adopter cette nouvelle grille de lecture pour piloter leur action ;
  • la compta CARE (comptabilité adaptée au renouvellement de l’environnement) : transformer la manière dont on enregistre et pèse l’activité pour intégrer la préservation des capitaux humain et naturel dans le bilan des entreprises (et pourquoi pas des administrations publiques). La compta CARE est en cours d’expérimentation pour l’organisation Ferme d’avenir, par exemple. La région PACA a testé ce type de comptabilité à travers CARE PACA ;
  • la comptabilité thermodynamique : fournit un accès direct aux flux non financiers de matière et d’énergie ;
  • une entreprise à mission : intègre dans ses statuts un objectif social ou environnemental, une mission qui vise à l’intérêt général (par exemple : avoir un impact environnemental réduit voire positif ou contribuer à l’activité économique locale). Ce label a été institué par la loi PACTE3 du 22 mai 2019 ;
  • redirection écologique : des chercheurs et des designers (Origens media lab) travaillent sur une approche visant à dépasser le développement durable et la RSE pour prendre en compte la logique anthropocène. Un master à Lyon forme à la redirection écologique et apprend, par exemple, à démanteler ou à désinvestir pour se rediriger (stations de ski) ou comment renoncer à des pans obsolètes de notre économie, mais aussi à des révolutions techno-annoncées et incompatibles avec le cadre du réchauffement climatique.
Monde d'après : les mouvements qui préparent le nouveau contrat écologique et social

Monde d'après : les mouvements qui préparent le nouveau contrat écologique et social

Axe entreprises-citoyens

Systèmes alimentaires

Produire et consommer localement est apparu comme une nécessité bien avant la crise du covid-19. En privilégiant le circuit court alimentaire, sans intermédiaire et directement auprès du producteur, les nouveaux systèmes alimentaires permettent de soutenir l’économie locale mais aussi de réduire l’empreinte carbone. Une démarche promue par l’État français qui espère atteindre 500 projets alimentaires territoriaux (PAT) pour l’année 2020 :

  • groupement alimentaire de proximité (Rhône-Alpes) : groupement coopératif d’entrepreneurs dans l’alimentation bio-locale pour favoriser les circuits courts et locaux. Mutualisation de services supports (administratifs, informatiques, approvisionnements). Plus de 100 structures membres ;
  • Bio canteen (Mouan-Sartoux) : cette ville pionnière dans le domaine de l’alimentation bio et locale pour ses cantines scolaires a embauché, depuis 2011, un maraîcher municipal qui fournit 80 % des légumes mangés dans ses cantines ;
  • associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP) : destinées à favoriser l’agriculture paysanne et biologique en créant un lien direct entre paysans et consommateurs, qui s’engagent à acheter la production de celui-ci à un prix équitable et en payant par avance.

Le poster personnalisable dans la revue papier

Poster monde d'après

Horizons publics vous propose en partenariat avec La 27Région, un poster personnalisable pour vous lancer dans la construction de ce nouveau contrat social. Il reprend l’ensemble des mouvements identifiés sur la carte stellaire publié dans ce numéro, avec la possibilité de la compléter.

 

 

 

 

 

Politique zéro déchet

La démarche zéro déchet vise à réduire la production de tous les flux de déchets, y compris les recyclables. Incarné tout particulièrement par l’organisation internationale ZeroWaste, c’est aussi un projet politique qui peut être mené à l’échelle d’un territoire :

  • ZeroWaste (San Francisco) : la ville californienne est engagée depuis 2012 dans une politique zéro déchet en misant sur le recyclage et non plus sur l’incinération. San Francisco recycle aujourd’hui 80 % de ses déchets, et espère atteindre 100 %. Elle est considérée aujourd’hui comme une ville pionnière dans le zéro déchet. Elle s’est dotée du plus gros centre de tri de la planète, le Pier 96, confié à la coopérative Recology ;
  • ressourceries, repair café, vrac, etc. : une ressourcerie est un lieu où sont collectés tous les objets et matériaux dont leurs propriétaires n’ont plus besoin. Elle gère, sur un territoire donné, un centre de récupération, de valorisation, de revente et d’éducation à l’environnement. Le repair café – littéralement café de réparation – est un atelier consacré à la réparation d’objets hébergé dans un tiers-lieu.

Démocratie d’entreprise

Elle consiste à donner aux travailleurs collectivement une influence déterminante sur l’organisation de leur travail et les choix stratégiques de l’entreprise. La démocratie d’entreprise intègre les principes démocratiques (transparence, redevabilité, égalité, etc.) au sein d’une entreprise :

  • entreprise libérée : popularisée par Isaac Getz, la notion « d’entreprise libérée » désigne une forme organisationnelle dans laquelle les salariés sont totalement libres et responsables d’entreprendre toute action qu’eux-mêmes – pas leurs supérieurs ou les procédures – décident comme les meilleures ;
  • mouvement des coopératives (SCOP, SCIC, etc.) : entreprise où les droits à la gestion de chaque associé sont égaux et où le profit est réparti entre eux.

Nouveaux emplois aidés

L’État et/ou les collectivités locales soutiennent le retour à l’emploi en participant au financement de l’emploi :

  • Territoires zéro chômeur : lancé en 2017 sur dix territoires, ce dispositif vise à démontrer qu’il est possible à l’échelle de petits territoires, sans surcoût significatif pour la collectivité, de proposer à tout chômeur de longue durée qui le souhaite, un emploi à durée indéterminée à temps choisi, en développant des activités utiles au territoire ;
  • Lulu dans ma rue : c’est une nouvelle vision de la conciergerie de quartier plus responsable, destinée à soutenir l’insertion par l’entrepreneuriat des personnes éloignées de l’emploi. L’objectif est de les accompagner dans leurs démarches administratives pour acquérir un véritable statut de micro-entrepreneur et leur permettre de réaliser des services de bricolage, ménage, etc. Une des premières entreprises d’insertion par le travail indépendant (EITI) ;
  • revenu de transition écologique (RTE) à Grande-Synthe : la ville, près de Dunkerque, expérimente depuis 2019 le RTE pour lutter contre la précarité. Il s’agit de verser une aide financière et d’offrir un accompagnement à toutes les personnes ayant une activité à incidence écologique et sociale.

Axe citoyens-pouvoirs publics

Gouvernement ouvert

Le concept de gouvernement ouvert consiste à améliorer l’efficacité et la responsabilité des modes de gouvernance publique. Inspiré de la philosophie du mouvement du logiciel libre, ce mouvement prône la transparence, la participation citoyenne et la collaboration.

  • Open government partnership (OGP) : créé en 2011 par un groupe d’États (Brésil, Indonésie, Mexique, Norvège, Philippines, Afrique du Sud, Royaume-Uni et États-Unis), rejoint depuis par vingt collectivités (dont Madrid et Paris), bientôt cinquante de plus, il s’agit d’un partenariat multilatéral visant à promouvoir un gouvernement ouvert, avec des engagements concrets en matière de transparence, d’ouverture des données, de participation citoyenne, etc. ;
  • conventions citoyennes : « Assemblée éphémère (mandat limité à un objet) composée au minimum d’un panel de 100 citoyen·nes tiré·es au sort, représentatif de la diversité des habitants d’un territoire, réunis dans un processus délibératif indépendant et intense (délibération de plusieurs jours) sur une période limitée (plusieurs semaines à quelques mois) pour répondre à une demande ou question précise, en lien direct avec une décision politique », selon la définition du laboratoire Démocratie ouverte. La région Occitanie et la ville de Nantes se sont engagées dans des conventions citoyennes locales, en s’inspirant de la Convention citoyenne pour le climat.
  • charte Anticor : Limoges est la première grande ville française à avoir signé la charte Anticor, du nom de l’association anticorruption française dont le but est de réhabiliter la démocratie représentative, promouvoir l’éthique en politique et lutter contre la corruption et la fraude fiscale. Limoges a mis en place une commission Éthique et transparence composée à parité d’élus et de citoyens (2014).

Laboratoires d’innovation publique

Depuis une vingtaine d’années, partout dans le monde des administrations et collectivités locales se dotent de laboratoires d’innovation publique pour disposer d’une capacité de recherche et de développement, par le design et l’innovation sociale. Ce sont à la fois des lieux ouverts, des structures de travail dans les institutions et des espaces expérimentaux pour inventer, co-construire et expérimenter les services publics avec les élus, les agents, usagers et habitants. C’est une manière de renouveler la fabrique des politiques publiques. Une soixantaine de labos ont été créés en France ces dernières années, principalement dans les grandes collectivités et les services de l’État :

  • Mind lab, (Danemark) : labo inter-ministériel (ministère de l’Industrie, de l’Économie et des Finances, de l’Emploi et de l’Éducation) précurseur qui a œuvré entre 2002 et 2018 au Danemark ;
  • Villages du futur (France) : portés par le Pays Nivernais-Morvan et la communauté de communes, les habitants et les élus des six Villages du futur du territoire (Alligny-en-Morvan, Château-Chinon, Lormes, Montsauche-Les Settons, Moux-en-Morvan et Ouroux-en-Morvan), se mobilisent tout au long de l’année pour imaginer ensemble le futur de leur village. Au-delà d’un simple projet d’urbanisme, c’est une nouvelle façon de construire les politiques locales, avec et pour les habitants ;
  • States of Change, Innovation teams, Urbact : réseaux et collectifs qui se structurent à l’échelle internationale pour favoriser les démarches d’innovation publique dans les administrations.

Universalité des droits

La finalité est d’élargir le spectre des droits universels et inconditionnels aux questions telles que le revenu, la citoyenneté, l’accès à la santé, le logement, etc. :

  • revenu universel : le concept revenu en force avec la crise du covid-19, notamment en Espagne ou aux États-Unis. En Alaska, les résidents touchent depuis 1982 un revenu annuel versé grâce à un fonds souverain alimenté par les revenus tirés de l’extraction du pétrole et du gaz (Alaska permanent fund). La Finlande a expérimenté un revenu de base pendant deux ans (2017-2018) d’un montant de 560 euros par mois, versé à 2 000 personnes auparavant bénéficiaires de l’assurance-chômage, tirées au sort ;
  • régularisation covid : au Portugal, une régularisation (temporaire) de tous les immigrés qui avaient introduit une demande au début du confinement de la crise du covid-19 pour leur donner « les mêmes droits que les citoyens portugais », tant au niveau de l’accès des soins de santé que des aides financières ;
  • collectif femmes-hommes : des collectifs se forment partout dans le monde pour lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes et faire valoir les droits et l’égalité des femmes. Deux exemples : depuis 2002, le réseau Women in cities international (WICI) agit pour faire avancer l’égalité des sexes et la participation des femmes au développement urbain. Le budget « genré » ou « sensible au genre », qui analyse chaque dépense en fonction de son impact sur la place des femmes dans la société et qui a pour objectif d’atteindre l’égalité femmes-hommes, gagne aussi du terrain à l’étranger (dix-sept pays l’appliquaient en 2018 selon l’OCDE) et dans les collectivités locales en France. La nouvelle municipalité de Lyon a engagé cette démarche avec un budget 2021 genré, une première dans une ville de plus de 500 000 habitants ;
  • mouvement des villes refuges : de nombreuses villes européennes ou américaines ont adopté une posture plus militante et plus rebelle vis-à-vis de l’État central ou de gouvernement pour mieux accueillir les migrants.

Territoires en transition

Le mouvement Territoires en transition vise à mobiliser les citoyens d’un territoire autour des conséquences du changement climatique en mettant en place des solutions concrètes et locales et fondées sur une vision positive de l’avenir (réduction de la consommation d’énergie fossiles, développement de nouvelles formes d’économies locales et d’autonomie, renforcement des liens, des solidarités et coopération entre l’ensemble des acteurs du territoire, etc.) :

  • Loos-en-Gohelle (France) : petite ville du bassin minier de 6 500 habitants du Pas-de-Calais, Loos-en-Gohelle est l’une des villes pilotes en matière de transition écologique et démocratique. Elle est l’origine d’un référentiel sur l’implication citoyenne et de la Fabrique des transitions, une alliance d’acteurs et de réseaux pour mutualiser et déployer une ingénierie systémique des transitions dans les territoires ;
  • Totnes (Grande-Bretagne) : Le mouvement Transition towns – villes en transition – est né en 2006 dans la petite ville de Totnes, impulsé par l’enseignant en permaculture Rob Hopkins. Il y a aujourd’hui plus de 2 000 initiatives des villes en transition dans le monde, dans 50 pays, dont 150 en France, réunies dans le réseau international des villes en transition.

Villes résilientes

C’est la capacité des villes à absorber, préparer et se relever des chocs auxquels elles sont ou seront confrontées (économiques, environnementaux, sociaux, institutionnels, sanitaires, migratoires, etc.) ; les villes résilientes promeuvent, vis-à-vis de leurs habitants, une approche du développement durable, du bien-être et de l’inclusivité :

  • 100 resilient cities : lancée en 2013 par la fondation américaine Rockefeller pour aider 100 villes dans le monde (dont Paris) à faire face à trois grands défis et menaces : l’urbanisation croissante, la mondialisation et le changement climatique, en les aidant à construire une stratégie de résilience ;
  • Mission résilience (Paris) : en 2017, soutenue par la fondation Rockefeller, la ville de Paris s’est dotée d’une stratégie de résilience reposant sur trois piliers : une ville inclusive et solidaire qui s’appuie sur ses habitants pour renforcer sa résilience ; une ville construite et aménagée pour s’adapter aux défis du xxie siècle ; une ville en transition qui mobilise l’intelligence collective, adapte son fonctionnement, et coopère avec les autres territoires ;
  • Détroit : exemple le plus connu de la ville en déclin, avec la fermeture des usines de Ford et la crise des subprimes, qui a su se relever grâce à une stratégie de résilience.

Care

La crise du covid-19 a relancé le débat autour de la société du « care », de l’attention et du souci de l’autre, recentrés sur l’empathie. Un courant de pensée qui a émergé, d’abord aux États-Unis dans les années 1980. Le « care » regroupe un ensemble d’activités et métiers mettant en œuvre la « sollicitude », en tant que concept éthique, sociologique et politique.

Partenariats publics-communs

Les partenariats publics-communs consistent à concevoir des gouvernances mieux partagées entre acteurs publics et habitants sur un territoire ou autour de ressources locales. Le mouvement des communs désigne les initiatives concernant des ressources matérielles (forêt, eaux, etc.) ou immatérielles (connaissance, création, etc.) partagées entre une communauté d’utilisateurs qui déterminent eux-mêmes les modalités régulant sa gestion durable, l’usage, l’enrichissement de leur ressource, etc. Ce mouvement connaît aujourd’hui un essor, notamment en Europe :

  • Plan de transition vers les communs (Gand, Belgique) : ville de près de 300 000 habitants en Flandre-Orientale, Gand est engagée depuis 2007 dans la dynamique des communs. La municipalité est devenue une référence sur la question, elle a lancé un programme de recherche et a mis en place le Plan de transition vers les communs ;
  • Co-cities : développé par un laboratoire de recherche et de clinique urbaine LabGov (LABoratory for the GOVernance of the city as a common), c’est un projet international qui explore des formes pionnières de création de villes collaboratives dans les zones urbaines ;
  • ECLR (énergies citoyennes locales et renouvelables, prononcer « éclaire ») : en Occitanie, ECLR est un réseau régional qui fédère plus d’une cinquantaine de porteurs de projets – citoyens, professionnels et collectivités – engagés dans le développement des énergies renouvelables citoyennes et participatives ;
  • administration des biens communs (Italie) : la ville de Bologne a été le berceau en 2014 du premier règlement administratif sur la collaboration entre les citoyens et la ville pour l’entretien et la régénération des communs urbains. Ce règlement fait école auprès des promoteurs du modèle des biens communs.

Municipalisme

Le municipalisme expérimente un système politique reposant sur la décentralisation du pouvoir, autour de l’unité de base de la commune (reconnaissance des libertés locales, défense d’une autonomie vis-à-vis des États, etc.), et la réappropriation, par les habitants, des décisions relatives à leur communauté et à la société dans son ensemble, dans un esprit de démocratie directe. Inspiré par le théoricien communiste libertaire et écologiste politique américain Murray Bookchin. Plusieurs expériences significatives en Espagne, le courant inspire également des villes comme Amsterdam, Naples, Grenoble, etc. :

  • Ada Colau (Espagne) : élue maire de Barcelone en juin 2015, puis réélue pour un second mandat en 2019, Ada Colau est une figure marquante du mouvement municipaliste en Europe. Elle a remporté les élections municipales de 2015 sous les couleurs du mouvement Barcelone en commun, avec le soutien de Podemos, après s’être fait connaître comme représentante de la plateforme de victimes du crédit hypothécaire, une association militant pour le droit au logement dans le contexte de la crise immobilière espagnole. Elle est à l’origine de Barcelona Energía, une entreprise municipale de production, d’achat et de vente d’électricité d’origine renouvelable après avoir installé des panneaux solaires sur les bâtiments publics de Barcelone. Son objectif est que la municipalité fournisse directement de l’énergie à des particuliers ;
  • Fearless cities : les « villes sans peur » est un réseau de villes municipalistes initié à Barcelone en juin 2017. Elles prennent acte de l’impuissance des gouvernements dans les enjeux de ce début de siècle ; face à la crise environnementale et démocratique, elles ont la conviction qu’il faut recentrer l’action publique sur l’échelle municipale ; en repartant des problèmes concrets et quotidiens, la ville peut s’attaquer à des enjeux plus larges comme la lutte contre la corruption, les mobilités douces, la crise du logement, l’accueil les réfugiés, etc. ;
  • listes citoyennes aux municipales : 400 listes participatives citoyennes se sont déclarées sur le site Action commune pour concourir aux municipales 2020 en France. Débutées par des collectifs d’habitants, avec un processus démocratique ouvert et transparent de construction du programme et de désignation des candidats, et une autonomie vis-à-vis des partis politiques traditionnels, ces listes participatives ont contribué à renouveler la démocratie locale. 66 ont été élues (Poitiers, Annecy, Chambéry, Rezé, et dans de petites communes, comme Saint-Médard-en-Jalles, La Montagne, Nogent-le-Rotrou, Bourg-Saint-Maurice, etc.).
  1. Cette cartographie stellaire est un exercice collectif sans visée scientifique ou exhaustive et constitue une première approche forcément évolutive des courants, mouvements et thématiques de recomposition autour des trois pôles (entreprises, pouvoirs publics et citoyens) du nouveau contrat social. Elle a pour vocation de servir de support pédagogique aux acteurs publics. C’est pourquoi nous avons conçu une version poster afin que vous puissiez vous l’approprier et vous en servir dans le cadre de vos ateliers ou réflexions collectives sur ce sujet.
  2. À ce propos, voir : Le Floc’h M. et de Toledo C., « Les potentiels de la fiction : le cas du “parlement de Loire” », Horizons publics juill.-août 2020, n16, p. 62.
  3. L. n2019-486, 22 mai 2019, relative à la croissance et la transformation des entreprises.
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