Quelle évolution pour les métiers de la fonction publique ?

CESE fonction publique
Le 9 janvier 2019

Pour faire face à des besoins nouveaux, la fonction publique voit se constituer des métiers très divers exercés au sein de ses corps ou cadres d'emplois, ou par voie contractuelle dans des conditions définies par le statut général. L'évolution de ses missions implique l'apparition, la transformation ou même l'extinction de ces métiers. Saisi par le Premier ministre le 28 juin 2018, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a donné le 11 décembre un avis sur l’évolution des métiers de la fonction publique. Cet avis a été préparé par une Commission temporaire, présidée par Jean Grosset, Michel Badré et Pierre-Antoine Gailly étant les rapporteurs. Le projet d’avis a été adopté le 11 décembre au scrutin public par 143 voix et 23 abstentions (CFE-CGC, CGT, CGT-FO, 1 PQ). Retour sur les principaux enseignements de cet avis alors que la loi sur la réforme de la fonction publique est en préparation.

Avec un effectif d'environ 5,5 millions d'agents publics (2,4 millions dans la fonction publique d'État, 1,9 millions dans la territoriale, 1,2 million dans l'hospitalière) les trois « versants » de la fonction publique représentent 19,9 % de la population active occupant un emploi. Parmi ces personnels, plus de 80 % sont fonctionnaires titulaires, avec une augmentation de l'emploi contractuel.

Certains métiers, aux effectifs importants et dont les missions sont essentielles, connaissent des difficultés de recrutement : dans le secteur hospitalier, c'est le cas des infirmières et infirmiers ; la fonction publique territoriale connaît des difficultés de recrutement pour la police municipale, comme pour certaines fonctions juridiques et financières expertes.

Mais pour le CESE, ces problèmes d'attractivité n'apparaissent pas liés au statut de la fonction publique qui constitue une garantie pour l'égalité, la continuité et l'adaptabilité des services publics : les règles statutaires qui permettent la gestion des mouvements nationaux d'affectation paraissent ainsi fonctionner pour contribuer à garantir une meilleure cohésion territoriale.

Les métiers de la fonction publique forcément impactés par le numérique

Pour mieux déterminer l'évolution des métiers de la fonction publique, le CESE a examiné les facteurs susceptibles de modifier les besoins de services publics. Outre les attentes nombreuses du public à l'endroit de la puissance publique, les principaux facteurs d'évolution tiennent à la répartition des besoins sur les territoires en fonction de données socio-démographiques, les possibilités technologiques, notamment celles liées aux nouveaux usages du numérique dans la production et la demande de services publics ainsi que les exigences environnementales.

L'ensemble de ces facteurs conduit à un renouvellement des métiers qui pour la plupart, se maintiendront en se transformant, pour d'autres disparaîtront, tandis que de nouveaux besoins en créeront de nouveaux.

19 préconisations, 5 leviers pour préparer l’avenir

L’avis propose une gouvernance renforcée de la fonction publique, fondée sur un dialogue social interne renouvelé : 19 préconisations sont formulées autour de 5 leviers.

Premier levier : définir et renforcer le dispositif de gouvernance de la fonction publique en s'appuyant sur un dialogue social renouvelé

1 - Mettre en place un dispositif de pilotage en matière de gestion des ressources humaines. Une structure opérationnelle rattachée à la DGAFP serait chargée d'une mission transversale portant sur le développement des compétences et qualifications professionnelles dans l’ensemble des FP, mais aussi d'une mission spécifique de définition des axes de formation continue des personnels de la fonction publique de l'État et d’une mission de prospective, visant une meilleure anticipation et une meilleure intégration des facteurs d’évolution dans les métiers de la fonction publique.

2 – Indiquer dans la future loi sur la fonction publique l'élaboration d'un plan pluriannuel sur la formation continue nécessaire à l'évolution des métiers et aux besoins en qualifications.

3 - Les Conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER) devraient donner leur avis sur les services publics et leur organisation ainsi que sur les besoins en termes de métier.

Deuxième levier : renforcer la fonction RH

4 - Différencier les entretiens annuels de formation de ceux d'évaluation, les premiers devant servir à la définition d'un parcours de formation, le cas échéant en liaison avec les responsables RH, et les seconds relevant de l'appréciation du seul supérieur/de la seule supérieure hiérarchique.

5 - Fixer, sur la base de règles objectives les modalités d’usage des dispositifs de nouvelle bonification indiciaire (NBI) et de part fonctionnelle du régime indemnitaire pour reconnaître en termes de rémunération et de manière transitoire, les métiers émergents ou les nouvelles formes d'exercice de métiers existants. L'accès à ces emplois devrait être conditionné à des formations qualifiantes.

6 - Concevoir des postes à profil destinés à l'expérimentation de projets innovants, sur des périmètres spécifiés, dans les différents corps et cadres d'emplois de la fonction publique.

7 - Mettre en place un réseau de conseillères et conseillers RH de proximité dans l'Éducation nationale, ayant pour fonction de suivre la formation continue, les projets de mobilité interne et externe et les offres de poste.

8 - Préciser la répartition des responsabilités RH aux différents niveaux centraux et déconcentrés de l'État, leur place dans les organigrammes, et la nature des fonctions liées à ces responsabilités par rapport à celles de l'encadrement hiérarchique.

9 - Confier aux responsables de fonction d’encadrement, à tous les niveaux, le rôle d'assurer le dialogue social de qualité notamment en assurant l'information complète des systèmes d'information ressources humaines (SIRH) (code métier, qualifications et compétences acquises des personnels).

Troisième levier : former les personnels tout au long de la vie

10 - Modifier les programmes de formation initiale des écoles de la fonction publique autour de cinq dimensions : développement de démarches réflexives sur l'intérêt général (par la voie d'enquêtes, d'études de cas, de recherches), acquisition de compétences techniques, acquisitions de compétences transversales, stages pratiques et connaissance mutuelle des acteurs et actrices, enjeux et pratiques du dialogue social.

11 - Doter l'organisme en charge de la formation continue des personnels de la fonction publique des moyens identifiés s'ajoutant à ceux actuellement consacrés à l'effort de formation professionnelle initiale.

12 - Etablir, un état des lieux des compétences disponibles dans chaque service. En particulier, introduire dans le compte personnel de formation, les formations reçues en vue de répertorier les qualifications et compétences acquises, y compris antérieurement à l'entrée dans la fonction publique.

13 - Garantir l'accès à la formation continue des effectifs contractuels dans l’ensemble de la fonction publique, en les orientant vers des concours adaptés et en proposant des dispositifs de valorisation des acquis de l’expérience (VAE).

Quatrième levier : développer et encourager toutes les mobilités

 14 - Aménager des conditions de retour favorables dans le corps ou cadre d'emplois d'origine, en tenant compte du gain d'expérience acquise et en prévoyant un temps de réadaptation nécessaire à l'emploi retrouvé.

15 - Garantir la transparence des conditions de recrutement, de l'organisation des temps de travail et des régimes indemnitaires dans les différentes administrations pour faciliter les mobilités.

5ème levier : intégrer les missions nouvelles dans la réflexion sur les métiers

16 - Définir et mettre en œuvre une stratégie nationale d'investissement, de recherches et d'orientation dans la collecte et l'usage des données numériques à vocation de servir le public.

17 - Tenir compte de la réalité du travail observé dans les métiers avant de mettre en œuvre leur transformation numérique.

18 - Intégrer dans la formation initiale et continue et dans les pratiques de travail collaboratif de l'ensemble des personnels de la fonction publique, la prise en compte des enjeux relatifs à l’environnement, en particulier ceux qui concernent les changements climatiques et l’érosion de la biodiversité.

19 - Former les personnels dont la spécialisation de base est environnementale à la prise en compte des enjeux sociaux et économiques dans leurs méthodes de travail, et aux pratiques de travail en commun et de participation du public à la préparation des décisions publiques, au niveau national comme au niveau local.

Au total, un avis intéressant, à verser aux réflexions annoncées sur la fonction publique.

À lire

L'évolution des métiers de la fonction publique, Les Avis du CESE, adopté le 11 décembre 2018, rapporteurs : Michel Badré et Pierre-Antoine Gailly

L'avis en intégralité (PDF) - La note de synthèse (PDF)

 
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