Revue
Ils nous étonnentRepenser les concours de la fonction publique
Fidèle à sa raison d’être de moderniser le recrutement du secteur public, la plateforme Profil Public a publié, le 7 mai 2024, en partenariat avec l’association La Cordée, un manifeste de 20 propositions pour repenser les concours de la fonction publique. Des propositions concrètes tirées de témoignages de jeunes candidats ou en emploi dans la fonction publique
« En l’espace de vingt ans, le nombre de candidats aux concours de la fonction publique a été divisé par trois. Aucun versant de la fonction publique n’est épargné. Faut-il conclure que la fonction publique n’attire plus personne ? À mon sens, non. Cependant, son système de concours n’a plus le vent en poupe », alerte Sigrid Berger, la fondatrice de Profil Public, à l’initiative de ce manifeste.
Cinq grands constats sont dressés par les auteurs de ce manifeste pour expliquer la désaffection des concours. Premier constat : les informations sur les concours sont encore très difficiles à décrypter, souvent éparpillées et incomplètes sur les différents types de concours (interne, externe, troisième voie, « Talents », etc.), les grades, les modalités de nomination, etc.
Deuxième constat : les concours ne prennent pas suffisamment en compte l’expérience du terrain, les jurys sont encore trop codifiés et il existe de trop fortes inégalités liées à la préparation du concours.
Troisième constat : les perspectives en décalage avec les aspirations des candidats : « La raréfaction des candidats aux concours semble s’expliquer par un décalage grandissant entre leurs aspirations et les avantages escomptés. L’obtention d’un concours rime souvent avec sécurité de l’emploi. Bien que rassurant, cet argument ne peut plus être brandi comme un critère de choix. Pour 68 % des répondants à l’enquête, la stabilité de l’emploi n’est pas un critère de choix. Ce qui compte avant tout pour les candidats, notamment chez les plus jeunes, c’est le sens du travail et le désir d’impact. Pour eux, la mobilité interne représente le principal avantage du concours », écrivent les auteurs du manifeste.
Quatrième constat : les concours représentent souvent un investissement en temps et en argent pour les candidat·es : « Celles et ceux qui préparent le concours en interne sont mieux accompagnés. Ils peuvent poursuivre leur travail et maintenir leur niveau de rémunération. Pour les profils externes, il faut presque inévitablement basculer à temps partiel et donc perdre en salaire pour dégager le temps nécessaire. Cinquième constat : le format trop académique et infantilisant des épreuves aux concours : « Certains concours mériteraient d’être retravaillés pour davantage s’inscrire dans une logique de compétences et de besoins de recrutement. De nouveaux métiers émergent, on peut donner l’exemple du métier d’ergonome. Sur ce type de profil, il est très compliqué de recruter un fonctionnaire et le recours à un candidat contractuel semble nécessaire du fait des compétences particulières recherchées […] », écrivent les auteurs du manifeste.
Vingt propositions pour transformer les concours de la fonction publique
Pour relever ces cinq grands défis (rendre l’information plus accessible, briser les plafonds de verre pour favoriser la diversité, moderniser la promesse au candidat, mieux concilier vie personnelle et concours, proposer des formats moins académiques), les signataires du manifeste avancent 20 propositions (voir encadré, ci-contre) : « Avec ce manifeste nous avons souhaité donner la parole aux candidats pour comprendre les raisons de la désaffection des concours. Grâce aux témoignages recueillis, nous avons identifié les freins et leviers d’action pour repenser les concours de la fonction publique. L’enjeu ? Fidéliser les agents publics et attirer des talents diversifiés dont le service public a besoin », confie Sigrid Berger, qui était déjà l’instigatrice en mai 2023 d’un autre manifeste pour réinventer les codes du recrutement dans le secteur public.
Les vingt propositions du manifeste
- Centraliser les infos concours sur un canal unique ;
- Simplifier le nombre et harmoniser les concours ;
- Valoriser les retours d’expérience « live » ;
- Faire la pédagogie des concours dès l’onboarding ;
- Promouvoir davantage les prépas Talents ;
- Institutionnaliser un dispositif de coaching ;
- Constituer des jurys plus représentatifs ;
- Valoriser le projet professionnel plutôt que le statut ;
- Généraliser les dispositifs de mentorat ;
- Simplifier l’accès aux concours aux alternants ;
- Supprimer les logiques d’affectation ;
- Faciliter la mobilité et la valoriser ;
- Condenser le calendrier des concours ;
- Proposer une option Prépa concours dans les cursus ;
- Lancer une e-prépa finançable via le CPF ;
- Réviser les rythmes de formation post concours ;
- Rendre les épreuves écrites moins académiques ;
- Intégrer des spécialités métiers aux épreuves ;
- Généraliser les tests psychotechniques ;
- Gamifier les oraux pour valoriser la personnalité.