Transformation numérique : les nouvelles priorités de la DINUM

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Nadi Bou Hanna, le directeur interministériel du numérique (à droite sur la photo), et Xavier Albouy, le directeur du programme TECH.GOUV, ont reçu la presse mardi 14 septembre 2021, pour faire un point sur l'avancement des chantiers, l'évolution du plan d'action et les objectifs à atteindre.
©JN
Le 20 septembre 2021

Bousculé par la crise sanitaire et concurrencé par les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft), l'État poursuit à marche forcée la transformation numérique de ses services publics. La Direction interministérielle du numérique (DINUM), directement rattachée au ministère de la Transformation et de la Fonction publiques, joue un rôle clef pour conduire, piloter et mettre en œuvre la stratégie numérique de l'État.

 

C'est la DINUM qui a la charge de mettre au point et d'animer le programme interministériel de transformation du service public qui a pour nom actuel TECH.GOUV, plan d'action, de développement, de mutualisation, de dématérialisation et de qualité des services publics numériques, adopté en avril 2019.

 

Où en sommes-nous aujourd'hui de cet ambitieux programme d'accélération numérique des services publics qui comprend 43 projets répartis dans 8 missions principales ? Quels sont les projets arrivés à maturité ? Et les nouvelles actions qui font leur apparition ?

 

Développement de nouvelles solutions numériques (France Connect +, dossiers numériques de l'entreprise, de l'agent et du citoyen, plateforme d'échanges de données entre administrations, service de webinaire...), stratégie cloud et data, souveraineté numérique, amélioration de l'environnement numérique de travail des agents, diffusion de l'approche Startup d’État et de ses méthodes d'incubation, expérimentation d'une "administration proactive", pilotage de la transformation numérique des territoires, promotion des logiciels libres, grille des salaires des métiers du numérique en tension... Les nouveaux et nombreux chantiers de la DINUM ont été présentés à l'occasion d'une conférence de presse de rentrée.

"La DINUM est un acteur transversal en matière de transition numérique qui joue un rôle de stratège, de producteur-facilitateur, de garant et de régulateur", explique Hélène Bégon-Tavera, dans un ouvrage récent intitulé "La transformation numérique des administrations", qui décrypte le jeu des acteurs du numérique public en France.

La DINUM, un acteur transversal

Schéma d'Hélène Bégon-Tavera

Composée aujourd'hui de 180 agents publics, dont les effectifs en croissance sont majoritairement des contractuels, la DINUM est en première ligne sur l'enjeu de la numérisation des services publics. Un dossier suivi de près par Amélie de Montchalin, la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, qui a annoncé le 12 septembre dernier que 212 démarches parmi les 250 les plus fréquemment réalisées par les Français sont désormais disponibles en ligne en citant l’établissement d’une procuration de vote, l’inscription en ligne au collège et au lycée ou encore la demande d’aide juridictionnelle.

"L’effet de sidération de la crise sanitaire est derrière nous, la vie doit à nouveau s’organiser, cela a un impact direct sur la politique numérique de l’État », a expliqué Nadi Bou Hanna, le directeur interministériel du numérique, lors de sa traditionnelle conférence de presse de rentrée. Il était accompagné de Xavier Albouy, le directeur du programme TECH.GOUV, pour dresser un deuxième bilan de ce programme phare de la DINUM. La crise a clairement mis en lumière l'importance et le potentiel du numérique pour piloter le service public.

"Aujourd'hui, la protection des données sensibles passe au premier rang, la souveraineté numérique est devenu un enjeu prioritaire", a précisé le patron de la DINUM.

Parmi les autres dossiers prioritaires, il y a aussi la dématérialisation des démarches administratives, la politique de la donnée (acquisition, mise en qualité, exploitation, simplification, open data) et les enjeux de ressources humaines, avec le renforcement de l'attractivité de l'État en tant qu'employeur numérique.

Les projets arrivés à maturité et en développement

Durant cette conférence de presse, Nadi Bou Hanna et Xavier Albouy se sont félicités du succès du déploiement de France Connect, la solution proposée par l’État pour sécuriser et simplifier la connexion aux services publics et privés (banques, assurances) en ligne. "30 millions de citoyens l’ont utilisé au moins 1 fois, France Connect permet d'avoir accès à près de 1000 services en ligne", ont-ils précisé. Les collectivités locales peuvent faire aussi appel à une enveloppe dans le cadre du plan de relance pour installer France Connect. La ville de Paris a embarqué France Connect, comme celle de Lyon.

Les deux responsables de la DINUM ont également annoncé le lancement à l'automne 2021 de France Connect+, en partenariat avec l'identité numérique de La Poste.

"L’objectif est de renforcer la sécurité et d’apporter des services plus avancés avec des briques supplémentaires. La valeur ajoutée de cette solution est d'offrir un niveau de confiance supplémentaire", ont-ils expliqué. Deux autres produits dérivés de France Connect sont aussi dans les tuyaux ou déjà en développement : ProConnect qui doit sortir à la fin de l’année pour permettre à un dirigeant de certifier sa qualité de dirigeant, avec un système de procuration d’identité et d'e-wallet, et AgentConnect permettant aux agents publics de se connecter avec un seul identifiant unique.

Autre chantier qui s'est accéléré durant la crise, c'est l'équipement des agents et l'environnement de travail numérique, qui repose sur une montée en résilience du réseau interministériel de l'État (RIE) et un renforcement de la stratégie cloud.

Le déploiement du Sac à dos numérique de l'agent public (SNAP), annoncé en 2020 au moment de la crise sanitaire, s'est poursuivi : en septembre 2021, 350 000 agents publics ont pu être équipés en outils (ordinateurs portables, accès VPN sécurisé...) pour travailler à distance. "L'objectif est d'atteindre 400 000 fonctionnaires d'État dont les fonctions sont télétravaillables". Le sac à dos numérique de l'agent public, c'est aussi des services collaboratifs numériques partagés comme Tchap, la messagerie instantanée de confiance - 250 000 agents l’ont installé sur leurs smartphones -  Osmose, la plateforme des communautés professionnelles de l’État, Resana, un espace de travail collaboratif qui compte 170 000 utilisateurs, la Webconf, la Webconférence de l’État - Plus de 1000 conférences sont organisées chaque jour - ou encore Audioconf, Audioconférence de l’État, avec 200 utilisations par jour. La DINUM a également lancé en juin 2021 un service de webinaire de l'État, dédié aux agents de l’État.

La prochaine étape du Sac à dos numérique de l'agent public (SNAP) va consister à agréger ces différents outils et proposer un ensemble de services au même endroit. L'idée, c’est d’avoir un "Office 365" de l'État et proposer une alternative aux grandes plateformes privées. Nous allons travailler là dessus dans les premiers mois de l'année 2022, a précisé Nadi Bou Hanna, le directeur interministériel au numérique.

Pour faire fonctionner en sécurité et en autonomie tous ces nouveaux services collaboratifs, la DINUM va déployer la doctrine "Cloud au centre" dévoilée récemment par le Gouvernement, qui "met le cloud au cœur de la transformation numérique des ministères". Les données sensibles de l'Etat seront quant à elles hébergées sur un cloud interne tandis qu'un cloud commercial de confiance sera favorisé, permettant notamment d'avoir recours à des acteurs privés engagés dans une relation de confiance. Google Workplace, qui propose un hébergement cloud, a fait par exemple son entrée dans le catalogue Gouvtech, mis en ligne en mai 2021, qui recense plus de 400 solutions numériques proposées par des entreprises aux services publics. Près de 80% des solutions présentées dans ce catalogue proviennent de TPE (Très Petites Entreprises), PE (Petites Entreprises) et ETI (Entreprises de Taille Intermédiaire) françaises. Il s'agit pour l'instant uniquement d'auto-référencement, les prochaines étapes seront l'auto-évaluation et la labellisation de ces solutions, plutôt courant 2022.

"L'objectif est de mieux connaître les solutions numériques existantes sur le marché et de les comparer, c'est un marché évalué à 5 milliards d'euros par an", a précisé Nadi Bou Hanna.

Marque de fabrique de la DINUM autant que méthode d'innovation reconnue, l'approche Startup d’État s'est aujourd'hui largement diffusée dans les ministères. "10 ministères ont déjà créé leur incubateurs de Startups d’État, le ministère de l'Enseignement, de la Recherche et de l'Innovation vient de le faire. Il manque plus que les ministères de la Justice et de l’Agriculture et de l'Alimentation. Les directions du numérique des ministères se sont appropriées cette démarche d’innovation.

Les deux responsables de la DINUM se sont félicités du succès de la formule "Startups d’État" et ont salué les premières actions de la "Brigade d’intervention numérique", lancée en 2020 et composée d'une douzaine de contractuels recrutés pour produire des services numériques dans des délais courts.

Audioconf, la plateforme d'audioconférence de l’État, a été lancée en quelques semaines par cette brigade. Souvent recrutés avec des contrats courts (6 mois), ces experts du numérique pourraient bénéficier de contrats plus longs à partir de 2022, le dispositif a fait ses preuves et sera pérennisé, a annoncé le directeur interministériel du numérique. Sur cette mission BETA, concevoir les services publics autrement, l'année 2021 a permis de faire émerger et de déployer progressivement, grâce à quatre "Startups d’État à impact majeur", de nouveaux services publics numériques nationaux comme Aidants Connectdestiné aux aidants professionnels qui accompagnent les usagers dans leurs démarches administratives en ligne, le Code du travail numérique, Le registre de preuve de covoiturage ou encore « 1 jeune, 1 solution », plateforme de l’inclusion et du retour à l’emploi qui passe à l’échelle.

Autre technologie d'avenir qui fait l'objet de toutes les attentions : l'intelligence artificielle. Sur ce chantier, la DINUM pilote le laboratoire d'intelligence artificielle (Lab IA), composé aujourd'hui de 7 personnes, dont la vocation est d'accompagner le développement et l’utilisation de l’IA dans l’administration. Depuis 2019, ce Lab IA a accompagné 21 projets d'IA dans l'administration. Un appel à candidatures « Accompagnement en recherche » permettra de sélectionner des administrations pour leur faire bénéficier d’un partenariat avec un laboratoire de recherche (INRIA) pour développer des prototypes (prototype d’interface, création d’algorithmes...).

TECH.GOUV, un programme construit autour de 8 missions

Cadre d’action composé de 8 missions (LABEL, IDNUM, DATA, INFRA, PILOT, TALENTS, BETA, TRANSFO), le programme TECH.GOUV vise à faire progresser continuellement l’État numérique et les services proposés aux usagers et aux agents. La feuille de route 2019-2022 comprend 43 projets.

Mission LABEL : Labelliser les solutions et les outils numériques recommandés à l'usage des administrations
Objectif : favoriser la création de services publics numériques utilisant les meilleures solutions disponibles

Mission IDNUM : Construire une identification unifiée pour les services en ligne
Objectif : faciliter l'accès aux services en ligne en fédérant les identités pour tous les usagers (particuliers, entreprises, agents publics)

Mission DATA : Exploiter tout le potentiel des données au services des politiques publiques
Objectif : simplifier les procédures administratives et créer des services numériques innovants en accélérant la circulation des données

Mission INFRA : Construire et opérer des infrastructures et des services numériques mutualisés
Objectif : concentrer les efforts budgétaires et les compétences sur les infrastructures (réseaux et services de base) les plus utiles au bon fonctionnement de l'État

Mission PILOT : Accompagner la conception et le pilotage des systèmes d'information de l'État
Objectif : développer la culture du pilotage et renforcer la performance du système d'information de l'État

Mission TALENTS : Attirer et fidéliser les talents du numérique et accompagner les managers publics dans l'usage du numérique
Objectif : favoriser la réussite de la transformation numérique de l'État et garantir sa souveraineté numérique

Mission BETA : Concevoir des services publics numériques autrement
Objectif : promouvoir des technologies et des méthodes innovantes de création de services publics numériques

Mission TRANSFO : Appuyer la transformation publique par le numérique
Objectif : soutenir, sur le volet numérique, les projets de transformation conduits par les ministères et leurs opérateurs

Pour en savoir plus : TECH.GOUV : Stratégie et feuille de route 2019-2022 - édition actualisée mi-2021

 

La DINUM poursuit aussi son effort pour renforcer l'attractivité des métiers au sein du numérique d'État dans un marché en forte tension, où certains profils (Data Scientist, experts clouds, architectes applicatifs...) sont très recherchés et très convoités. Des opérations sont menées chaque année pour attirer les talents Tech, comme le Forum de l'emploi tech de l'État - la prochaine édition aura lieu en décembre 2021 - ou "Vis mon job" - proposer aux étudiants de passer une journée aux cotés d'un expert du numérique dans l'administration ou encore à destination des femmes. La question de la rémunération est aussi décisive pour retenir les candidats, la DINUM est à l'initiative de la création d’une grille de salaires des métiers numériques en tension, alignés sur le privé, indiquant les seuils de rémunération des profils les plus recherchés.

"Le marché est très concurrentiel, il faut se montrer convaincant. Au sein de la DINUM, à titre d'exemple, nous publions une quarantaine de postes par an, nous avons en moyenne 20 candidats par poste. C’est plus que dans certains Ministères", précise le directeur interministériel du numérique.

La localisation et la qualité de l’environnement de travail font aussi partie des critères d'attractivité : la DINUM va ainsi procéder à des recrutements à Rennes et à Lyon plutôt qu’à Paris.

Sur le chantier de la data, l'année 2021 a permis de déployer Hubee, une plateforme d'échanges de données entre administrations, et d'expérimenter "le dossier numérique du citoyen" - qui regroupera la liste des informations dont les administrations disposent sur les citoyens pour générer des justificatifs - , et "le dossier numérique de l'agent" - qui regroupera l'ensemble des informations de l'agent sur sa carrière. Suite à la publication du rapport Bothorel "Pour une politique publique de la donnée" en décembre 2020, Le Premier ministre a annoncé que les administrations devront publier leurs feuilles de route sur les données. La DINUM est chargée de coordonner ce travail, avec les administrateurs ministériels des données dans chaque ministère.

Les nouvelles actions du programme TECH.GOUV

Durant cette conférence de presse, Nadi Bou Hanna et Xavier Albouy en ont aussi profité pour préciser cinq nouveaux chantiers.

  • "Mieux utiliser les logiciels libres" (Mission LABEL)La stratégie des logiciels libres et des communs numériques fera l'objet d'une annonce par le gouvernement dans les prochaines semaines, la DINUM se positionnant déjà sur ce projet avec la mise en place d'une petite équipe. "Nous avons souhaité en faire un axe spécifique car les logiciels libres favorisent la mutualisation. Il s’inscrit dans une stratégie plus globale du logiciel libre qui sera présenté par le gouvernement prochainement. C’est une mise en visibilité et une formalisation de ce qu’il faut faire en la matière", a précisé le directeur interministériel du numérique. La crise sanitaire a montré en effet toute l'utilité de l'ouverture, de la circulation et de l'exploitation des données, permettant à Guillaume Crozier, par exemple, de créer des sites comme Covidtracker ou l’application Vitemadose, outils basés sur les données numériques et devenus incontournables durant la crise sanitaire.
     
  • Transformation numérique des territoiresLe développement du numérique dans les collectivités locales est désormais suivi de près par les équipes de la DINUM, qui pilote désormais ce nouveau programme de Transformation numérique des territoires, faisant suite au programme DCANT (Développement Concerté de l’Administration Numérique Territoriale). "La dématérialisation des actes d’urbanisme ou encore le partage des calendriers des projets de dématérialisation font partie des premiers projets en discussion avec les collectivités locales dans le cadre de ce nouveau programme", explique la patron de la DINUM.
     
  • Administration proactive
    C'est un vrai changement de paradigme pour l'administration, devenir "proactive"... L'idée est de proposer un système de notification pour pousser vers l'usager les informations administratives (droits et obligations) avant que ce soit lui qui en fasse la demande. L'application des 1000 premier jours de l'enfant, qui permet aux jeunes parents d'avoir les informations sur les 1000 premiers jours de leur enfant, au bon moment, et l’obtention automatique des crédits du "pass culture" (500 euros à l’âge de 18 ans) s'inscrivent dans l'esprit de cette démarche.
     
  • Le Dossier numérique de l'entreprise
    Véritable annuaire en open data avec un service de données confidentielles réservé aux chefs d’entreprise, le Dossier numérique de l'entreprise a été rajouté en 2021. L'objectif est de créer une porte d'entrée unique pour les chefs d'entreprise et de regrouper toutes les données des personnes morales au même endroit.
     
  • Ressources de la transformation numérique de l'Etat
    L'idée de ce nouveau projet, c'est de diffuser la culture du benchmark auprès des directions numériques des ministères en les incitant à se comparer à d'autres organisations publiques et privées. Un outil d'aide à la décision qui s'inspire des bonnes pratiques.

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