Carte blanche, l'administration libérée en marche ?

Carte blanche
Le 15 octobre 2018

Un agent public polyvalent voire augmenté, un car de services publics itinérants, un meilleur partage de données entre opérateurs sociaux, un centre de services RH pour les TPE et une plateforme d'offre de mobilité solidaire sont les cinq solutions imaginées par les équipes multidisciplinaires impliquées dans l'opération "Carte blanche" lancée en janvier 2018 dans le bassin de vie de Cahors (63 communes, 48 000 habitants). Objectif : réinventer les service publics dans les territoires en repartant des besoins du terrain, en associant les usagers et les partenaires locaux. Pilotée directement par le service « Accélération des réformes » de la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP), avec l’aide de consultants extérieurs aguerris (relire notre reportage Carte blanche : l’État en immersion dans le Lot publié en mai dernier), cette expérimentation pourrait être déployée dans les prochains mois dans d'autres territoires.  Elle illustre une nouvelle façon de concevoir les politiques publiques au niveau de l’État dans le cadre du programme Action publique 2022 (AP2022). Reste à savoir si ces solutions seront suffisantes pour faire face à la disparition des services publics dans les zones isolées ou en difficultés (zones rurales, quartiers prioritaires, espaces de montagne) et dans un contexte de défiance entre l’État et les collectivités territoriales.

Après un an d'immersion dans le bassin de vie de Cahors, l'opération Carte blanche débouche sur 5 solutions concrètes, annoncées à l'occasion d'une réunion à Cahors le 2 octobre dernier de tous les intervenants du territoire : la DITP, la Préfecture du Lot, le Grand Cahors, le département du Lot, la Direction régionale des entreprise, de la concurrence, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), la Chambre de Commerce et d'Industrie(CCI), La Poste, la Caisse d'allocation familiale (CAF), la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), l'Union Départementale des Associations Familiales (UDAF) et Pole Emploi. Les équipes de la DITP, sous l'impulsion de Mélissa Deléron, la directrice et chef d’orchestre de Carte blanche, ont accompagné durant 10 mois tous ces acteurs locaux pour "libérer leur capacité d’innovation, permettre aux agents de terrain de s’exprimer grâce à un environnement de travail transformé".

L'originalité de la démarche Carte blanche réside dans le recours aux méthodes du design de services pour mieux prendre en compte les besoins des usagers avec notamment l'implantation au cœur de la vieille ville de Cahors d'un laboratoire d'innovation éphémère, rue Nationale.

« L’expérimentation Carte blanche s’inspire de plein de techniques d’innovation : le design thinking, l’ergonomie, les méthodes des start-up, l’immersion avec les usagers sous forme d’ateliers participatifs", expliquait Mélissa Deléron lorsque nous l'avions rencontré au début de cette opération. 10 mois après, accompagnés par des cabinets de consultants rompus aux techniques d'innovation en vogue dans les start up, les acteurs locaux ont imaginé cinq solutions pratiques pour relever le défi de "réinventer les services publics de proximité". Même si certaines de ces solutions ne sont pas vraiment nouvelles (diversifier et augmenter les compétences et les périmètres d'action des agents publics, le principe d'avoir des services publics itinérants, utiliser la puissance des plateformes numériques pour résoudre des problèmes de mobilité), ces solutions ont le mérite de répondre à des besoins précis, identifiés sur place, en écoutant davantage les usagers. Passage en revue des cinq expérimentations devenues réalités depuis le 2 octobre dernier.

L’agent polyvalent

Lors des ateliers « terrain » organisés à Cahors, les usagers ont clairement exprimé le souhait d’avoir une réponse complète à leurs demandes à l’endroit où ils s’adressaient.

La solution retenue consiste à donner un engagement de service à l’agent situé en front office (au guichet) qui devient ainsi garant de la réponse fournie à l’usager. Pouvant appartenir à tout type de services publics - État, collectivité, opérateur – l’agent est mis en capacité de traiter les demandes des usagers grâce à un équipement adapté, à sa mise en réseau avec d’autres acteurs, avec la possibilité de répondre dans des domaines autres que ceux de son organisme de rattachement.

Dans le bassin de vie de Cahors, des agents des collectivités (présents notamment en maison de services au public (MSAP), à l’UDAF et dans le car des services publics), de l’État (en préfecture et sous-préfecture), de La Poste et des secrétaires de mairie vont bénéficier d’une formation, d’un bureau numérique avec plusieurs briques («démarches», «information» et une brique «mon réseau», portée par la Startup d’État A+, visant à fluidifier les relations avec les partenaires). Des « ilôts numériques » seront déployés par La Poste pour que l’agent accompagne les usagers les plus aptes aux démarches en ligne.

Car des services publics itinérants
©DITP

Le car des services publics itinérants

Pour répondre à l’éloignement des services publics, un service public itinérant (car des services publics) va apporter un accompagnement le plus complet possible, avec la capacité à couvrir une palette de démarches et services pour les populations les plus isolées. Dimensionné pour répondre aux besoins identifiés, un binôme comportera un agent polyvalent, un animateur généraliste ainsi qu’un agent au profil « travailleur social ». Les agents polyvalents viennent du Grand Cahors ainsi que de la préfecture du Lot et de l’UDAF.

 Le partage de données entre opérateurs sociaux

Démarrée en août 2018 pour lutter contre le non-recours aux droits et simplifier les démarches de l'usager, cette expérimentation doit permettre d'ici au 31 décembre 2018 :

- d’identifier les données nécessaires et potentiellement échangeables entre organismes sociaux pour détecter les situations de non-recours ;

- d’évaluer la part des usagers concernés par le non-recours et les marges de simplification potentielles ;

- de concevoir un service de déclenchement anticipé des droits ainsi que les scénarios d’automatisation envisageables s’appuyant sur le simulateur « mes-aides.gouv.fr ».

Un centre de services RH pour les TPE

Le chantier « Centre de services RH » va tester la gestion par Pôle emploi de certaines fonctions RH afin de développer des TPE du bassin de vie de Cahors et leur offre d’emploi : concrètement, 10 TPE volontaires seront déchargées temporairement de certaines fonctions RH en mettant à leur disposition deux agents. Au sein de ces entreprises, les deux experts prendront, sur quatre mois, des fonctions RH qualitatives, comme le recrutement ou le suivi de carrières, mais aussi la gestion de la paye ou d’autres démarches RH. L’expérimentation doit permettre de vérifier que le dispositif testé est opérationnel sur le long terme.

La plateforme d’offre de mobilité solidaire

Plusieurs leviers sont utilisés pour réduire le frein à la mobilité sur le territoire lotois, en particulier pour des publics fragilisés :

  • l’ouverture des données de transport du Lot ;
  • la mise en visibilité des différentes offres de transport : une startup d’État, pilotée par la Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’Etat (DINSIC), va concevoir et tester une solution (numérique, physique et téléphonique) pour construire des offres alternatives lorsque des besoins non couverts (personnes âgées, jeunes, demandeurs d’emploi ne disposant pas de véhicule) sont recensés et de favoriser un maillage plus fin du territoire.

Testée sur le terrain par un cercle d’utilisateurs représentatifs du territoire, la solution s'améliorera au fil des retours des usagers.

La vidéo de présentation de la démarche Carte blanche, réalisée par la DITP :

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